60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
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60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
...La mâchoire crispée, le front volontaire caractérisait l'homme. Et puis il y avait ce regard, ce regard terrible, mélange de mélancolie et d'acier que l'ont retrouve seulement chez les pilotes de guerre, pas ceux qui programment un ordinateur pour balancer un missile à 12 km, non celui de ceux qui le souffle coupé, bataillant avec le voile noir, alignant l'ennemi dans un petit point réfléchissant sur une plaque de verre. Il n'y avait que ceux-là pour poser sur vous ce regard qui inspire le respect et la soumission.
Dans mon métier de journaliste biographe, j'avais déjà eu l'occasion d'en voir plusieurs, mais celui-là je ne l'oublierai jamais...
Ah oui, j'oubliais l'essentiel, je me présente Steeve Franklin; journaliste écrivain. Il y a quelques années j'ai été amené par mon travail a effectuer la biographie d'un ancien pilote de la 2ème guerre mondiale. C'est là que j'ai découvert un monde fascinant, celui où la passion, le rêve et la mort se côtoyaient comme nul part ailleurs. Au terme de ce boulot, j'en ai fait ma spécialité. Depuis, j'ai écris plusieurs ouvrages traitant du sujet et d'autres biographies à mon actif.
Le plus extraordinaire avec les anciens de pilotes de guerre, c'est qu'ils ne mentent jamais, malgré leur grand âge, leur mémoire est très fiable et les souvenirs relatés avec précision. L'histoire ne leur donne pas toujours raison, mais qui croire 60 ans plus tard?
Des historiens se basant sur des archives où celui qui l'a vécu de l'intérieur?
Personnellement j'ai décidé d'utiliser les archives pour amener mon interlocuteur sur le sujet et de m'en tenir à ce qu'il me dit. Il y a toujours des technocrates biens pensants qui s'imaginent pouvoir ré écrire l'histoire parce qu'ils ont "le savoir" en leur possession. Mais si l'histoire doit retenir quelque chose aujourd'hui, c'est avant tout, des hommes qui certes avaient des valeurs morales différentes et pas toujours comprises, mais qui étaient réunis par un seul point, la passion du ciel. Les états-major des pays qu'ils représentaient avaient su idéaliser leur passion en mettant à leur disposition des machines de guerre certes, mais des machines fabuleuses, fantastiques qui fascinent encore de nos jours.
Mais revenons à nos moutons. Nous sommes le 11 juin 2005, il est à peu près 15h00, je viens de Covington, état de Virginie, USA, et après avoir suivit la "220" jusqu'à Coven Springs, je viens de m'engager sur un chemin rectiligne et poussiéreux traversant la campagne de Virginie. De part et d'autres de la petite route, des centaines d'hectares de blé, de seigle ou d'orges s'étendent à perte de vue. Dans cette région, les céréales sont essentiellement utilisées pour la fabrication des whiskeys du Kentucky tout proche. Le soleil est terriblement chaud et j'apprécie la climatisation de ma Dodge Durango de location. Alors que le V8 Big Block ronronne comme un chat sous le capot, la radio diffuse un morceau de country mélancolique chanté par Dolly Parton qui s'accorde vraiment bien avec le paysage qui défile dans mon pare-brise. En réfléchissant au vétéran que j'allais voir, je ne pouvais m'empêcher de penser que son installation dans le berceau du Bourbon n'avait rien d'un hasard, même si dans son domaine on cultivait les cacahouètes. Sur le siège passager, ma serviette tressautait au rythme des chaos de la route, à l'intérieur reposait un important dossier d'archives patiemment récoltées. Celui de l'un des As les plus célèbres de l'USN; le Colonel Gunter et de quelques-uns uns des pilotes les plus connus de son unité presque aussi célèbre que la VMF 214 du Colonel Boyington. Ni les balles japonaises, ni l'alcool n'en étaient arrivés à bout, et encore moins les journalistes et autres grattes papiers qui avaient tenté de l'approcher, tous renvoyés sans ménagement. La légende dit que certains auraient même quitté Crymson's Ranch avec du plomb sifflant près des oreilles. L'homme en question était déjà un irascible en 39-45, aujourd'hui avec l'âge la situation ne s'était visiblement pas améliorée et son aversion pour l'administration n'avait toujours pas changé.
Pourtant, lorsque je l'avais contacté il y a quelques semaines, il avait accepté de me recevoir. Et aujourd'hui, me voilà sur la route de Crymson's Ranch. Après deux heures de route, au loin, apparaissent enfin au pied d'une petite colline, plusieurs bâtiments où l'on traite certainement la récolte de cacahouètes. Quelques longue et fines cheminées fument et embaume la région de volute d'arachides grillées. Alors que Johnny Cash entame Love and Morder, au sommet, apparaît la propriété du maître des lieux. Une imposante bâtisse à l'architecture typique de la région accueille le visiteur. Deux colonnes encadrent l'entrée et la façade d'un blanc éclatant. Un escalier de marbre semi-circulaire mène à une imposante entrée où un homme semble m'attendre. J'immobilise mon 4x4 sur le gravier. Johnny Cash se tait et le charme est rompu. Je reviens sur terre, vais-je être accueilli à coups de Winchester? Un vent sec venant du Sud rend la chaleur moins étouffante que dans la plaine. Je ne porte que rarement un chapeau, mais là il me serait difficile de me passer de mon Stetson Palomino cadeau de mon vieux père. L'homme s'approche.
- Mister Franklin?
Le gars athlétique à la cinquantaine, les temples grisonnantes, il porte une chemise blanche et des jeans remontant assez haut et tombant bas sur la botte en usage courant chez les cow-boys. Un ceinturon de cuir orné d'une boucle en argent usée. Sa tête est coiffée d'un chapeau gris.
- Je m'appelle David Spencer, je suis l'homme de main de Mr Gunter Jr. Bienvenue à Crimson's Ranch. Suivez-moi, je vais vous installer dans une des chambres d'amis.
Dans mon métier de journaliste biographe, j'avais déjà eu l'occasion d'en voir plusieurs, mais celui-là je ne l'oublierai jamais...
Ah oui, j'oubliais l'essentiel, je me présente Steeve Franklin; journaliste écrivain. Il y a quelques années j'ai été amené par mon travail a effectuer la biographie d'un ancien pilote de la 2ème guerre mondiale. C'est là que j'ai découvert un monde fascinant, celui où la passion, le rêve et la mort se côtoyaient comme nul part ailleurs. Au terme de ce boulot, j'en ai fait ma spécialité. Depuis, j'ai écris plusieurs ouvrages traitant du sujet et d'autres biographies à mon actif.
Le plus extraordinaire avec les anciens de pilotes de guerre, c'est qu'ils ne mentent jamais, malgré leur grand âge, leur mémoire est très fiable et les souvenirs relatés avec précision. L'histoire ne leur donne pas toujours raison, mais qui croire 60 ans plus tard?
Des historiens se basant sur des archives où celui qui l'a vécu de l'intérieur?
Personnellement j'ai décidé d'utiliser les archives pour amener mon interlocuteur sur le sujet et de m'en tenir à ce qu'il me dit. Il y a toujours des technocrates biens pensants qui s'imaginent pouvoir ré écrire l'histoire parce qu'ils ont "le savoir" en leur possession. Mais si l'histoire doit retenir quelque chose aujourd'hui, c'est avant tout, des hommes qui certes avaient des valeurs morales différentes et pas toujours comprises, mais qui étaient réunis par un seul point, la passion du ciel. Les états-major des pays qu'ils représentaient avaient su idéaliser leur passion en mettant à leur disposition des machines de guerre certes, mais des machines fabuleuses, fantastiques qui fascinent encore de nos jours.
Mais revenons à nos moutons. Nous sommes le 11 juin 2005, il est à peu près 15h00, je viens de Covington, état de Virginie, USA, et après avoir suivit la "220" jusqu'à Coven Springs, je viens de m'engager sur un chemin rectiligne et poussiéreux traversant la campagne de Virginie. De part et d'autres de la petite route, des centaines d'hectares de blé, de seigle ou d'orges s'étendent à perte de vue. Dans cette région, les céréales sont essentiellement utilisées pour la fabrication des whiskeys du Kentucky tout proche. Le soleil est terriblement chaud et j'apprécie la climatisation de ma Dodge Durango de location. Alors que le V8 Big Block ronronne comme un chat sous le capot, la radio diffuse un morceau de country mélancolique chanté par Dolly Parton qui s'accorde vraiment bien avec le paysage qui défile dans mon pare-brise. En réfléchissant au vétéran que j'allais voir, je ne pouvais m'empêcher de penser que son installation dans le berceau du Bourbon n'avait rien d'un hasard, même si dans son domaine on cultivait les cacahouètes. Sur le siège passager, ma serviette tressautait au rythme des chaos de la route, à l'intérieur reposait un important dossier d'archives patiemment récoltées. Celui de l'un des As les plus célèbres de l'USN; le Colonel Gunter et de quelques-uns uns des pilotes les plus connus de son unité presque aussi célèbre que la VMF 214 du Colonel Boyington. Ni les balles japonaises, ni l'alcool n'en étaient arrivés à bout, et encore moins les journalistes et autres grattes papiers qui avaient tenté de l'approcher, tous renvoyés sans ménagement. La légende dit que certains auraient même quitté Crymson's Ranch avec du plomb sifflant près des oreilles. L'homme en question était déjà un irascible en 39-45, aujourd'hui avec l'âge la situation ne s'était visiblement pas améliorée et son aversion pour l'administration n'avait toujours pas changé.
Pourtant, lorsque je l'avais contacté il y a quelques semaines, il avait accepté de me recevoir. Et aujourd'hui, me voilà sur la route de Crymson's Ranch. Après deux heures de route, au loin, apparaissent enfin au pied d'une petite colline, plusieurs bâtiments où l'on traite certainement la récolte de cacahouètes. Quelques longue et fines cheminées fument et embaume la région de volute d'arachides grillées. Alors que Johnny Cash entame Love and Morder, au sommet, apparaît la propriété du maître des lieux. Une imposante bâtisse à l'architecture typique de la région accueille le visiteur. Deux colonnes encadrent l'entrée et la façade d'un blanc éclatant. Un escalier de marbre semi-circulaire mène à une imposante entrée où un homme semble m'attendre. J'immobilise mon 4x4 sur le gravier. Johnny Cash se tait et le charme est rompu. Je reviens sur terre, vais-je être accueilli à coups de Winchester? Un vent sec venant du Sud rend la chaleur moins étouffante que dans la plaine. Je ne porte que rarement un chapeau, mais là il me serait difficile de me passer de mon Stetson Palomino cadeau de mon vieux père. L'homme s'approche.
- Mister Franklin?
Le gars athlétique à la cinquantaine, les temples grisonnantes, il porte une chemise blanche et des jeans remontant assez haut et tombant bas sur la botte en usage courant chez les cow-boys. Un ceinturon de cuir orné d'une boucle en argent usée. Sa tête est coiffée d'un chapeau gris.
- Je m'appelle David Spencer, je suis l'homme de main de Mr Gunter Jr. Bienvenue à Crimson's Ranch. Suivez-moi, je vais vous installer dans une des chambres d'amis.
Dernière édition par le Sam 21 Oct 2006 - 1:27, édité 6 fois
615sqn_Harry- Wing Commander
- Nombre de messages : 8393
Localisation : Al Fayat
Date d'inscription : 26/10/2005
Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Je suis surpris, mais l'offre m'intéresse car je ne suis pas sûr qu'il y a beaucoup d'hôtel dans la région.
Dans le hall d'entrée, une fraîcheur diffusée par la climatisation bienveillante m'accueille. Un double escaliers menant en deux demi-cercles au 1er étage encadrent une pièce imposante. Au mur sont accrochées quelques photos de cow-boys où de la propriété, mais point de photos ayant un lien avec le passé de mon célèbre hôte. Je suis conduit dans une grande chambre avec un balcon donnant sur la plantation.
- Prenez votre temps, M. Gunter et son fils sont entrain de faire leur tournée quotidienne d'inspection. Ils ne seront pas là avant 17h30.
Et il m'abandonne dans la chambre cossue.
Il y a un bar avec des boissons fraîches ainsi que quelques-uns des plus célèbres whiskey de la région. Je fais honneur à un "Four Rose" que j'accompagne par deux cubes de glace qui tintent dans le verre. Je me rends sur le balcon d'où je peux constater que la propriété est très coquette. Il y a deux jardiniers occupés à tailler un parterre de roses. Une piscine entourée d'un dallage de marbre fait également l'objet de soins de la part d'un ouvrier. Plus loin, à l'ombre de quelques arbres, une pergola en bois abrite un Jacuzzi au fond bleu lumineux. Décidément, la famille Gunter à du goût.
Je finis mon verre et je consulte ma montre; 17h00, il me reste une demi-heure. Je décide de me reposer un moment, la journée a été longue, la chaleur et le bourbon m'ont mis ko et je m'allonge sur le lit moelleux.
Je me réveille en sursaut à la première sonnerie.
- M. Gunter vous attends au petit salon, Mister Franklin.
Quelques minutes plus tard, conduit par une accorte employée de maison, je me présente au petit salon. Les Gunter pères et fils sont là avec David Spencer, jouant une partie de billard. C'est à peine si mon arrivée les troublent. Sans m'accorder le moindre regard, tout en m'indiquant du chef le bar, le Colonel Gunter me dit:
- Servez-vous un verre et approchez-vous de la table, vous serez mon partenaire dans cette partie...
Une partie de billard! Aïe je n'aime pas ce jeu, je suis très mauvais, mais le ton est sans équivoque. Alors d'un geste mal assuré, je me sers un verre de Jack Daniel's et après avoir saisi une des queues et je m'approche de la table.
- Et bien Monsieur Franklin, nous allons voir si vous jouez au billard aussi bien que vous maniez votre plume!
- Si tel était le cas je ne serais sans doute pas chez vous!
Et ce fut une catastrophe, en trois coups j'envoyais la boule n° 8 dans un des trous concluant ainsi cette pitoyable prestation.
Alors que son fils et David Spencer avait le sourire goguenard, le Colonel Gunter ne s'en offusqua pas outre mesure, j'avais l'impression qu'il me jaugeait, me testait. Après s'être servi d'un nouveau verre, alors qu'il m'invitait à prendre place sur un divan, il s'approcha pensif d'une grande bibliothèque et chercha des yeux un ouvrage qu'il trouva quelques secondes plus tard. Il le déposa devant moi sur la table.
- C'est de vous ce bouquin?
Oui, il était bien de moi ce livre, la toute première biographie que j'avais fait, celle du Colonel Cbal, un As de l'USAAF. C'était mon premier essai et aujourd'hui je réalise qu'il est perfectible, l'expérience aidant, je l'aurais écrit autrement.
- Oui, effectivement il est de moi. C'était ma première biographie. Aujourd'hui je trouve que ce n'est pas ma meilleure...
Le Col. Gunter me coupe la parole.
- Saviez-vous que j'ai connu personnellement le Colonel Cbal? Et que nous avons même combattu ensemble dans l'Eagle Squadron en '40 - '41? C'était un ami, un excellent ami...
Je reste silencieux, je ne savais pas cela. A l'époque, la famille de ce pilote m'avait demandé d'écrire sa biographie, mais elle s'était arrêtée à la période où il avait servi sur P38 et P51 les deux appareils avec lesquels il s'était forgé sa réputation.
Je réponds en murmurant.
- Non je ne savais pas que vous connaissiez le Colonel Cbal et que vous aviez combattu à ses côtés.
Mon interlocuteur pose sur moi ce regard, ce regard terrible, ce regard que seuls les pilotes de guerre sont capables d'avoir, partagé entre la mélancolie et une dureté implacable. Il reprend.
- Il est bien votre livre... très bien. Mais si vous voulez écrire quelque chose sur moi, il faudra tout écrire... tout... mon histoire... mais avant tout, celle de mon escadrille... celle des pilotes qui ont partagé mon quotidien... celle qui m'a permis d'être aujourd'hui face à vous plus de 60 ans plus tard...
Ces yeux brillent, les souvenirs sont lointains, mais tellement vivaces. Personne ne sort indemne de la guerre, même si on est un héros aux 29 victoires.
Un peu plus tard, nous nous retrouvons autour d'un copieux repas pris à l'ombre d'une vigne grimpante. Je parle peu avec le Colonel. Lui non plus ne s'expose pas, pour le moment il parle surtout du Corsair, l'avion avec lequel il a remporté 24 de ses victoires. En deux bouchées, il parle avec passion.
- Mon premier contact avec le Corsair c'était en janvier 1943... un Birdcage. Au Eagle Squadron, on avait des Spitfire. Un avion extraordinaire, le prolongement de son regard et de ses mains, un appareil racé, redouté des Allemands mais exigeant. Il encaissait mal, la moindre balle et son moulin partait en rideau. C'était un bon chasseur, mais il n'était pas polyvalent, l'attaque au sol restait une épreuve que personne n'aimait. Le Corsair, c'est l'antithèse du Spitfire; gros, puissant, lourd, bien armé et très rapide. Il avait été construit pour contrer les Zéro, pour servir sur les porte-avions de l'USN, mais avec son long capot, on avait des problèmes pour apponter, ce sont ces diables d'Angliche qui ont trouvé comment le poser. On a appliqué leurs principes et l'avion a été déclaré opérationnel sur porte-avions.
Soudainement, sans prévenir, il s'adressait à Spencer ou à son fils.
- Demain, il ne faudra pas oublier d'aviser Cunningham. La première récolte sera bientôt prêtes et les pontes de chez Council vont vouloir effectuer leur contrôle de qualité.
Puis, il y avait une pause où chacun mangeait en silence. S'essuyant la bouche avec une serviette, il poursuivait.
- Contrairement à ce que l'on croit, le Corsair n'a pas toujours dominé les avions japonais. Il y a eu des rencontres meurtrières... surtout au début. Les gars voulaient tourner avec ces foutus Zéros! Ils se faisaient avoir. On avait beau leur expliquer qu'il fallait gérer l'énergie... des fois j'avais envie de leurs mettre des baffes. Beaucoup sont morts à cette époque. On a commencé de gagner les engagements quand ils ont compris que les Japs ne pouvaient pas nous suivre en vitesse.
Il éclate d'un rire franc et clair, contrastant avec son âge.
- Vous auriez vu ça M. Franklin, à force de leur rabacher de piquer pour échapper aux Zéros, pendant quelques mois, au moindre engagement, j'avais la moitié de mon escadrille qui filait plein pot vers l'océan... le résultat n'était pas encore convaincant, mais au moins j'écrivais moins aux familles des disparus. Avec le temps et l'expérience, on a pu mettre en place des tactiques d'engagements. Au terme de notre premier "Tour Opération", les gars avaient compris, mais c'est lors de notre retour dans le Pacifique en été de la même année que nous avons réellement pu mettre en application nos méthodes de combat. En août '43, on a eu les premiers F4U-A avec verrière bombées et un moteur plus puissant. On était sur le Hornet dans les Marshall... à Betio dans l'archipel de Tarawa. On a largué des tonnes de bombes et après on s'occupait de la chasse nippone... on les a taillé en pièce.
Il engloutit un gros morceau de viande qu'il mâche pensivement, puis il reprend:
- Pas de pitié pour ces salauds... pourquoi on aurait dû en avoir... à Pearl... à Corregidor, ils n'en avaient pas eu... eux. A Tarawa, aucun pilote japonais n'a dû survivre... je crois...
Il se redresse sur sa chaise. S'essuie la bouche et s'adressant à la gouvernante.
- Sherry, vous voulez bien débarrasser svp.
Puis s'adressant à son fils et M. Spencer.
- Vous prendrez le dessert sans nous. Je conduis M. Franklin à Red Stone.
Il se lève brusquement.
- Vous venez Mister Franklin.
Quelques minutes plus tard, nous quittons la maison et nous nous rendons dans un bâtiment annexe qui s'avère être un garage. Parmi les nombreux véhicules, il y a un Dodge Command Car. Le Colonel s'installe à son volant.
- Montez.
Je me hisse dans le véhicule militaire et nous voilà parti. Le Colonel conduit avec dextérité, mais la suspension très dure renvoie dans mes fesses et mon dos, la moindre imperfection de route. Je m'agrippe à la poignée qui se trouve à côté du pare-brise. Red Stone se trouve au sommet d'une des plus hautes collines de la région. Le Colonel y a construit une cabane typique du Middle-West. La vue à cet endroit est tout simplement stupéfiante. Devant la construction en bois, il y a un perron abrité. Gunter qui est entré dans la maisonnette m'invite à le rejoindre. A l'intérieur, je découvre un endroit entièrement consacré au passé militaire de mon hôte. Des dizaines de photos parsèment les parois, il y a des pièces d'uniforme, une combinaison de pilotes et d'autres choses encore, mais le plus impressionnant, au centre de la pièce a été dressée une énorme hélice Hamilton Standard, celle-là même qui équipaient les Corsair. Puis il y un demi-capot moteur décoré du fameux insigne de l'escadrille du Colonel, le Flag Pole. Il y a aussi une tôle sur laquelle sons peints 5 Balkenkreuz et 24 drapeaux japonais. S'apercevant avec satisfaction, que je m'intéressais à ces pièces, il m'interpella
- Le capot et la tôle proviennent de mon avion personnel, l'hélice, j'aurais bien voulu, mais elle était trop grosse pour entrer dans ma valise. J'en ai trouvé une bien plus tard, une dizaine d'année après la guerre.
Je suis complètement surpris que le Colonel Gunter ait pu récupérer ses reliques.
- C'est incroyable Colonel, mais comment avez-vous pu récupérer tout ça.
Il me fait un clin d'œil.
- Le privilège du grade sans doute...
Il éclate de rire. Il reprend
- Non, simplement nous étions démerdes dans la Navy et les mécanos très sympas et compréhensibles. Si j'ai le temps je vous raconterai comment j'ai ramené le capot...
Il s'approche d'une petite table où se trouve un vieux poste radio qu'il allume, le haut-parleur laisse échapper la mélopée du chanteur noir de blues. D'une petite armoire, il sort une bouteille de Bourbon et deux verres qu'il me tend.
- Allons nous installer sur le perron.
Et nous voilà tous les deux assis face à un paysage de rêve. L'alcool a cassé mon inhibition, je suis détendu, au point que je m'en fous de qu'il me racontera ou pas, je suis face au soleil couchant, ma balançant au rythme de la musique, un verre whiskey ambré.
- J'aimerai mourir ici Mister Franklin, m'en aller par une belle soirée comme celle-ci... avez-vous peur de la mort Mister Franklin?
Je reste indécis sur ma réponse, mais il continue.
- Moi j'ai peur Mister Franklin... vous savez je devrais rendre des comptes là haut. J'ai fait des trucs pas toujours très propres
Je crois bon philosopher
- C'était la guerre Colonel... et une guerre ce n'est jamais propre.
Il se dresse sur sa chaise.
- Vous avez été engagés Mister Franklin? Vous avez participé à une guerre.
Mon passé militaire se résumait à une période de 12 mois comme gestionnaire magasinier dans un entrepôt de l'Army à Columbia, que devais-je répondre. Je n'en avais pas le temps.
- Je vois... comment pouvez-vous savoir ce que c'est la guerre si vous ne l'avez pas faite Même pas l'Irak ou la Yougoslavie?
Il se laisse tomber en arrière sur son rocking chair.
- Vous avez raison de ne pas être partis. La guerre c'est terrible, un bon soldat devrait toujours y mourir. Il serait quitte de devoir rendre des comptes un jour...
Je reprends doucement.
- Vous n'êtes pas obligé de me raconter votre histoire Colonel.
Le ton est ferme.
- Si je vais le faire, vous d'ailleurs venu pour cela non... alors enclenchez votre enregistreur...
Je vais commencer par vous parler de mes meilleurs pilotes. Dans un premier temps de ceux qui ont survécu, puis plus tard, peut-être des morts. De ceux, qui ont survécu aux trois tours opérations, il y a eu mon officier en second, le Major Tchaikaram, puis les Capitaine de Corvette Adamas et Kasey aussi... ouai Kasey... ces trois là sont les seuls qui ont traversé les trois tours sans y rester. Tchaikaram venait de Pennsylvanie, il avait fait des études à l'université de Columbia à New-York. Adamas provenait du Kentucky et Kasey de l'Oregon. Tchaikaram était le seul à avoir fait Annapolis, les deux autres ont eu leurs galons au feu. Tchaikaram était mon tacticien, c'est lui qui mettait au point les missions et les stratégies les plus adaptées à nos missions. Il n'avait pas son pareil pour trouver des réponses aux missions les plus tordues que l'Amirauté nous pondait. C'était aussi un sacré pilote, lui et Adamas ont fait partie des meilleurs As de l'USN. Adamas... ah Adamas, c'était le fidèle parmi les fidèles. Mon ailier attitré. Originaire du Kentucky, il venait d'un milieu simple et pauvre. Son éducation à la dure lui ont certainement permis de traverser les pires moments. Au début, les gars de l'escadrille se foutait un peu de lui, puis un jour, il a sauvé les miches à plusieurs d'entre nous et descendu cinq Zéros en une sortie. Sa réputation était faites et plus personne n'a rigolé de lui. Début novembre '43, il a traversé une DCA d'enfer pour aller placer ses deux bombes de 500 sur un croiseur au large de Rabaul, le Sendai qui a été coulé. C'était un gars animé d'un courage exemplaire, toujours prêt à foncer dans le tas. Un héros, un vrai, jamais la moindre prise de tête, il en avait trop bavé dans la vie pour ne pas en connaître sa vraie valeur. D'ailleurs, au retour de notre premier Tour Opération il avait été décoré de la médaille d'honneur.
Les yeux brillant et la gorge serrée, il reste un moment silencieux.
Je le relance:
- Et le capitaine Kasey.
Il sortit de sa poche un "cul de maïs" qu'il bourra lentement de tabac.
-Kasey... son père était bûcheron, lui aussi a connu une jeunesse rude, mais contrairement à Adamas, sa famille proche de l'église lui a permis d'aller à l'école et d'atteindre un assez un bon niveau scolaire. C'était l'archétype du type à deux facettes. Au sol, il était humble, discret, timide. En l'air, c'était un vrai tueur, il arrivait toujours là où personne ne l'attendait. Il tirait quand il était sûr de toucher, souvent à bout portant. Les Zéros mal protégés explosaient, peu de pilote ennemi ont survécu à ses attaques. Il y a un sacré paquet de nos gars qui lui doive la vie sauve.
Le Colonel Gunter se tut. Il fumait doucement, des bouffées de tabac doucereux embaumaient le perron. La nuit était tombée maintenant. Les étoiles crépissaient le ciel de mille petites lumières.
- Vous avec des anecdotes à me raconter sur vos pilotes Colonel
- Pleins, M. Franklin mais il se fait tard, je vous raconterai ça un autre jour... Regardez ces étoiles. Mes gars sont là hauts et bientôt moi aussi j'irais allumer le ciel d'une étoile à leurs côtés.
La suite bientôt....
Dans le hall d'entrée, une fraîcheur diffusée par la climatisation bienveillante m'accueille. Un double escaliers menant en deux demi-cercles au 1er étage encadrent une pièce imposante. Au mur sont accrochées quelques photos de cow-boys où de la propriété, mais point de photos ayant un lien avec le passé de mon célèbre hôte. Je suis conduit dans une grande chambre avec un balcon donnant sur la plantation.
- Prenez votre temps, M. Gunter et son fils sont entrain de faire leur tournée quotidienne d'inspection. Ils ne seront pas là avant 17h30.
Et il m'abandonne dans la chambre cossue.
Il y a un bar avec des boissons fraîches ainsi que quelques-uns des plus célèbres whiskey de la région. Je fais honneur à un "Four Rose" que j'accompagne par deux cubes de glace qui tintent dans le verre. Je me rends sur le balcon d'où je peux constater que la propriété est très coquette. Il y a deux jardiniers occupés à tailler un parterre de roses. Une piscine entourée d'un dallage de marbre fait également l'objet de soins de la part d'un ouvrier. Plus loin, à l'ombre de quelques arbres, une pergola en bois abrite un Jacuzzi au fond bleu lumineux. Décidément, la famille Gunter à du goût.
Je finis mon verre et je consulte ma montre; 17h00, il me reste une demi-heure. Je décide de me reposer un moment, la journée a été longue, la chaleur et le bourbon m'ont mis ko et je m'allonge sur le lit moelleux.
Je me réveille en sursaut à la première sonnerie.
- M. Gunter vous attends au petit salon, Mister Franklin.
Quelques minutes plus tard, conduit par une accorte employée de maison, je me présente au petit salon. Les Gunter pères et fils sont là avec David Spencer, jouant une partie de billard. C'est à peine si mon arrivée les troublent. Sans m'accorder le moindre regard, tout en m'indiquant du chef le bar, le Colonel Gunter me dit:
- Servez-vous un verre et approchez-vous de la table, vous serez mon partenaire dans cette partie...
Une partie de billard! Aïe je n'aime pas ce jeu, je suis très mauvais, mais le ton est sans équivoque. Alors d'un geste mal assuré, je me sers un verre de Jack Daniel's et après avoir saisi une des queues et je m'approche de la table.
- Et bien Monsieur Franklin, nous allons voir si vous jouez au billard aussi bien que vous maniez votre plume!
- Si tel était le cas je ne serais sans doute pas chez vous!
Et ce fut une catastrophe, en trois coups j'envoyais la boule n° 8 dans un des trous concluant ainsi cette pitoyable prestation.
Alors que son fils et David Spencer avait le sourire goguenard, le Colonel Gunter ne s'en offusqua pas outre mesure, j'avais l'impression qu'il me jaugeait, me testait. Après s'être servi d'un nouveau verre, alors qu'il m'invitait à prendre place sur un divan, il s'approcha pensif d'une grande bibliothèque et chercha des yeux un ouvrage qu'il trouva quelques secondes plus tard. Il le déposa devant moi sur la table.
- C'est de vous ce bouquin?
Oui, il était bien de moi ce livre, la toute première biographie que j'avais fait, celle du Colonel Cbal, un As de l'USAAF. C'était mon premier essai et aujourd'hui je réalise qu'il est perfectible, l'expérience aidant, je l'aurais écrit autrement.
- Oui, effectivement il est de moi. C'était ma première biographie. Aujourd'hui je trouve que ce n'est pas ma meilleure...
Le Col. Gunter me coupe la parole.
- Saviez-vous que j'ai connu personnellement le Colonel Cbal? Et que nous avons même combattu ensemble dans l'Eagle Squadron en '40 - '41? C'était un ami, un excellent ami...
Je reste silencieux, je ne savais pas cela. A l'époque, la famille de ce pilote m'avait demandé d'écrire sa biographie, mais elle s'était arrêtée à la période où il avait servi sur P38 et P51 les deux appareils avec lesquels il s'était forgé sa réputation.
Je réponds en murmurant.
- Non je ne savais pas que vous connaissiez le Colonel Cbal et que vous aviez combattu à ses côtés.
Mon interlocuteur pose sur moi ce regard, ce regard terrible, ce regard que seuls les pilotes de guerre sont capables d'avoir, partagé entre la mélancolie et une dureté implacable. Il reprend.
- Il est bien votre livre... très bien. Mais si vous voulez écrire quelque chose sur moi, il faudra tout écrire... tout... mon histoire... mais avant tout, celle de mon escadrille... celle des pilotes qui ont partagé mon quotidien... celle qui m'a permis d'être aujourd'hui face à vous plus de 60 ans plus tard...
Ces yeux brillent, les souvenirs sont lointains, mais tellement vivaces. Personne ne sort indemne de la guerre, même si on est un héros aux 29 victoires.
Un peu plus tard, nous nous retrouvons autour d'un copieux repas pris à l'ombre d'une vigne grimpante. Je parle peu avec le Colonel. Lui non plus ne s'expose pas, pour le moment il parle surtout du Corsair, l'avion avec lequel il a remporté 24 de ses victoires. En deux bouchées, il parle avec passion.
- Mon premier contact avec le Corsair c'était en janvier 1943... un Birdcage. Au Eagle Squadron, on avait des Spitfire. Un avion extraordinaire, le prolongement de son regard et de ses mains, un appareil racé, redouté des Allemands mais exigeant. Il encaissait mal, la moindre balle et son moulin partait en rideau. C'était un bon chasseur, mais il n'était pas polyvalent, l'attaque au sol restait une épreuve que personne n'aimait. Le Corsair, c'est l'antithèse du Spitfire; gros, puissant, lourd, bien armé et très rapide. Il avait été construit pour contrer les Zéro, pour servir sur les porte-avions de l'USN, mais avec son long capot, on avait des problèmes pour apponter, ce sont ces diables d'Angliche qui ont trouvé comment le poser. On a appliqué leurs principes et l'avion a été déclaré opérationnel sur porte-avions.
Soudainement, sans prévenir, il s'adressait à Spencer ou à son fils.
- Demain, il ne faudra pas oublier d'aviser Cunningham. La première récolte sera bientôt prêtes et les pontes de chez Council vont vouloir effectuer leur contrôle de qualité.
Puis, il y avait une pause où chacun mangeait en silence. S'essuyant la bouche avec une serviette, il poursuivait.
- Contrairement à ce que l'on croit, le Corsair n'a pas toujours dominé les avions japonais. Il y a eu des rencontres meurtrières... surtout au début. Les gars voulaient tourner avec ces foutus Zéros! Ils se faisaient avoir. On avait beau leur expliquer qu'il fallait gérer l'énergie... des fois j'avais envie de leurs mettre des baffes. Beaucoup sont morts à cette époque. On a commencé de gagner les engagements quand ils ont compris que les Japs ne pouvaient pas nous suivre en vitesse.
Il éclate d'un rire franc et clair, contrastant avec son âge.
- Vous auriez vu ça M. Franklin, à force de leur rabacher de piquer pour échapper aux Zéros, pendant quelques mois, au moindre engagement, j'avais la moitié de mon escadrille qui filait plein pot vers l'océan... le résultat n'était pas encore convaincant, mais au moins j'écrivais moins aux familles des disparus. Avec le temps et l'expérience, on a pu mettre en place des tactiques d'engagements. Au terme de notre premier "Tour Opération", les gars avaient compris, mais c'est lors de notre retour dans le Pacifique en été de la même année que nous avons réellement pu mettre en application nos méthodes de combat. En août '43, on a eu les premiers F4U-A avec verrière bombées et un moteur plus puissant. On était sur le Hornet dans les Marshall... à Betio dans l'archipel de Tarawa. On a largué des tonnes de bombes et après on s'occupait de la chasse nippone... on les a taillé en pièce.
Il engloutit un gros morceau de viande qu'il mâche pensivement, puis il reprend:
- Pas de pitié pour ces salauds... pourquoi on aurait dû en avoir... à Pearl... à Corregidor, ils n'en avaient pas eu... eux. A Tarawa, aucun pilote japonais n'a dû survivre... je crois...
Il se redresse sur sa chaise. S'essuie la bouche et s'adressant à la gouvernante.
- Sherry, vous voulez bien débarrasser svp.
Puis s'adressant à son fils et M. Spencer.
- Vous prendrez le dessert sans nous. Je conduis M. Franklin à Red Stone.
Il se lève brusquement.
- Vous venez Mister Franklin.
Quelques minutes plus tard, nous quittons la maison et nous nous rendons dans un bâtiment annexe qui s'avère être un garage. Parmi les nombreux véhicules, il y a un Dodge Command Car. Le Colonel s'installe à son volant.
- Montez.
Je me hisse dans le véhicule militaire et nous voilà parti. Le Colonel conduit avec dextérité, mais la suspension très dure renvoie dans mes fesses et mon dos, la moindre imperfection de route. Je m'agrippe à la poignée qui se trouve à côté du pare-brise. Red Stone se trouve au sommet d'une des plus hautes collines de la région. Le Colonel y a construit une cabane typique du Middle-West. La vue à cet endroit est tout simplement stupéfiante. Devant la construction en bois, il y a un perron abrité. Gunter qui est entré dans la maisonnette m'invite à le rejoindre. A l'intérieur, je découvre un endroit entièrement consacré au passé militaire de mon hôte. Des dizaines de photos parsèment les parois, il y a des pièces d'uniforme, une combinaison de pilotes et d'autres choses encore, mais le plus impressionnant, au centre de la pièce a été dressée une énorme hélice Hamilton Standard, celle-là même qui équipaient les Corsair. Puis il y un demi-capot moteur décoré du fameux insigne de l'escadrille du Colonel, le Flag Pole. Il y a aussi une tôle sur laquelle sons peints 5 Balkenkreuz et 24 drapeaux japonais. S'apercevant avec satisfaction, que je m'intéressais à ces pièces, il m'interpella
- Le capot et la tôle proviennent de mon avion personnel, l'hélice, j'aurais bien voulu, mais elle était trop grosse pour entrer dans ma valise. J'en ai trouvé une bien plus tard, une dizaine d'année après la guerre.
Je suis complètement surpris que le Colonel Gunter ait pu récupérer ses reliques.
- C'est incroyable Colonel, mais comment avez-vous pu récupérer tout ça.
Il me fait un clin d'œil.
- Le privilège du grade sans doute...
Il éclate de rire. Il reprend
- Non, simplement nous étions démerdes dans la Navy et les mécanos très sympas et compréhensibles. Si j'ai le temps je vous raconterai comment j'ai ramené le capot...
Il s'approche d'une petite table où se trouve un vieux poste radio qu'il allume, le haut-parleur laisse échapper la mélopée du chanteur noir de blues. D'une petite armoire, il sort une bouteille de Bourbon et deux verres qu'il me tend.
- Allons nous installer sur le perron.
Et nous voilà tous les deux assis face à un paysage de rêve. L'alcool a cassé mon inhibition, je suis détendu, au point que je m'en fous de qu'il me racontera ou pas, je suis face au soleil couchant, ma balançant au rythme de la musique, un verre whiskey ambré.
- J'aimerai mourir ici Mister Franklin, m'en aller par une belle soirée comme celle-ci... avez-vous peur de la mort Mister Franklin?
Je reste indécis sur ma réponse, mais il continue.
- Moi j'ai peur Mister Franklin... vous savez je devrais rendre des comptes là haut. J'ai fait des trucs pas toujours très propres
Je crois bon philosopher
- C'était la guerre Colonel... et une guerre ce n'est jamais propre.
Il se dresse sur sa chaise.
- Vous avez été engagés Mister Franklin? Vous avez participé à une guerre.
Mon passé militaire se résumait à une période de 12 mois comme gestionnaire magasinier dans un entrepôt de l'Army à Columbia, que devais-je répondre. Je n'en avais pas le temps.
- Je vois... comment pouvez-vous savoir ce que c'est la guerre si vous ne l'avez pas faite Même pas l'Irak ou la Yougoslavie?
Il se laisse tomber en arrière sur son rocking chair.
- Vous avez raison de ne pas être partis. La guerre c'est terrible, un bon soldat devrait toujours y mourir. Il serait quitte de devoir rendre des comptes un jour...
Je reprends doucement.
- Vous n'êtes pas obligé de me raconter votre histoire Colonel.
Le ton est ferme.
- Si je vais le faire, vous d'ailleurs venu pour cela non... alors enclenchez votre enregistreur...
Je vais commencer par vous parler de mes meilleurs pilotes. Dans un premier temps de ceux qui ont survécu, puis plus tard, peut-être des morts. De ceux, qui ont survécu aux trois tours opérations, il y a eu mon officier en second, le Major Tchaikaram, puis les Capitaine de Corvette Adamas et Kasey aussi... ouai Kasey... ces trois là sont les seuls qui ont traversé les trois tours sans y rester. Tchaikaram venait de Pennsylvanie, il avait fait des études à l'université de Columbia à New-York. Adamas provenait du Kentucky et Kasey de l'Oregon. Tchaikaram était le seul à avoir fait Annapolis, les deux autres ont eu leurs galons au feu. Tchaikaram était mon tacticien, c'est lui qui mettait au point les missions et les stratégies les plus adaptées à nos missions. Il n'avait pas son pareil pour trouver des réponses aux missions les plus tordues que l'Amirauté nous pondait. C'était aussi un sacré pilote, lui et Adamas ont fait partie des meilleurs As de l'USN. Adamas... ah Adamas, c'était le fidèle parmi les fidèles. Mon ailier attitré. Originaire du Kentucky, il venait d'un milieu simple et pauvre. Son éducation à la dure lui ont certainement permis de traverser les pires moments. Au début, les gars de l'escadrille se foutait un peu de lui, puis un jour, il a sauvé les miches à plusieurs d'entre nous et descendu cinq Zéros en une sortie. Sa réputation était faites et plus personne n'a rigolé de lui. Début novembre '43, il a traversé une DCA d'enfer pour aller placer ses deux bombes de 500 sur un croiseur au large de Rabaul, le Sendai qui a été coulé. C'était un gars animé d'un courage exemplaire, toujours prêt à foncer dans le tas. Un héros, un vrai, jamais la moindre prise de tête, il en avait trop bavé dans la vie pour ne pas en connaître sa vraie valeur. D'ailleurs, au retour de notre premier Tour Opération il avait été décoré de la médaille d'honneur.
Les yeux brillant et la gorge serrée, il reste un moment silencieux.
Je le relance:
- Et le capitaine Kasey.
Il sortit de sa poche un "cul de maïs" qu'il bourra lentement de tabac.
-Kasey... son père était bûcheron, lui aussi a connu une jeunesse rude, mais contrairement à Adamas, sa famille proche de l'église lui a permis d'aller à l'école et d'atteindre un assez un bon niveau scolaire. C'était l'archétype du type à deux facettes. Au sol, il était humble, discret, timide. En l'air, c'était un vrai tueur, il arrivait toujours là où personne ne l'attendait. Il tirait quand il était sûr de toucher, souvent à bout portant. Les Zéros mal protégés explosaient, peu de pilote ennemi ont survécu à ses attaques. Il y a un sacré paquet de nos gars qui lui doive la vie sauve.
Le Colonel Gunter se tut. Il fumait doucement, des bouffées de tabac doucereux embaumaient le perron. La nuit était tombée maintenant. Les étoiles crépissaient le ciel de mille petites lumières.
- Vous avec des anecdotes à me raconter sur vos pilotes Colonel
- Pleins, M. Franklin mais il se fait tard, je vous raconterai ça un autre jour... Regardez ces étoiles. Mes gars sont là hauts et bientôt moi aussi j'irais allumer le ciel d'une étoile à leurs côtés.
La suite bientôt....
Dernière édition par le Mar 13 Déc 2005 - 23:07, édité 3 fois
615sqn_Harry- Wing Commander
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Génial :) juste un truc :) l'école US des officiers de la navy c'es Annapolis :) Westpoint c'est pour l'armée de terre et les Marines
Invité- Invité
Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
je vien de dévorer se text , très vite le décor se met en place , très vite on imagine la scene.. tu arrive meme a faire ressortir des détails qu'on a l'impression de pouvoir toucher.... Il est 10 heures du mat ... c'est encore un peu tot pour un verre de Jack Daniel's mais t'est invité au bar a la première ocasion ;) vivement la suite...
Adamas- Nombre de messages : 2352
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
... respect Harry, toujours autant d'emotions dans tes textes, mais adamas a raison, a la limite ce n'est meme plus des textes, Ils sont plus que ça. Entre le sourire et l'emotion, ta plume fait vivre de reels moments de bonheurs a te lire.
ne change rien, ...
ps: MDR -> Crimson's Ranch (cry)
ne change rien, ...
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Ok, je procède à quelques p'tites corrections!
Cette nuit quand je m'emmerderai dans ma canfouine je tâcherai d'écrire la suite...
Cette nuit quand je m'emmerderai dans ma canfouine je tâcherai d'écrire la suite...
615sqn_Harry- Wing Commander
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Super Harry, comme d'hab, vivement la suite !!
RTA_Oscarbob- Lt Colonel
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Merci infiniement pour ce texte, Harry! C'est toujours un plaisir de te lire! Et j'ai de plus en plus envie de revenir voler avec vous! Avec tout ce boulot je n'ai pas eu trop le temps de voler. Mais je pense pouvoir revenir la semaine prochaine si tout va bien! À très bientôt messieurs, et encore bravo, Harry!
Et vivement la suite !
Et vivement la suite !
Dernière édition par le Mar 13 Déc 2005 - 22:27, édité 1 fois
VF17_Kasey- Nombre de messages : 268
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
C'est vrai que tu es très doué Harry.
Vivement la suite !
Vivement la suite !
615sqn_Pasadena- Flight Sergeant
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
En-core, en-core, en-core...
F/JG300_Touch- Oberst
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Le lendemain matin je me réveillais à 09h00 du matin, la bouche pâteuse et un mal de tête pesant. Il faut dire que je n'ai pas trop l'habitude de boire de l'alcool, et que tout bon qu'il soit le whiskey consommé la veille avait laissé des traces dans mon esprit. Alors que je me traîne jusqu'à la salle de bain, on frappe à ma porte. C'est la gouvernante, elle m'indique que les Gunter et Spencer sont partis tôt ce matin à la plantation et que la piscine où le Jacuzzi étaient à ma disposition. Pfff, ils sont construits en airain dans ce pays. Je lui demande si elle à quelque chose pour soigner le motocross qui se déroule dans ma tête. Elle promet de revenir. Lorsque je quitte ma chambre une quinzaine de minute plus tard, je trouve deux comprimés sur le pas de porte. Je prends mon ordinateur portable et après un bol de céréales, je descends m'installer sur la terrasse. Je mets en route mon dictaphone et bientôt mon clavier se met à crépiter. Vers 11h30, mon mal de tête a passé, le Jacuzzi semble fort accueillant aussi, je monte dans ma chambre déposer mon portable et vêtir un short de bain. Quelques minutes plus tard, je me plongeais avec délectation dans l'eau bouillonnante.
Je retrouve mes hôtes à midi trente à la salle à manger. Le Colonel Gunter semble jovial.
- Et bien Mister Franklin, vous avez passé une bonne nuit.
Je suis un peu gêné.
- Oui merci mis à part un mal de tête dû à un excès de bourbon, tout c'est bien passé. Au fait, je ne crois pas encore vous avoir remercier de m'avoir offert l'hospitalité.
Gunter déposa son chapeau.
- Ce n'est rien, je n'aime pas les chieurs, mais quand les gens semblent corrects nous avons les accueillons sans problème.
J'apprenais plus tard, que la récolte d'arachides avait été exceptionnelle, que la visite du contrôle de qualité s'était fort bien passée et que l'ensemble de la première partie de la récolte avait été déclarée bonne à la consommation. Faut le voir le père Gunter quand il parle de ses cacahouètes. Il est venu s'installer dans la région en 1953 après la fin de son service en Corée. Il avait repris Crymson Ranch et s'était attaché à rendre la plantation rentable, avec les années et il avait acquis des parcelles voisines et aujourd'hui, il est devenu l'un des plus gros producteurs d'arachides de la région.
- Cet après-midi je vous ferai visiter la plantation et la chaîne de production.
J'avais espéré retourner à Red Stone, mais cette fois, point d'allusion sur le Corsair ou son passé militaire.
Décidément en matière de véhicules anciens le Colonel Gunter est visiblement un connaisseur. Outre le Command Car d'hier soir, je découvre dans le vaste garage parmi quelques "modernes", une Chevrolet Bel Air Nomad marron et crème, une Plymouth Satellite 383 jaune et une Dodge Super Bee 426 vert pomme, les deux arborant des peintures de guerre noires matt du plus bel effet. Après le Command Car, c'est au tour d'une Jeep Cherokee Chief du début des années soixante de m'accueillir. Fort heureusement l'engin, dans un excellent état, est beaucoup plus confortable. Il est même équipé d'une climatisation ce qui n'est pas pour me déplaire. La radio est allumée sur le sempiternel poste local diffusant de la country, mais peut-on écouter autre chose dans un décor pareil?
J'ai droit à une visite détaillée de la plantation et des installations finalement fort intéressantes. Vers 17h00, alors que nous rentrons Gunter, courbé sur son volant, m'interpelle:
- Vous avez votre enregistreur là?
Je me maudis intérieurement. Non bien sûr je ne l'ai pas. Heureusement j'ai toujours mon bloc note.
- Non je ne l'ai pas, mais j'ai mon bloc...
Sans attendre, il commença.
- A Guadalcanal nos gars se battaient comme des lions. En fait, au début de mon engagement dans l'USN, je voulais aller là-bas, mais l'Etat-Major de la Navy avait d'autres projets pour mon groupe. Je devais prendre en main une des premières escadrilles équipées de Corsair. Après un mois destiné à la transition sur cet avion, nous avons été envoyés en Nouvelle Guinée dans la région de Port Moresby pour nous entraîner. On décollait de bases terrestres car l'avion n'était toujours pas homologué porte-avions. Début mars, j'étais à la tête d'une patrouille de 12 avions, on allait à Buna-Gona où nos Marines étaient sévèrement accrochés. Chaque Corsair était chargé avec deux bombes. Après une heure de vol à peine, des Zéros nous sont tombés dessus. On a vite compris pourquoi, on était tombé par hasard sur un convoi de ravitaillement, on appris plus tard qu'il venait de Rabaul, il y avait au moins 1 porte-avions, 8 destroyers et autant de barges de débarquement. Il y avait au moins 30 Zecke, ça tournait dans tous les sens, on avait pas le temps d'aligner un avion ennemi, qu'un autre était déjà derrière pour vous arroser. Puis il y a eu un avion en flamme qui est tombé vers la mer et un deuxième. Dans la radio, ça gueulait de tous les côtés. Soudainement, j'ai aperçu des traçantes qui partaient dans tous les sens depuis un des porte-avions japonais. J'ai vu un Corsair qui piquait à grande vitesse et je me suis dit " le malheureux, il ne s'en sortira jamais". De leur côté les pilotes de Zéro avaient dû être informé de la présence d'un Corsair, car la plupart avaient rompu le combat et filait vers ce Corsair. Par un miracle que je n'explique encore pas aujourd'hui, mon gars a passé au travers du rideau de feu, il s'est présenté face au pont. J'ai réalisé à cet instant que nos bombes n'avaient pas été temporisées pour une attaque de navire et j'ai crié "Attention le Corsair sur PA, tes bombes n'ont qu'une seconde de retard!". Mais c'était trop tard, il a largué. Il y a eu une formidable explosion, une boule de feu d'au moins trente mètres de haut s'est levée au-dessus du navire. J'étais sûr que le Corsair avait été détruit par le feu. Mais il a réapparu plus loin, intact. Les Japonais venait de découvrir le Corsair! Sa capacité à tenir les grandes vitesses avait non seulement surpris les servants japonais, mais lui avait permis également d'échapper au souffle de l'explosion. Les Japs ont été complètement déstabilisés par ce qui venait d'arriver. On a profité de dégager pendant qu'ils ne s'occupaient plus de nous. Ce jour là, on a perdu nos deux premiers pilotes, mais l'intervention de celui qui avait pris le risque de conserver ses bombes et de les larguer sur le porte-avions ennemi, en a sauvé d'autres. De retour à Port Moresby, on a dénombré sur son avion, une bonne trentaine d'impacts de toutes sortes de calibre, il y en avait même dans le cockpit. Ce pilote avait une baracca incroyable.
Il se tut un instant affairé à surveiller le trafic dans une intersection. Je poursuivais:
- C'était qui se pilote?
- Adamas! A l'époque il était sous-lieutenant. Il n'y avait que lui pour nous faire une spéciale pareille. Il en a fait d'autres par la suite. Nous lui avons demandé pourquoi il avait fait ça. Il a répondu qu'il avait oublié de larguer ses bombes au moment de l'engagement, lorsqu'il s'en est rendu compte, il a décidé d'en faire bon usage et de bombarder un navire Japs. Il a pris le plus gros et coup de bol, quand il s'est pointé à plus de 600 km/h, le pont était encombré de chasseurs. On a su plus tard que le navire avait été sévèrement endommagé et qu'il avait été dû être ramené au Japon pour y être réparé.
La Jeep s'immobilisa devant la belle maison. Fin de l'après-midi. Le Colonel ne dira plus rien aujourd'hui. C'est l'heure du souper, mais ce soir il ne m'emmènera pas à Red Stone. Il était redevenu un homme de 90 ans et il se retira doucement dans les étages...
Je retrouve mes hôtes à midi trente à la salle à manger. Le Colonel Gunter semble jovial.
- Et bien Mister Franklin, vous avez passé une bonne nuit.
Je suis un peu gêné.
- Oui merci mis à part un mal de tête dû à un excès de bourbon, tout c'est bien passé. Au fait, je ne crois pas encore vous avoir remercier de m'avoir offert l'hospitalité.
Gunter déposa son chapeau.
- Ce n'est rien, je n'aime pas les chieurs, mais quand les gens semblent corrects nous avons les accueillons sans problème.
J'apprenais plus tard, que la récolte d'arachides avait été exceptionnelle, que la visite du contrôle de qualité s'était fort bien passée et que l'ensemble de la première partie de la récolte avait été déclarée bonne à la consommation. Faut le voir le père Gunter quand il parle de ses cacahouètes. Il est venu s'installer dans la région en 1953 après la fin de son service en Corée. Il avait repris Crymson Ranch et s'était attaché à rendre la plantation rentable, avec les années et il avait acquis des parcelles voisines et aujourd'hui, il est devenu l'un des plus gros producteurs d'arachides de la région.
- Cet après-midi je vous ferai visiter la plantation et la chaîne de production.
J'avais espéré retourner à Red Stone, mais cette fois, point d'allusion sur le Corsair ou son passé militaire.
Décidément en matière de véhicules anciens le Colonel Gunter est visiblement un connaisseur. Outre le Command Car d'hier soir, je découvre dans le vaste garage parmi quelques "modernes", une Chevrolet Bel Air Nomad marron et crème, une Plymouth Satellite 383 jaune et une Dodge Super Bee 426 vert pomme, les deux arborant des peintures de guerre noires matt du plus bel effet. Après le Command Car, c'est au tour d'une Jeep Cherokee Chief du début des années soixante de m'accueillir. Fort heureusement l'engin, dans un excellent état, est beaucoup plus confortable. Il est même équipé d'une climatisation ce qui n'est pas pour me déplaire. La radio est allumée sur le sempiternel poste local diffusant de la country, mais peut-on écouter autre chose dans un décor pareil?
J'ai droit à une visite détaillée de la plantation et des installations finalement fort intéressantes. Vers 17h00, alors que nous rentrons Gunter, courbé sur son volant, m'interpelle:
- Vous avez votre enregistreur là?
Je me maudis intérieurement. Non bien sûr je ne l'ai pas. Heureusement j'ai toujours mon bloc note.
- Non je ne l'ai pas, mais j'ai mon bloc...
Sans attendre, il commença.
- A Guadalcanal nos gars se battaient comme des lions. En fait, au début de mon engagement dans l'USN, je voulais aller là-bas, mais l'Etat-Major de la Navy avait d'autres projets pour mon groupe. Je devais prendre en main une des premières escadrilles équipées de Corsair. Après un mois destiné à la transition sur cet avion, nous avons été envoyés en Nouvelle Guinée dans la région de Port Moresby pour nous entraîner. On décollait de bases terrestres car l'avion n'était toujours pas homologué porte-avions. Début mars, j'étais à la tête d'une patrouille de 12 avions, on allait à Buna-Gona où nos Marines étaient sévèrement accrochés. Chaque Corsair était chargé avec deux bombes. Après une heure de vol à peine, des Zéros nous sont tombés dessus. On a vite compris pourquoi, on était tombé par hasard sur un convoi de ravitaillement, on appris plus tard qu'il venait de Rabaul, il y avait au moins 1 porte-avions, 8 destroyers et autant de barges de débarquement. Il y avait au moins 30 Zecke, ça tournait dans tous les sens, on avait pas le temps d'aligner un avion ennemi, qu'un autre était déjà derrière pour vous arroser. Puis il y a eu un avion en flamme qui est tombé vers la mer et un deuxième. Dans la radio, ça gueulait de tous les côtés. Soudainement, j'ai aperçu des traçantes qui partaient dans tous les sens depuis un des porte-avions japonais. J'ai vu un Corsair qui piquait à grande vitesse et je me suis dit " le malheureux, il ne s'en sortira jamais". De leur côté les pilotes de Zéro avaient dû être informé de la présence d'un Corsair, car la plupart avaient rompu le combat et filait vers ce Corsair. Par un miracle que je n'explique encore pas aujourd'hui, mon gars a passé au travers du rideau de feu, il s'est présenté face au pont. J'ai réalisé à cet instant que nos bombes n'avaient pas été temporisées pour une attaque de navire et j'ai crié "Attention le Corsair sur PA, tes bombes n'ont qu'une seconde de retard!". Mais c'était trop tard, il a largué. Il y a eu une formidable explosion, une boule de feu d'au moins trente mètres de haut s'est levée au-dessus du navire. J'étais sûr que le Corsair avait été détruit par le feu. Mais il a réapparu plus loin, intact. Les Japonais venait de découvrir le Corsair! Sa capacité à tenir les grandes vitesses avait non seulement surpris les servants japonais, mais lui avait permis également d'échapper au souffle de l'explosion. Les Japs ont été complètement déstabilisés par ce qui venait d'arriver. On a profité de dégager pendant qu'ils ne s'occupaient plus de nous. Ce jour là, on a perdu nos deux premiers pilotes, mais l'intervention de celui qui avait pris le risque de conserver ses bombes et de les larguer sur le porte-avions ennemi, en a sauvé d'autres. De retour à Port Moresby, on a dénombré sur son avion, une bonne trentaine d'impacts de toutes sortes de calibre, il y en avait même dans le cockpit. Ce pilote avait une baracca incroyable.
Il se tut un instant affairé à surveiller le trafic dans une intersection. Je poursuivais:
- C'était qui se pilote?
- Adamas! A l'époque il était sous-lieutenant. Il n'y avait que lui pour nous faire une spéciale pareille. Il en a fait d'autres par la suite. Nous lui avons demandé pourquoi il avait fait ça. Il a répondu qu'il avait oublié de larguer ses bombes au moment de l'engagement, lorsqu'il s'en est rendu compte, il a décidé d'en faire bon usage et de bombarder un navire Japs. Il a pris le plus gros et coup de bol, quand il s'est pointé à plus de 600 km/h, le pont était encombré de chasseurs. On a su plus tard que le navire avait été sévèrement endommagé et qu'il avait été dû être ramené au Japon pour y être réparé.
La Jeep s'immobilisa devant la belle maison. Fin de l'après-midi. Le Colonel ne dira plus rien aujourd'hui. C'est l'heure du souper, mais ce soir il ne m'emmènera pas à Red Stone. Il était redevenu un homme de 90 ans et il se retira doucement dans les étages...
615sqn_Harry- Wing Commander
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
c'est vrai que pour "faire une spéciale pareille" y'a que moi :)
merci harry pour se deusième épisode , trop cour mais que j'ai dévoré avec beaucoup de plaisir et avec mon café ...
je ne sais pas se qu'est: "ils sont construits en airain dans ce pays"
édit : ... voir forum privé VF17 ...
merci harry pour se deusième épisode , trop cour mais que j'ai dévoré avec beaucoup de plaisir et avec mon café ...
je ne sais pas se qu'est: "ils sont construits en airain dans ce pays"
édit : ... voir forum privé VF17 ...
Adamas- Nombre de messages : 2352
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
airain = bronze ;)
F/JG300_Touch- Oberst
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Héhé! C'est vrai qu'il n'y a qu'Adamas pour des coups comme ça !
Encore, encore .
Merci pour tes textes, Harry!!!
Encore, encore .
Merci pour tes textes, Harry!!!
VF17_Kasey- Nombre de messages : 268
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Date d'inscription : 26/10/2005
Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
A quand la suite Sir Harry ?
RTA_Oscarbob- Lt Colonel
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Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
:study: :study: :study:
615sqn_Ejybe- Wing Commander
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Date d'inscription : 28/10/2005
Préparez les mouchoirs
Le lendemain matin je suis réveillé par la pluie. Elle ne tombe pas souvent dans la région mais quand elle tombe c'est pour de bon. Personnellement, je savoure cet instant de fraîcheur. Ca me change des températures torrides des jours précédents. J'ai conservé mon pyjama, un café chaud à la main, je contemple pensif, le mur d'eau qui est devant moi et qui suffisamment intense pour masquer l'abri et le Jacuzzi. Sacré personnage ce Gunter, son caractère impétueux cache un homme d'une grande sensibilité, il est comme tous ces soldats que j'avais rencontrés lors de mes périples à travers le monde, n'aspirant qu'à une chose; qu'on les considère simplement comme des citoyens ayant fait avant tout leur devoir. Les titres de héros, ils s'en fiche. Il y a ceux qui ont écrit leur histoire, avec leurs tripes, leur sang puis avec une plume, et puis il y a les autres, ceux qui la subisse, l'histoire ne retient d'eux que ce la propagande a bien voulu leur laisser. Simplement être reconnus...
Lorsque je descends prendre mon petit-déjeuner, la salle à manger est vide. On me conduit à la cuisine. Le Colonel Gunter est assis à la grande table, lisant le journal, un café fumant devant lui. A mon arrivée, il m'invite à prendre place en face de lui:
- Venez Franklin, asseyez-vous. Aujourd'hui nous avons le temps. Avec la pluie, la plupart des ouvriers sont en congés. Seule l'usine d'emballage tourne.
Je m'attends à ce qu'il profite de cette journée calme pour me raconter une nouvelle histoire. Peut-être irons nous à Red Stone.
Quinze minutes plus tard, il m'attend dans son Cherokee Chief, je monte à droite. Je suis un peu surpris, car le Colonel porte une chemise blanche et un nœud noir. Il est coiffé d'un Stetson de la même teinte.
- Excusez ma tenue un peu austère, mais nous allons à Richmond.
La ville est à au moins 300 km.
- Heu Richmond en Virginie, par ce que si c'est la ville dans le Kentucky, il nous faudra la semaine pour y aller.
Je rigole, mais ma plaisanterie tombe à plat. Gunter reprend
- Nous allons au cimetière militaire. Quelques-uns uns des pilotes de mon groupe y sont enterrés. Je déteste ces cérémonies de vétérans en uniforme, médailles et fanfreluches. Mais je n'y ai plus jamais foutu les pieds depuis 1953, votre présence est pour moi l'occasion d'honorer leur mémoire.
Je déteste les cimetières, mais je m'y soumets de bonne grâce.
Durant le trajet, le Colonel parle peu. Tout ce que j'apprends c'est que nous avons un rendez-vous avec quelqu'un là-bas.
Nous arrivons à Richmond peu avant midi. Depuis une bonne heure déjà, un soleil radieux a remplacé la pluie.
Le cimetière est situé à l'extérieur de la ville. C'est un grand terrain plat où sont réunies des milliers de petites croix blanches. Certaines ont des noms, d'autres ... rien. Au centre du parc, il y a une colline engazonnée sur laquelle il y a un petit monument surmonté d'un drapeau américain. Des plaques en marbres recouvertes de noms représentes les disparus, ceux dont les corps n'ont jamais pu être inhumés. Tous les conflits y sont représentés, première et deuxième guerre mondiale, Corée, Vietnam et les plus récents aussi, le Koweït... l'Irak. Je déteste les cimetières militaires, il me foute le cafard. Le Colonel avance d'un bon pas, il semble hésiter entre deux allées. Il se décide enfin.
- Ah c'est ici, venez, il y a un secteur réservé aux pilotes de 39 - 45.
Je le suis et effectivement nous arrivons devant un petit mausolée en marbre blanc sur lequel est vissée une plaque en cuivre poli représentant une paire d'ailes schématisées.
Le Colonel se découvre un instant, il marche lentement entre les croix alignées. Il murmure
- Ici... non plus c'est plus loin, après l'arbre, oui c'est ça, c'est ici qu'ils ont été enterrés.
Il s'arrête enfin devant une tombe.
Les yeux embués, il reste un moment silencieux. Puis, se raclant la gorge, il s'adresse à moi.
- Ici, c'est le Lt Marcos... au retour d'un raid sur Milne Bay en février '43, son Corsair était endommagé, il voulait absolument le ramener. Il s'est tué à l'atterrissage.
Il marche quelques pas, de son Stetson, il montre une autre croix.
- Là... Carthov, un russe d'origine, un sacré bout en train et un pilote hors pair. Les Japs l'ont eu au-dessus de Bougainville en octobre de la même année. Il s'est sacrifié pour que deux jeunes pilotes qui étaient winchester puissent rentrer. Il avait 16 victoires au moment de sa mort.
J'ai les yeux humides devant ce vieil homme et son lourd passé...
- Ca je dois aussi l'écrire Colonel?
- J'ai dit tout Mister Franklin, je veux que le monde ne les oublie pas... jamais.
Il poursuit son périple, parfois il se recueille quelques instants devant une croix. Il ne dit pas un mot. Je lis les noms au passage, mais ils ne me disent rien de plus que les milliers autres qui sont ici.
Fox, Papy, Dalton et d'autres encore. Alors que j'étudie une nouvelle croix, il m'interpelle.
- Par ici, Mister Franklin!
Je m'approche. Il poursuit en m'indiquant deux tombes.
- Ici reposent les capitaines Littletoef et Keunig. Le premier était pressenti pour devenir mon second, un pilote incroyable. En 4 sorties, il avait atteint le score de 5 victoires et devenait ainsi le premier As de notre groupe. C'était une star dans l'escadrille, la presse américaine l'adorait. Les Japonais, beaucoup moins. J'ai appris plus tard qu'ils l'avaient surnommé "the Wolverine "... savez vous comment cet animal chasse ? Il se positionne sur une branche d'arbre et plonge sur sa proie lorsqu'elle passe à sa hauteur, il ne lâche jamais. Ouai, il se battait comme ça, il ne lâchait jamais prise. Il est mort très stupidement. En attaquant une position japonaise fortement défendue et qu'on avait loupé au premier passage. Il avait une femme et trois gosses... j'ai mis presque trois heures pour écrire à la veuve...
Appuyé sur sa cane, il sort son flacon en inox poli et boit une bonne rasade de bourbon. Sans un regard, il me tend la bouteille. Le whiskey me brûle la gorge. Il poursuit.
- Keunig était un sacré gaillard, il était de l'USAAF et commandait les P39 et les P40 du 3th 43FG. On partageait la même base à Port-Moresby. C'était un chic type, toujours prêt à donner le coup de main. On a même partagé la même chambre. Faut dire que début '43 en Nouvelle-Guinée, on était loin du confort du Hornet. Tout était boueux et humide. Les gars avaient la dysenterie, le paludisme et d'autres trucs encore. Il avait fait West Point, avec Cbal d'ailleurs, il avait de la culture. Ca ne nous a pas empêché de prendre des cuites mémorables.
Il porte aux lèvres son flacon.
- Peu avant la fin de notre tour d'opérations, son groupe avait subi des pertes importantes. A côté des P40, ils avaient des P39 Airacobra, des avions rapides, mais instables. Personne n'en voulait, alors il laissait les Curtiss à ses hommes et prenait chaque fois un P39. On s'est séparé en mai 1943 quand mon escadrille avait terminé son tour d'opérations. Il devait encore faire deux semaines avec la sienne avant de rentrer aux Etats-Unis. Je le vois encore sur le tarmac, nous faire signe à nous qui étions assis dans le C47 nous ramenant au bercail. Trois jours plus tard son Airacobra a été abattu à Oro Bay.
Après un dernier regard sur l'allée, nous quittons le cimetière.
Nous avons rendez-vous pour déjeuner dans un restaurant chic de la ville. Alors que nous entrons dans l'établissement, Au loin, un homme âgé nous fait signe. Il porte un costume croisé, des petites lunettes sont posées sur son nez. Ignorant les remarques du maître d'hôtel, Le Colonel se presse dans sa direction. Visiblement émus, les deux hommes se contemplent un instant avant d'échanger une poignée de main chaleureuse.
- Et bien Colonel, ça faisait une sacré paye hein!
Gunter est souriant.
- tu parles ... 52 ans, juste après la guerre de Corée.. Ah Mister Franklin, venez que je vous présente.
Je m'approche.
- Mister Franklin, je vous présente le Capitaine Kasey, je me suis dit que cela vous intéresserait de le rencontrer. Il doit être le dernier survivant de mon escadrille.
Kasey me tend la main, il a un petit sourire.
- Pas tout à fait Colonel, je vous ai amené une petite surprise.
A l'entrée viennent d'apparaître deux autres hommes. Ils portent l'uniforme des vétérans de l'US Navy. Le premier pousse le deuxième qui est dans une chaise roulante.
Kasey reprend doucement.
- Après la Corée, nous avons respecté votre éloignement Colonel. Mais nous, nous sommes restés en contact et nous nous voyons chaque année ici à Richmond. Adamas a eu une attaque cérébrale il y a deux ans, il a perdu une partie de sa motricité, mais il a encore toute sa tête. Il est dans un centre pour vétérans. Tchaikaram qui habite la même ville que lui, s'occupe régulièrement de lui.
Dans le restaurant, les clients ont arrêté de manger.
- Voilà Colonel, quand vous m'avez contacté, il y a 2 jours pour m'annoncer votre venue à Richmond, j'ai pensé que vous seriez heureux de retrouver quelques vieux camarades.
J'ai sorti un gros mouchoir. On observant le Major Tchaikaram je constate que malgré son âge il a une prestance qui ne pouvait que le destiner à une carrière d'officier, quant à Adamas, ses yeux sourient derrière ses lunettes carrées. Gunter qui s'est assis, lui tient sa main valide. Adamas parle avec peine:
- Quel plaisir de vous revoir en bonne santé Colonel.
Gunter semble terrassé par l'émotion. Il ne peut plus parler. Je me retire pudiquement de quelques mètres. Je respecte le silence de ces hommes qui se retrouvent après 50 ans d'éloignements mais qui étaient si proches.
Le Colonel finit par se lever. Il toise l'assistance.
- Tournée générale, comme en 1944, c'est la 17 qui rince!
Lorsque je descends prendre mon petit-déjeuner, la salle à manger est vide. On me conduit à la cuisine. Le Colonel Gunter est assis à la grande table, lisant le journal, un café fumant devant lui. A mon arrivée, il m'invite à prendre place en face de lui:
- Venez Franklin, asseyez-vous. Aujourd'hui nous avons le temps. Avec la pluie, la plupart des ouvriers sont en congés. Seule l'usine d'emballage tourne.
Je m'attends à ce qu'il profite de cette journée calme pour me raconter une nouvelle histoire. Peut-être irons nous à Red Stone.
Quinze minutes plus tard, il m'attend dans son Cherokee Chief, je monte à droite. Je suis un peu surpris, car le Colonel porte une chemise blanche et un nœud noir. Il est coiffé d'un Stetson de la même teinte.
- Excusez ma tenue un peu austère, mais nous allons à Richmond.
La ville est à au moins 300 km.
- Heu Richmond en Virginie, par ce que si c'est la ville dans le Kentucky, il nous faudra la semaine pour y aller.
Je rigole, mais ma plaisanterie tombe à plat. Gunter reprend
- Nous allons au cimetière militaire. Quelques-uns uns des pilotes de mon groupe y sont enterrés. Je déteste ces cérémonies de vétérans en uniforme, médailles et fanfreluches. Mais je n'y ai plus jamais foutu les pieds depuis 1953, votre présence est pour moi l'occasion d'honorer leur mémoire.
Je déteste les cimetières, mais je m'y soumets de bonne grâce.
Durant le trajet, le Colonel parle peu. Tout ce que j'apprends c'est que nous avons un rendez-vous avec quelqu'un là-bas.
Nous arrivons à Richmond peu avant midi. Depuis une bonne heure déjà, un soleil radieux a remplacé la pluie.
Le cimetière est situé à l'extérieur de la ville. C'est un grand terrain plat où sont réunies des milliers de petites croix blanches. Certaines ont des noms, d'autres ... rien. Au centre du parc, il y a une colline engazonnée sur laquelle il y a un petit monument surmonté d'un drapeau américain. Des plaques en marbres recouvertes de noms représentes les disparus, ceux dont les corps n'ont jamais pu être inhumés. Tous les conflits y sont représentés, première et deuxième guerre mondiale, Corée, Vietnam et les plus récents aussi, le Koweït... l'Irak. Je déteste les cimetières militaires, il me foute le cafard. Le Colonel avance d'un bon pas, il semble hésiter entre deux allées. Il se décide enfin.
- Ah c'est ici, venez, il y a un secteur réservé aux pilotes de 39 - 45.
Je le suis et effectivement nous arrivons devant un petit mausolée en marbre blanc sur lequel est vissée une plaque en cuivre poli représentant une paire d'ailes schématisées.
Le Colonel se découvre un instant, il marche lentement entre les croix alignées. Il murmure
- Ici... non plus c'est plus loin, après l'arbre, oui c'est ça, c'est ici qu'ils ont été enterrés.
Il s'arrête enfin devant une tombe.
Les yeux embués, il reste un moment silencieux. Puis, se raclant la gorge, il s'adresse à moi.
- Ici, c'est le Lt Marcos... au retour d'un raid sur Milne Bay en février '43, son Corsair était endommagé, il voulait absolument le ramener. Il s'est tué à l'atterrissage.
Il marche quelques pas, de son Stetson, il montre une autre croix.
- Là... Carthov, un russe d'origine, un sacré bout en train et un pilote hors pair. Les Japs l'ont eu au-dessus de Bougainville en octobre de la même année. Il s'est sacrifié pour que deux jeunes pilotes qui étaient winchester puissent rentrer. Il avait 16 victoires au moment de sa mort.
J'ai les yeux humides devant ce vieil homme et son lourd passé...
- Ca je dois aussi l'écrire Colonel?
- J'ai dit tout Mister Franklin, je veux que le monde ne les oublie pas... jamais.
Il poursuit son périple, parfois il se recueille quelques instants devant une croix. Il ne dit pas un mot. Je lis les noms au passage, mais ils ne me disent rien de plus que les milliers autres qui sont ici.
Fox, Papy, Dalton et d'autres encore. Alors que j'étudie une nouvelle croix, il m'interpelle.
- Par ici, Mister Franklin!
Je m'approche. Il poursuit en m'indiquant deux tombes.
- Ici reposent les capitaines Littletoef et Keunig. Le premier était pressenti pour devenir mon second, un pilote incroyable. En 4 sorties, il avait atteint le score de 5 victoires et devenait ainsi le premier As de notre groupe. C'était une star dans l'escadrille, la presse américaine l'adorait. Les Japonais, beaucoup moins. J'ai appris plus tard qu'ils l'avaient surnommé "the Wolverine "... savez vous comment cet animal chasse ? Il se positionne sur une branche d'arbre et plonge sur sa proie lorsqu'elle passe à sa hauteur, il ne lâche jamais. Ouai, il se battait comme ça, il ne lâchait jamais prise. Il est mort très stupidement. En attaquant une position japonaise fortement défendue et qu'on avait loupé au premier passage. Il avait une femme et trois gosses... j'ai mis presque trois heures pour écrire à la veuve...
Appuyé sur sa cane, il sort son flacon en inox poli et boit une bonne rasade de bourbon. Sans un regard, il me tend la bouteille. Le whiskey me brûle la gorge. Il poursuit.
- Keunig était un sacré gaillard, il était de l'USAAF et commandait les P39 et les P40 du 3th 43FG. On partageait la même base à Port-Moresby. C'était un chic type, toujours prêt à donner le coup de main. On a même partagé la même chambre. Faut dire que début '43 en Nouvelle-Guinée, on était loin du confort du Hornet. Tout était boueux et humide. Les gars avaient la dysenterie, le paludisme et d'autres trucs encore. Il avait fait West Point, avec Cbal d'ailleurs, il avait de la culture. Ca ne nous a pas empêché de prendre des cuites mémorables.
Il porte aux lèvres son flacon.
- Peu avant la fin de notre tour d'opérations, son groupe avait subi des pertes importantes. A côté des P40, ils avaient des P39 Airacobra, des avions rapides, mais instables. Personne n'en voulait, alors il laissait les Curtiss à ses hommes et prenait chaque fois un P39. On s'est séparé en mai 1943 quand mon escadrille avait terminé son tour d'opérations. Il devait encore faire deux semaines avec la sienne avant de rentrer aux Etats-Unis. Je le vois encore sur le tarmac, nous faire signe à nous qui étions assis dans le C47 nous ramenant au bercail. Trois jours plus tard son Airacobra a été abattu à Oro Bay.
Après un dernier regard sur l'allée, nous quittons le cimetière.
Nous avons rendez-vous pour déjeuner dans un restaurant chic de la ville. Alors que nous entrons dans l'établissement, Au loin, un homme âgé nous fait signe. Il porte un costume croisé, des petites lunettes sont posées sur son nez. Ignorant les remarques du maître d'hôtel, Le Colonel se presse dans sa direction. Visiblement émus, les deux hommes se contemplent un instant avant d'échanger une poignée de main chaleureuse.
- Et bien Colonel, ça faisait une sacré paye hein!
Gunter est souriant.
- tu parles ... 52 ans, juste après la guerre de Corée.. Ah Mister Franklin, venez que je vous présente.
Je m'approche.
- Mister Franklin, je vous présente le Capitaine Kasey, je me suis dit que cela vous intéresserait de le rencontrer. Il doit être le dernier survivant de mon escadrille.
Kasey me tend la main, il a un petit sourire.
- Pas tout à fait Colonel, je vous ai amené une petite surprise.
A l'entrée viennent d'apparaître deux autres hommes. Ils portent l'uniforme des vétérans de l'US Navy. Le premier pousse le deuxième qui est dans une chaise roulante.
Kasey reprend doucement.
- Après la Corée, nous avons respecté votre éloignement Colonel. Mais nous, nous sommes restés en contact et nous nous voyons chaque année ici à Richmond. Adamas a eu une attaque cérébrale il y a deux ans, il a perdu une partie de sa motricité, mais il a encore toute sa tête. Il est dans un centre pour vétérans. Tchaikaram qui habite la même ville que lui, s'occupe régulièrement de lui.
Dans le restaurant, les clients ont arrêté de manger.
- Voilà Colonel, quand vous m'avez contacté, il y a 2 jours pour m'annoncer votre venue à Richmond, j'ai pensé que vous seriez heureux de retrouver quelques vieux camarades.
J'ai sorti un gros mouchoir. On observant le Major Tchaikaram je constate que malgré son âge il a une prestance qui ne pouvait que le destiner à une carrière d'officier, quant à Adamas, ses yeux sourient derrière ses lunettes carrées. Gunter qui s'est assis, lui tient sa main valide. Adamas parle avec peine:
- Quel plaisir de vous revoir en bonne santé Colonel.
Gunter semble terrassé par l'émotion. Il ne peut plus parler. Je me retire pudiquement de quelques mètres. Je respecte le silence de ces hommes qui se retrouvent après 50 ans d'éloignements mais qui étaient si proches.
Le Colonel finit par se lever. Il toise l'assistance.
- Tournée générale, comme en 1944, c'est la 17 qui rince!
Dernière édition par le Dim 1 Jan 2006 - 7:58, édité 1 fois
615sqn_Harry- Wing Commander
- Nombre de messages : 8393
Localisation : Al Fayat
Date d'inscription : 26/10/2005
Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
c'est vraiment incroyable , merci pour cette suite :) juste une question tu a déja une idée sur la tournure generale de ton récit , ou tu trouve l'inspiration par acoup ?
Adamas- Nombre de messages : 2352
Age : 54
Localisation : Mérignac (Gironde)
Date d'inscription : 26/10/2005
Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Sympa l'histoire, mais souvent dans ces grands films d'héros américains y a toujours une gonzesse, jolie, le mec tombe amoureux, mais ensuite il doit partir à la guerre, et puis la nana elle rencontre un autre jeune et beau pilote et bla bla bla;
Alors, aura-t-on encore de l'aventure, dus sentiments, de l'érotisme???
Vous le saurez en suivant le prochain épisode (on l'attend tous avec impatience).
Bravo encore.
Alors, aura-t-on encore de l'aventure, dus sentiments, de l'érotisme???
Vous le saurez en suivant le prochain épisode (on l'attend tous avec impatience).
Bravo encore.
F/JG300_Touch- Oberst
- Nombre de messages : 6383
Age : 57
Localisation : Marne la Vallée, voisin : Mickey !
Date d'inscription : 08/12/2005
Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Magnifique Harry! tout simplement Magnifique!
Je viens de lire sa parce que hier soir j'était absent, mais je me réjouie de la suite!! :)
Je viens de lire sa parce que hier soir j'était absent, mais je me réjouie de la suite!! :)
RTA_Fitsalus- 1st Lieutenant
- Nombre de messages : 982
Age : 38
Localisation : Quelque part au fin fond de Neuchâtel
Date d'inscription : 25/12/2005
Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
Superbe, Harry! Vivement la suite :)!
VF17_Kasey- Nombre de messages : 268
Localisation : Genève
Date d'inscription : 26/10/2005
Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
VF17&III/JG26_Adamas a écrit:c'est vraiment incroyable , merci pour cette suite :) juste une question tu a déja une idée sur la tournure generale de ton récit , ou tu trouve l'inspiration par acoup ?
Ben heu, il y a un fils rouge, mais je dois avouer que l'histoire ce construit un peu au fil à mesure que j'écris. C'est assez spontané. Ca dépent des conditions. Cette nuit par exemple, elle était très calme. Il neigeait et j'écoutais Enya.
quote="III/JG26(Jabo)_Touch"]Sympa l'histoire, mais souvent dans ces grands films d'héros américains y a toujours une gonzesse, jolie, le mec tombe amoureux, mais ensuite il doit partir à la guerre, et puis la nana elle rencontre un autre jeune et beau pilote et bla bla bla;
Alors, aura-t-on encore de l'aventure, dus sentiments, de l'érotisme???
Vous le saurez en suivant le prochain épisode (on l'attend tous avec impatience).
Bravo encore.[/quote]
Heu ouai, c'est vrai , mais j'essaye, même si ce n'est pas évident, de ne pas trop tomber dans des clichés trop stéréotypés ;) . Et puis t'as vu l'âge des rabougris de service, tu me vois décrire une touze ou une partie de jambes en l'air? Là, je passe vraiment dans le camp des vicieux et des tarés
Il y aura bien évidemment une suite avec Happy Day, soleil couchant et tout ça, parce que chez moi les histoires ont parfois une morale ou un message, mais elles ne finissent jamais mal, faut juste que je me gaffe à ce que ce ne termine pas dans l'eau de rose ou le glamour de mauvais goût...
615sqn_Harry- Wing Commander
- Nombre de messages : 8393
Localisation : Al Fayat
Date d'inscription : 26/10/2005
Re: 60 ans plus tard, quelques part en Virginie...
615sqn_harry a écrit:Il y aura bien évidemment une suite avec Happy Day, soleil couchant et tout ça
les deux première partie je les ai lu au petit matin avec mon café... j'ai hate de lire la suite :) merci harry
Adamas- Nombre de messages : 2352
Age : 54
Localisation : Mérignac (Gironde)
Date d'inscription : 26/10/2005
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