Un Stug pour la liberté
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Re: Un Stug pour la liberté
Un vieux colonel me disait, il y a longtemps, tu veux que tes gars combattent comme des lions, alors nourris les comme il faut!
Lorsque nous retournons vers le théâtre de nos derniers tristes exploits, les véhicules ont été plus ou moins salis faute d'huile. Pas de problème pour le Stug et le Kfz dont le camouflage est gris, par contre pour le Panther et ses teintes brunes, c'est moins convaincant. Les corps de nos ex camarades de combats, ont été enterré un peu plus loin. Près du Kfz Fritz a sorti sa cuisine de campagne et le visage rayonnant de bonheur, il hume avec délectation une soupe. Il a de l'allure notre brave cuisinier avec son tablier blanc entourant sa taille. Il m'invite à goûter son breuvage. Une soupe au pois absolument excellente. Surpris de pouvoir déguster ce véritable nectar dans un endroit pareil, je lui demande quand même d'où il a tous ses ingrédients de cuisine et toute cette nourriture. D'un clin d'œil malicieux, il m'invite à venir jeter un oeil dans le Kfz. Jambons fumés, saucissons secs, biscuits, boîtes de soupes, d'ingrédients, de sel, de poivre, de farine, de sucre, de lait en poudre et même d'œufs soigneusement emballés dans des cartons isolés et protégés des chocs défilent devant mes yeux ébahis. Et quand il retire du dessous du banc de bois, quatre caisses de bière, je commence de rire, mais d'où sort-il tout cela cet énergumène de Kupferschmied. Il reste tout juste de la place pour les quatre occupants qui doivent se glisser entre les éléments de la cuisine de campagne et toute cette boustifaille pour rejoindre leur poste. Et tout cela en plein territoire ennemi.
- Kupferschmied, vous êtes incroyable. Je ne vous oblige pas à me dire d'où vous avez toute cette nourriture, mais je serais quand même bien curieux de le savoir.
Il a un petit rire, aigu, vous savez comme les gros joviaux en ont tous un (Sergent Schultz). Un rire heureux, qui ressemble à un gloussement qui fait trembler son double menton et briller ses petits yeux porcins.
- Vous savez Oberleutnant, nos généraux aiment bien les petites choses raffinées, alors ils ont toujours une réserve personnelle qui les suit. Après quand ces généraux meurent ou disparaissent et bien il faut bien que le bon caporal de cuisine Kupferschmied s'occupe de protéger toute cette bonne nourriture afin d'éviter qu'elle ne tombe en mains communistes!
Il me fait un clin d'œil.
Mouai, je serais plus enclin à croire que notre bon camarade a tout simplement piqué le contenu d'un wagon de nourriture effectivement destiné à un de nos pontes. Mais bon, l'odeur de soupe alléchante et le long saucisson qu'il vient de sortir accompagné d'une grosse miche de pain, m'enlève toute velléité de lui faire des reproches. Faut voir la tête de Volta, de Julius, de Tafner et de ces trois gars d'équipage quand Kupferschmied, au moyen d'un gros couteau de cuisine effilé comme un rasoir, tranche le saucisson sur la grosse planche. Volta est le premier à retrouver la parole:
- Oh merde alors, mais t'es un Dieu Fritz. Et dire que ce salaud de Steinmetz voulait t'écraser sous son Tigre.
A ce souvenir, le gros cuisinier grimace.
Dans l'attente, nous mangeons avec bon appétit. Cela faisait longtemps que l'on avait plus pris un si bon repas. Le tout fut conclu avec une bonne bière. Le moral était au beau fixe. Le soir tombait doucement sur notre position. Il fallait y aller. Je me lève presque à regret.
- Bon les gars, va falloir qu'on roule. Pour les chauffeurs, on tournera sur un filet de gaz question d'être le plus économe possible avec le carburant. Nous nous mettrons sur le canal 8 pour communiquer entre-nous. Kupferschmied, votre véhicule a encore une radio.
Il approuve de la tête.
- Bien, Julius, et notre radio, le fusible? Réparé?
Il hausse les épaules.
- Le fusible a été changé et il a l'air de tenir. Maintenant, on va voir à l'usage.
- Parfait. Bien Messieurs, silence radio complet pendant le voyage. Au moindre truc suspect on s'annonce et on s'immobilise. Je vous donnerais les caps au fur et à mesure des changements. N'attendant pas la fin de la donnée d'ordre, Kupferschmied et son équipe ont prestement rangé tout le matériel.
- Alors si tout le monde a terminé. En avant.
Trois minutes plus tard, les moteurs tournant au ralenti, nous quittons le secteur laissant derrière nous le Tigre de Steinmetz et les tombes.
Après avoir longé la berge de la petite rivière où nous nous sommes baignés le matin même, nous retrouvons la route traversant la forêt et puis enfin, alors que le disque solaire a presque disparu à l'horizon. Nous nous engageons dans les grandes plaines. Le vent froid du Nord, la fameuse bise noire, gifle par bourrasque mon visage. Les trois véhicules avancent décalés latéralement de quelques dizaines de mètres. Je peux encore voir Tafner, qui ses jumelles à la main, observe l'horizon. Du côté du Kfz, point d'observateur, notre ami bavarois fait confiance aux deux équipages de chars. Nous roulons ainsi plusieurs heures avant que je ne décrète une pause. Une fois les moteurs arrêtés, seuls dans la nuit nous entendons le vent siffler dans les structures de nos chars. Fritz a confectionné de gros sandwichs avec le reste de pain et de saucisson, et un de ses hommes nous sert du café. Tout en mâchouillant son Volta me donne un petit coup sur l'épaule:
- T'as vu là bas!
Très loin à l'horizon, il y a de temps en temps un flash qui illumine la nuit.
- Tir d'artillerie! On se bat là-bas. Qu'est-ce qu'on fait?
Ma décision est prise. On ne va pas continuer de se balader comme ça derrière les lignes ennemies indéfiniment.
- Allez hop tous à vos chars, c'est là bas qu'on va!
Nous nous remettons en route. Cette fois nous avons enfin un but. Il est dur de ne pas augmenter la cadence, mais il faut résister. Par radio, je m'inquiète de la consommation du Panther de Tafner.
- Alors Tafner, où en est votre réserve?
M'est avis qu'il doit avoir les yeux rivés sur sa jauge à carburant le Tafner, car il me répond instantanément:
- Minimum huit heures, peut-être dix...
Sans un mot de plus, nous poursuivons en direction des tirs d'artillerie. Au fils des heures, ceux-ci deviennent plus distincts. Là bas à l'Est, le soleil se lève. Va falloir bientôt nous arrêter. Encore une demie-heure et je donne l'ordre nous arrêter. Les trois véhicules s'immobilisent. Le ronronnement du moteur fait place au vent et à la poussière qui s'infiltre par les meurtrières dans nos chars. Après avoir bâché leur Kfz, Fritz et ses trois camarades ont rejoint nos chars. Prétextant un manque de place dans le Stug, j'ai "attribué" Fritz au Panther de Tafner. Je rigole doucement à la vue de Tafner la tête toute rouge, entrain d'aider Kupferschmied à passer par l'écoutille dans son tank. Nous récupérons deux des aides de cuisine qui heureusement sont moins imposants que leur chef. Julius le doigt en l'air leur donne les prescriptions d'usage:
- On ne retire pas ses chaussures, on ne pète pas, on ne lève pas ses bras et on évite de parler si on a l'haleine lourde! Et surtout vous ne touchez à rien dans l'habitacle!
- Le plus jeune des jeunes n'a pas l'air plus impressionné que ça:
- On peut quand même s'asseoir non?
Et il poncture sa phrase d'un pet bruyant qui résonne comme dans une vieille chaudière dans le tank. Ca promet.
M'efforçant de rester sérieux, je demande par radio à Tafner comme ça se passe chez eux.
Il répond en maugréant:
- Ca va, je l'ai placé à côté du poste de conducteur. Il nous faudra l'enduire de saindoux et un Ferdinand pour le treuiller dehors...
Dans le Stug, malgré la chaleur qui commence de taper sur la structure d'acier, c'est l'hilarité générale.
Comme nous Tafner a descendu le canon vers le sol, comme si nos tanks étaient inopérationnels.
Et les heures s'égrènent lentement dans une chaleur étouffante. Malgré les prescriptions de Julius nous avons tous retirés nos vestes et nos chemises.
Midi...
Quatorze heures...
Le premier à les entendre c'est Volta.
Il se redresse sur son siège de pilote et tend l'oreille:
- Vous entendez?
Julius, amorphe, est avachi dans le fond du char. La trappe de secours a été ouverte pour permettre au peu de vent qui souffle de faire un léger courant d'air.
- Nan j'entends rien...
Moi par contre, je commence de percevoir un bruit pas rassurant du tout. Des chars, et pas rien qu'un. Je me lève et je jette un oeil par les meurtrières latérales, rien je vois rien. Le bruit est plus présent. Julius s'est également redressé sur son séant. Il murmure:
- T34... non... IS2... enfin il me semble...
Nous ne voyons rien à l'arrière. J'hésite à informer Tafner, mais j'ai peur d'être repéré si on nous écoute sur les ondes. Je regarde vers le Panther. Ils doivent avoir entendu. Pourvu qu'il ne fasse pas une connerie. Je commence de regretter ma décision de rester immobile la journée. Nous n'avons pas encore vu un seul avion. Maintenant, les équipages de chars ennemis doivent nous voir. Ils sont à moins de trois cents mètres. Ca y est, je vois le premier, un IS2 qui passe à droite du Panther de Tafner. Le commandant russe surmonte sa tourelle et regarde nos deux tanks, mais il ne s'arrête pas. D'autres chars passent à leur tour. Des T34, des KV2, des IS2, c'est impressionnant. Pourtant aucun ne semble s'intéresser à nous. C'est à peine si le commandant d'un T34 ralenti en arrivant à notre hauteur et regarde dans notre direction. Nous sommes recroquevillés au fond du Stug. A chaque passage à moins de cinquante mètres de notre Stug, le planché en tôle vibre. Ce manège va ainsi durer plus de deux heures. Deux heures d'angoisses. Mais notre ruse semble avoir bien fonctionnée et alors que le soleil commence de descendre vers l'horizon les dernières colonnes blindées s'efface au loin dans la steppe. Le premier à prendre la parole est un des cuisiniers.
- C'est bien joli tout ça... et comment va-t-on traverser tout ça lorsqu'on aura rejoint le front.
Il a raison le cuistot comme rejoindre nos lignes. Je suis découragé. En trois heures de temps, ce ne sont pas des centaines, mais des milliers de blindés qui faisaient route vers le Sud Ouest. Cette fois c'est bien fini. On le disait souvent, entre-nous comme ça avec un infime espoir au fond du cœur que tout s'arrêterait avant. Que nous pourrions enfin rentrer chez nous. Non pas que la guerre se poursuive avec les fameuses nouvelles armes dont nous abreuve Goebbels et sa clique dans leurs discours de propagande, mais qu'une solution pour un traité de paix ou une espèce d'arrangement avec les alliés mettrait une fin à tout ça. Je réalise qu'il n'y aura rien de tout ça, que tout s'arrêtera quand les Russes, les Américains et les Anglais piétineront les ruines de Berlin. Et puis pour nous, cela fait trop longtemps que notre ange gardien veille sur nous, après avoir passé au travers des combats et survécu depuis maintenant bientôt trois ans, nous avons failli y passer à Fatezh, le bombardement, le char enlisé et maintenant les tanks russes à quelques mètres de notre Stug. Ca ne peut pas durer. Pendant que je cultive mes sombres pensées, les cuistots n'en pouvant plus ont quitté le Stug. Dehors le soir tombe mais il fait encore jour, je n'ai pas le courage de les rappeler à l'ordre. Je me sens soudainement très fatigué. Non, on ne s'en sortira pas, ce n'est pas possible. Les Soviétiques finiront bien par nous avoir. Je voulais ramener Tafner à sa mère, je voudrais ramener le gros Fritz, ses cuistots et ses jambons de l'autre côté de la ligne de front. Je voudrais sauver mes fidèles Julius et Volta. Mais pour aller où, même si nous traversons ce mur infranchissable de blindés russes et que nous rejoignons nos lignes, ça sera pour être sous les ordres d'un nouvel illuminé qui nous enverra de nouveau au front. Il ne faut pas croire à une permission, dans ces conditions c'est tout simplement impossible. Je quitte à mon tour le char, quelque part, j'espère qu'un Sturmovik apparaîtra et détruira une fois pour toute cette saloperie de Stug, je grimperai alors sur le tank, j'empoignerai la MG42 et je mourrai avec les honneurs, en me battant. Une main épaisse se pause sur mon épaule. Je me retourne, c'est Fritz. Son visage n'a pas son expression habituelle.
- Venez Oberleutnant. Venez, je vais préparer un bon repas et nous aurons le temps de réfléchir à tout ça. J'ai un petit schnaps "spécial baisse de moral".
Les larmes inondent mon visage. Il ne dit rien et m'entraîne discrètement vers son Kfz. Les autres discutent de tout et de rien vers les chars. Ils ne remarquent rien heureusement. Nous nous asseyons dans le transport de troupes. Kupferschmied sort sa bouteille, la vache du Cognac français, décidément. Il me tend un mouchoir propre.
- Vous avez une femme, des gosses Oberleutnant?
Je soupire un grand coup, ma famille. Je m'efforce de ne jamais y penser surtout dans des moments comme ça.
- J'ai une femme et deux enfants... une fille qui a 3 ans et maintenant un garçon âgé de 8 mois et que je n'ai pas encore vu. Ils habitent dans la région de Freiburg e. Brisgau dans la Forêt Noire.
Il me sert un grand verre de Cognac que j'écluse sec. Il me répond:
- Moi aussi j'ai une femme et des gosses. Deux garçons, 12 et 14 ans. Dans son dernier courrier ma femme me disait qu'on cherchait à les intégrer dans les jeunesses. J'espère qu'elle ne s'est pas laissée faire. Nos fous de dirigeants seraient bien capables de les envoyer nous rejoindre...
Nous restons un moment silencieux, il reprend:
- Vous savez Kowalski, je vous ai entendu parler avec votre gars là, Volta, lorsqu'il voulait éliminer les prisonniers russes.
Je le vois venir:
- Vous savez Volta n'est de loin pas un mauvais gars, c'est un type très bien dédoublé d'un excellent soldat. Simplement, il perd parfois un peu la notion du temps et des choses et il faut les lui rappeler de temps en temps. Nous sommes une équipe vous savez Kupferschmied, et c'est seulement grâce à cela que nous sommes ici pour le moment.
Fritz poursuit:
- Je sais tout cela Oberleutnant. Je vous ai entendu dire qu'ils nous fallaient nous accrocher pour ne pas sombrer dans la démence comme ce taré de Steinmetz. Et bien, si nous sommes là, c'est parce que vous êtes notre garde fou.
Il se lève et s'approche de moi. La suspension du Kfz ploie sous son poids. Il me fixe dans les yeux:
- Il ne faut pas que vous craquiez vous m'entendez Kowalski! Il en faut pas que vous craquiez, sinon nous allons effectivement tous crever...
L'espace d'un instant son regard m'a fait peur. Puis il redevient joyeux.
- Et maintenant nous allons d'abord manger quelque chose et ensuite nous allons rouler jusqu'au front et jusque-là, l'estomac plein vous aurez trouvé une solution pour rejoindre nos lignes.
Et sur ses bonnes paroles il quitte le Kfz d'un pas joyeux...
Lorsque nous retournons vers le théâtre de nos derniers tristes exploits, les véhicules ont été plus ou moins salis faute d'huile. Pas de problème pour le Stug et le Kfz dont le camouflage est gris, par contre pour le Panther et ses teintes brunes, c'est moins convaincant. Les corps de nos ex camarades de combats, ont été enterré un peu plus loin. Près du Kfz Fritz a sorti sa cuisine de campagne et le visage rayonnant de bonheur, il hume avec délectation une soupe. Il a de l'allure notre brave cuisinier avec son tablier blanc entourant sa taille. Il m'invite à goûter son breuvage. Une soupe au pois absolument excellente. Surpris de pouvoir déguster ce véritable nectar dans un endroit pareil, je lui demande quand même d'où il a tous ses ingrédients de cuisine et toute cette nourriture. D'un clin d'œil malicieux, il m'invite à venir jeter un oeil dans le Kfz. Jambons fumés, saucissons secs, biscuits, boîtes de soupes, d'ingrédients, de sel, de poivre, de farine, de sucre, de lait en poudre et même d'œufs soigneusement emballés dans des cartons isolés et protégés des chocs défilent devant mes yeux ébahis. Et quand il retire du dessous du banc de bois, quatre caisses de bière, je commence de rire, mais d'où sort-il tout cela cet énergumène de Kupferschmied. Il reste tout juste de la place pour les quatre occupants qui doivent se glisser entre les éléments de la cuisine de campagne et toute cette boustifaille pour rejoindre leur poste. Et tout cela en plein territoire ennemi.
- Kupferschmied, vous êtes incroyable. Je ne vous oblige pas à me dire d'où vous avez toute cette nourriture, mais je serais quand même bien curieux de le savoir.
Il a un petit rire, aigu, vous savez comme les gros joviaux en ont tous un (Sergent Schultz). Un rire heureux, qui ressemble à un gloussement qui fait trembler son double menton et briller ses petits yeux porcins.
- Vous savez Oberleutnant, nos généraux aiment bien les petites choses raffinées, alors ils ont toujours une réserve personnelle qui les suit. Après quand ces généraux meurent ou disparaissent et bien il faut bien que le bon caporal de cuisine Kupferschmied s'occupe de protéger toute cette bonne nourriture afin d'éviter qu'elle ne tombe en mains communistes!
Il me fait un clin d'œil.
Mouai, je serais plus enclin à croire que notre bon camarade a tout simplement piqué le contenu d'un wagon de nourriture effectivement destiné à un de nos pontes. Mais bon, l'odeur de soupe alléchante et le long saucisson qu'il vient de sortir accompagné d'une grosse miche de pain, m'enlève toute velléité de lui faire des reproches. Faut voir la tête de Volta, de Julius, de Tafner et de ces trois gars d'équipage quand Kupferschmied, au moyen d'un gros couteau de cuisine effilé comme un rasoir, tranche le saucisson sur la grosse planche. Volta est le premier à retrouver la parole:
- Oh merde alors, mais t'es un Dieu Fritz. Et dire que ce salaud de Steinmetz voulait t'écraser sous son Tigre.
A ce souvenir, le gros cuisinier grimace.
Dans l'attente, nous mangeons avec bon appétit. Cela faisait longtemps que l'on avait plus pris un si bon repas. Le tout fut conclu avec une bonne bière. Le moral était au beau fixe. Le soir tombait doucement sur notre position. Il fallait y aller. Je me lève presque à regret.
- Bon les gars, va falloir qu'on roule. Pour les chauffeurs, on tournera sur un filet de gaz question d'être le plus économe possible avec le carburant. Nous nous mettrons sur le canal 8 pour communiquer entre-nous. Kupferschmied, votre véhicule a encore une radio.
Il approuve de la tête.
- Bien, Julius, et notre radio, le fusible? Réparé?
Il hausse les épaules.
- Le fusible a été changé et il a l'air de tenir. Maintenant, on va voir à l'usage.
- Parfait. Bien Messieurs, silence radio complet pendant le voyage. Au moindre truc suspect on s'annonce et on s'immobilise. Je vous donnerais les caps au fur et à mesure des changements. N'attendant pas la fin de la donnée d'ordre, Kupferschmied et son équipe ont prestement rangé tout le matériel.
- Alors si tout le monde a terminé. En avant.
Trois minutes plus tard, les moteurs tournant au ralenti, nous quittons le secteur laissant derrière nous le Tigre de Steinmetz et les tombes.
Après avoir longé la berge de la petite rivière où nous nous sommes baignés le matin même, nous retrouvons la route traversant la forêt et puis enfin, alors que le disque solaire a presque disparu à l'horizon. Nous nous engageons dans les grandes plaines. Le vent froid du Nord, la fameuse bise noire, gifle par bourrasque mon visage. Les trois véhicules avancent décalés latéralement de quelques dizaines de mètres. Je peux encore voir Tafner, qui ses jumelles à la main, observe l'horizon. Du côté du Kfz, point d'observateur, notre ami bavarois fait confiance aux deux équipages de chars. Nous roulons ainsi plusieurs heures avant que je ne décrète une pause. Une fois les moteurs arrêtés, seuls dans la nuit nous entendons le vent siffler dans les structures de nos chars. Fritz a confectionné de gros sandwichs avec le reste de pain et de saucisson, et un de ses hommes nous sert du café. Tout en mâchouillant son Volta me donne un petit coup sur l'épaule:
- T'as vu là bas!
Très loin à l'horizon, il y a de temps en temps un flash qui illumine la nuit.
- Tir d'artillerie! On se bat là-bas. Qu'est-ce qu'on fait?
Ma décision est prise. On ne va pas continuer de se balader comme ça derrière les lignes ennemies indéfiniment.
- Allez hop tous à vos chars, c'est là bas qu'on va!
Nous nous remettons en route. Cette fois nous avons enfin un but. Il est dur de ne pas augmenter la cadence, mais il faut résister. Par radio, je m'inquiète de la consommation du Panther de Tafner.
- Alors Tafner, où en est votre réserve?
M'est avis qu'il doit avoir les yeux rivés sur sa jauge à carburant le Tafner, car il me répond instantanément:
- Minimum huit heures, peut-être dix...
Sans un mot de plus, nous poursuivons en direction des tirs d'artillerie. Au fils des heures, ceux-ci deviennent plus distincts. Là bas à l'Est, le soleil se lève. Va falloir bientôt nous arrêter. Encore une demie-heure et je donne l'ordre nous arrêter. Les trois véhicules s'immobilisent. Le ronronnement du moteur fait place au vent et à la poussière qui s'infiltre par les meurtrières dans nos chars. Après avoir bâché leur Kfz, Fritz et ses trois camarades ont rejoint nos chars. Prétextant un manque de place dans le Stug, j'ai "attribué" Fritz au Panther de Tafner. Je rigole doucement à la vue de Tafner la tête toute rouge, entrain d'aider Kupferschmied à passer par l'écoutille dans son tank. Nous récupérons deux des aides de cuisine qui heureusement sont moins imposants que leur chef. Julius le doigt en l'air leur donne les prescriptions d'usage:
- On ne retire pas ses chaussures, on ne pète pas, on ne lève pas ses bras et on évite de parler si on a l'haleine lourde! Et surtout vous ne touchez à rien dans l'habitacle!
- Le plus jeune des jeunes n'a pas l'air plus impressionné que ça:
- On peut quand même s'asseoir non?
Et il poncture sa phrase d'un pet bruyant qui résonne comme dans une vieille chaudière dans le tank. Ca promet.
M'efforçant de rester sérieux, je demande par radio à Tafner comme ça se passe chez eux.
Il répond en maugréant:
- Ca va, je l'ai placé à côté du poste de conducteur. Il nous faudra l'enduire de saindoux et un Ferdinand pour le treuiller dehors...
Dans le Stug, malgré la chaleur qui commence de taper sur la structure d'acier, c'est l'hilarité générale.
Comme nous Tafner a descendu le canon vers le sol, comme si nos tanks étaient inopérationnels.
Et les heures s'égrènent lentement dans une chaleur étouffante. Malgré les prescriptions de Julius nous avons tous retirés nos vestes et nos chemises.
Midi...
Quatorze heures...
Le premier à les entendre c'est Volta.
Il se redresse sur son siège de pilote et tend l'oreille:
- Vous entendez?
Julius, amorphe, est avachi dans le fond du char. La trappe de secours a été ouverte pour permettre au peu de vent qui souffle de faire un léger courant d'air.
- Nan j'entends rien...
Moi par contre, je commence de percevoir un bruit pas rassurant du tout. Des chars, et pas rien qu'un. Je me lève et je jette un oeil par les meurtrières latérales, rien je vois rien. Le bruit est plus présent. Julius s'est également redressé sur son séant. Il murmure:
- T34... non... IS2... enfin il me semble...
Nous ne voyons rien à l'arrière. J'hésite à informer Tafner, mais j'ai peur d'être repéré si on nous écoute sur les ondes. Je regarde vers le Panther. Ils doivent avoir entendu. Pourvu qu'il ne fasse pas une connerie. Je commence de regretter ma décision de rester immobile la journée. Nous n'avons pas encore vu un seul avion. Maintenant, les équipages de chars ennemis doivent nous voir. Ils sont à moins de trois cents mètres. Ca y est, je vois le premier, un IS2 qui passe à droite du Panther de Tafner. Le commandant russe surmonte sa tourelle et regarde nos deux tanks, mais il ne s'arrête pas. D'autres chars passent à leur tour. Des T34, des KV2, des IS2, c'est impressionnant. Pourtant aucun ne semble s'intéresser à nous. C'est à peine si le commandant d'un T34 ralenti en arrivant à notre hauteur et regarde dans notre direction. Nous sommes recroquevillés au fond du Stug. A chaque passage à moins de cinquante mètres de notre Stug, le planché en tôle vibre. Ce manège va ainsi durer plus de deux heures. Deux heures d'angoisses. Mais notre ruse semble avoir bien fonctionnée et alors que le soleil commence de descendre vers l'horizon les dernières colonnes blindées s'efface au loin dans la steppe. Le premier à prendre la parole est un des cuisiniers.
- C'est bien joli tout ça... et comment va-t-on traverser tout ça lorsqu'on aura rejoint le front.
Il a raison le cuistot comme rejoindre nos lignes. Je suis découragé. En trois heures de temps, ce ne sont pas des centaines, mais des milliers de blindés qui faisaient route vers le Sud Ouest. Cette fois c'est bien fini. On le disait souvent, entre-nous comme ça avec un infime espoir au fond du cœur que tout s'arrêterait avant. Que nous pourrions enfin rentrer chez nous. Non pas que la guerre se poursuive avec les fameuses nouvelles armes dont nous abreuve Goebbels et sa clique dans leurs discours de propagande, mais qu'une solution pour un traité de paix ou une espèce d'arrangement avec les alliés mettrait une fin à tout ça. Je réalise qu'il n'y aura rien de tout ça, que tout s'arrêtera quand les Russes, les Américains et les Anglais piétineront les ruines de Berlin. Et puis pour nous, cela fait trop longtemps que notre ange gardien veille sur nous, après avoir passé au travers des combats et survécu depuis maintenant bientôt trois ans, nous avons failli y passer à Fatezh, le bombardement, le char enlisé et maintenant les tanks russes à quelques mètres de notre Stug. Ca ne peut pas durer. Pendant que je cultive mes sombres pensées, les cuistots n'en pouvant plus ont quitté le Stug. Dehors le soir tombe mais il fait encore jour, je n'ai pas le courage de les rappeler à l'ordre. Je me sens soudainement très fatigué. Non, on ne s'en sortira pas, ce n'est pas possible. Les Soviétiques finiront bien par nous avoir. Je voulais ramener Tafner à sa mère, je voudrais ramener le gros Fritz, ses cuistots et ses jambons de l'autre côté de la ligne de front. Je voudrais sauver mes fidèles Julius et Volta. Mais pour aller où, même si nous traversons ce mur infranchissable de blindés russes et que nous rejoignons nos lignes, ça sera pour être sous les ordres d'un nouvel illuminé qui nous enverra de nouveau au front. Il ne faut pas croire à une permission, dans ces conditions c'est tout simplement impossible. Je quitte à mon tour le char, quelque part, j'espère qu'un Sturmovik apparaîtra et détruira une fois pour toute cette saloperie de Stug, je grimperai alors sur le tank, j'empoignerai la MG42 et je mourrai avec les honneurs, en me battant. Une main épaisse se pause sur mon épaule. Je me retourne, c'est Fritz. Son visage n'a pas son expression habituelle.
- Venez Oberleutnant. Venez, je vais préparer un bon repas et nous aurons le temps de réfléchir à tout ça. J'ai un petit schnaps "spécial baisse de moral".
Les larmes inondent mon visage. Il ne dit rien et m'entraîne discrètement vers son Kfz. Les autres discutent de tout et de rien vers les chars. Ils ne remarquent rien heureusement. Nous nous asseyons dans le transport de troupes. Kupferschmied sort sa bouteille, la vache du Cognac français, décidément. Il me tend un mouchoir propre.
- Vous avez une femme, des gosses Oberleutnant?
Je soupire un grand coup, ma famille. Je m'efforce de ne jamais y penser surtout dans des moments comme ça.
- J'ai une femme et deux enfants... une fille qui a 3 ans et maintenant un garçon âgé de 8 mois et que je n'ai pas encore vu. Ils habitent dans la région de Freiburg e. Brisgau dans la Forêt Noire.
Il me sert un grand verre de Cognac que j'écluse sec. Il me répond:
- Moi aussi j'ai une femme et des gosses. Deux garçons, 12 et 14 ans. Dans son dernier courrier ma femme me disait qu'on cherchait à les intégrer dans les jeunesses. J'espère qu'elle ne s'est pas laissée faire. Nos fous de dirigeants seraient bien capables de les envoyer nous rejoindre...
Nous restons un moment silencieux, il reprend:
- Vous savez Kowalski, je vous ai entendu parler avec votre gars là, Volta, lorsqu'il voulait éliminer les prisonniers russes.
Je le vois venir:
- Vous savez Volta n'est de loin pas un mauvais gars, c'est un type très bien dédoublé d'un excellent soldat. Simplement, il perd parfois un peu la notion du temps et des choses et il faut les lui rappeler de temps en temps. Nous sommes une équipe vous savez Kupferschmied, et c'est seulement grâce à cela que nous sommes ici pour le moment.
Fritz poursuit:
- Je sais tout cela Oberleutnant. Je vous ai entendu dire qu'ils nous fallaient nous accrocher pour ne pas sombrer dans la démence comme ce taré de Steinmetz. Et bien, si nous sommes là, c'est parce que vous êtes notre garde fou.
Il se lève et s'approche de moi. La suspension du Kfz ploie sous son poids. Il me fixe dans les yeux:
- Il ne faut pas que vous craquiez vous m'entendez Kowalski! Il en faut pas que vous craquiez, sinon nous allons effectivement tous crever...
L'espace d'un instant son regard m'a fait peur. Puis il redevient joyeux.
- Et maintenant nous allons d'abord manger quelque chose et ensuite nous allons rouler jusqu'au front et jusque-là, l'estomac plein vous aurez trouvé une solution pour rejoindre nos lignes.
Et sur ses bonnes paroles il quitte le Kfz d'un pas joyeux...
615sqn_Harry- Wing Commander
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Date d'inscription : 26/10/2005
Re: Un Stug pour la liberté
J'avale d'un coup le Cognac qui me brûle la gorge.
- Vous avez raison Caporal, je ne sais pas combien de temps je tiendrais encore, mais on y va.
Je sors du Kfz et je me rends à proximité du Panther de Tafner. Il est tendu, car il sait que si dans quelques heures nous n'avons pas rejoint le front, il devra abandonner son char. Je fais semblant de rien et donne les dernières prescriptions. Dix mètres entre chaque char et pas de communications radio, sauf en cas d'urgence. Sans un mot, tout le monde rejoint son véhicule. Les moteurs démarrent et nous nous remettons en route dans le crépuscule. Au fil des heures, le bruit de la canonnade se rapproche. La voix de Tafner résonne dans mes écouteurs.
- Je suis sur la réserve. Dans une heure, je serais à court de carburant...
Je ne réponds rien. A quoi bon de toute façon ! Devant nous, une nouvelle colline se dresse. Je m'adresse aux autres.
- Sur la colline on s'arrête pour faire le point.
Le combat ne doit pas être très loin. Des flèches de feu sinistres, lèchent le ciel de la nuit. Orgues de Staline. Lorsque nous arrivons sur le haut du monticule, Volta arrête le moteur. Le spectacle qui s'offre à nos yeux est tout simplement hallucinant. Des centaines de Katusha envoient leurs fusées d'enfer vers la ligne de front. Des tirs d'artilleries lourdes s'en mêlent. On devine sous la lune le long serpent d'argent d'une rivière. Illuminés alternativement par les explosions on devine des chars en mouvement, ils convergent vers plusieurs ponts. Ca et là, il y a de petites taches agressives oranges provoquées par le tir des canons de 76, de 85 ou de 122 russes. D'autres tirants plus sur le jaune pâle, émanent de canons allemands. La plaine est parsemée de véhicules incendiés. J'ai quitté mon tank et je contemple, fasciné, ce ballet de feu, de fer rougi et de fumée âcre. Julius, content de respirer un peu d'air frais m'a rejoint. Tafner aussi et puis les autres. Des relents de caoutchouc brûlé, de souffre et de cordite remonte depuis cette vallée de l'enfer. Je m'adresse à Tafner.
- On dirait que vous allez sauver votre Panther Tafner. Faut juste que l'on trouve le moyen de traverser ce pont au nez et à la barbe d'Ivan.
Railleur, Volta répond à sa place.
- Le pont... si ce n'était que ce pont à traverser. Mais avant il faudra passer au milieu des Katusha, des T34 et des petits hommes à casaques vertes et étoiles vermeilles. Ensuite, lorsque nous aurons franchit le pont, rejoindre nos lignes sans faire canarder par notre propre armée. Ca fait quand même un sérieux paquet de probabilités. C'est un ange gardien qu'il nous faudra, mais l'escadrille de la Garde à St-Pierre au complet...
Il a raison mon chauffeur de Stug. Mais nous n'avons pas le choix, ça sera pour cette nuit.
S'il y en a un qui n'en mène pas large, c'est bien Kupferschmied.
- Traverser ça en char passe encore, on peut confondre avec un tank russe. Mais avec notre véhicule chenillé, jamais les Russes ne se laisseront berner.
Je lui propose d'abandonner son Kfz et de prendre place avec les deux cuisiniers dans nos chars. Il refuse catégoriquement.
- Quoi, vous ne voudriez quand même pas abandonner toute cette bonne nourriture aux communistes Oberleutnant. Et puis, si je dois mourir, je préfère avoir le regard tourné vers les étoiles que rôti comme poulet dans votre boîte de conserve...
Tafner me fait un petit signe pour que je le rejoigne près de son Panther.
- Dites-moi Oberleutnant... admettons que nous passions au travers ce merdier, que les nôtres ne nous envoient pas une salve de 88 en guise d'accueil... qu'est-ce qu'on va leur donner comme explication? On fait quand même un drôle d'équipage avec nos cuistots et leur Kfz rempli de boustifaille. Si de l'autre côté on tombe sur un SS colérique, il va y avoir des questions gênantes. On risque de vous accuser de lâcheté. Je... je suis bien placé pour connaître les méthodes des officiers de la SS, surtout depuis la chute de Stalingrad, ils sont comme devenus fous.
Il a raison Tafner. Je n'avais jamais pensé à cela. Ca ne serait pas la première fois qu'on envoie au poteau d'exécution un officier pour des futilités. Je le regarde mon subordonné avec son col décousu et son calot de la Heer.
- Et vous Tafner... comment expliquerez-vous l'absence de vos marques SS?
Il fume nerveusement le gamin.
- J'y ai pensé Oberleutnant. J'y ai pensé... j'ai gardé la veste de Steinmetz. Je n'aurais qu'a y retirer les galons... et j'expliquerai que j'ai dû me changer en cours de route.
Il rougit.
- Je suis désolé, mais je préfère mettre un maximum d'atouts de mon côté.
J'écrase ma cigarette.
- Pas grave Tafner, je comprends votre décision. Et vos hommes? On en a pratiquement jamais parlé... ils sont fiables?
Il ricane.
- Vous voulez rire. Après l'épisode avec Steinmetz, ils sont morts de trouille. On en a parlé dans le char hier pendant qu'on attendait. Ils seront muets comme des carpes. De toute façon, s'ils nous dénoncent, ils seront accusés de trahison pour ne pas avoir réagi. Aucun risque de ce côté.
Julius nous rejoint.
- Dites-donc les gars, je suis désolé d'interrompre vos messes basses, mais il est 04h00 du matin, si on veut arriver avant le lever du jour chez nous, faudrait voir pour bouger vous ne croyez pas?
Il y a, à peine quelques semaines, Tafner aurait succombé d'une apoplexie devant un tel sans gêne, aujourd'hui, c'est à peine s'il bronche en secouant la tête de dépit.
Je donne les dernières instructions, il faut y aller au culot. Plus c'est gros, moins les Russes y croiront. Nous passerons donc au milieu des orgues de Staline. Ensuite, on rejoindra les IS2 devant le pont que nous franchirons au milieu des T34. D'un geste souple, Tafner et son équipage sautent dans leur tank. Kupferschmied, blanc comme un linge prend place derrière la MG34 qui surplombe son Kfz Dans le Stug, Volta est derrière ses commandes et grommelles des trucs incompréhensibles qui ressemblent à tout sauf à une prière. Julius a pris position à côté du 75 et méthodique, vérifie son équipement. Les moteurs démarrent et les trois véhicules s'ébrouent. Nous descendons la colline à un régime moyen comme si nous nous déplacions vers un secteur d'attente. Le cœur battant, je vois devant les Katusha plusieurs bataillons d'infanterie qui attendent dans des tranchées baïonnette au canon, prêt à la charge. Volta manœuvre adroitement le Stug entre les positions russes. Dans la nuit je sens leur regard inquisiteur sur ces deux chars et ce véhicule chenillé venant de nul part. Je surplombe ma tourelle, écouteurs sur les oreilles comme si de rien n'était. Derrière moi, Tafner fait de même, debout se tenant fièrement dans sa tourelle, il inspire confiance. Pourvu que le Kfz passe sans encombre. Nous arrivons enfin aux premiers Katusha, je demande à Volta de faire un écart et de ne pas trop s'approcher d'eux. En effet, le feu des départs de roquettes, illumine la plaine comme en plein jour. Il nous faut pourtant bien traverser à une place. Volta se décide enfin et passe à moins de 50 mètres du premier orgue de Staline. Derrière ça suite toujours. Les Soviétiques ne réagissent toujours pas. Pourtant le départ d'un salve éclaire le Panther de Tafner et je peux clairement apercevoir la Balken Kreuz sur son flanc. Je suis livide, malgré la fraîcheur de la nuit, la sueur coule sur mes tempes, entre mes omoplates. Je suis pris de frissons. A ma droite, je peux apercevoir une vingtaine de T34 qui attendent l'ordre d'avancer. Un peu plus loin la silhouette sinistre de plusieurs KV2 déséquilibrés par leur lourd canon se dandinent vers le pont. Je demande à Julius de passer sur le canal général et j'essaie de ne pas hurler dans le micro.
- En avant plein gaz les gars et que Dieu nous protège!
Le Panther de Tafner fait un bon en avant. L'énorme Maybach rugit dans la nuit couvrant les grincements caractéristiques des tanks russes. Devant nous, deux T34 sont immobilisés devant le pont à moins de 200 mètres. Mon âme de chasseur me submerge. J'intègre l'habitacle du Stug. Avant de prendre ma place au poste de tir, j'interpelle Tafner :
- On va leur montrer comment se bat la meilleure armée du monde Tafner. Ensuite quand la place est dégagée, on traverse se foutu pont! Kupferschmied foncez directement dessus. Pour les autres... FEU LIBRE!
Le cuisinier ne me répond pas, je ne sais pas où il est. A partir de cet instant, c'est chacun pour soit. Seules la synchronisation, la complicité et la rapidité entre les hommes d'un équipage de char permettent de faire la différence. Je n'ai aucun réponse aucune remarque. Ni de Tafner, ni de mes deux camarades, normalement pas avares de remarques acerbes. Volta a placé le Stug juste derrière les deux chars russes qui apparaissent à chaque envolée de roquettes. Le viseur du 75 est calé sur le cul du premier T34. En seul coup, le blindés soviétique est pulvérisé. L'autre T34 ne bouge pas, ils doivent penser qu'il a été victime d'un coup direct de l'artillerie qui pilonne le secteur devant le pont. Je pose la mire de mon viseur sur le second tank, à côté de moi, suant comme un bœuf, Julius a déjà chargé le canon. Il tient sur ses genoux un lourd obus de 75. Boum! Le T34 explose avant que je ne tire. C'est Tafner qui vient d'entrer dans la danse. Incroyable, les Russes ne bougent toujours pas. Alors que derrière moi, le Panther aligne les KV2 les uns après les autres, nous fonçons vers le pont. Un obus percute le sol non loin du Stug. Ca y est, Ivan réalise enfin qu'il y a des loups dans la bergerie. J'hurle dans le micro.
- Tafner rompez le combat! En avant toute vers le pont!
Les Russes ont dû comprendre notre intention, car il y a un petit véhicule blindé qui se met en travers de notre route devant le pont. Le fou! Le 75 tonne et le blindé léger fait un bon d'au moins cinq mètres avant de rebondir sur le sol en laissant une traînée d'essence enflammée. Entre les deux T34 éventrés qui brûlent de plus belle et ce nouveau foyer, le secteur commence d'être éclairé. Un nouvel impact tombe non loin de nous. Mais notre char file comme le vent et malgré la lumière, les ombres empêchent les artilleurs de nous ajuster comme il faut. Encore 50 mètres et le pont est à nous. Tout en mâchouillant son mégot, les yeux rivés sur sa meurtrière, évitant les obstacles adroitement, Volta se rapproche du salut. Le crépitement sinistre de plusieurs balles contre la superstructure du tank, me fait sursauter. Volta grogne dans son micro.
- Y a un putain de barrage avec au moins deux canons antichars sur le pont!
Je le vois, et j'ai déjà placé le viseur sur la première pièce que les artilleurs s'empressent de manœuvrer contre nous. Nouveau coup au but du 75. Maintenant la partie sera beaucoup plus difficile car si nous continuons de rouler, nous serons sur la deuxième pièce avant d'avoir pu tirer, ce qui implique dont un arrêt et donc une cible facile pour la vingtaine de canons qui doivent nous avoir dans le système de visée. Jurant comme pattier, Volta bloque d'un coup les freins:
- Allez-y... vite et ne loupez pas.
Mais le freinage intempestif de Volta m'empêche d'ajuster aussi rapidement la cible car le Stug tangue d'avant en arrière. Volta s'impatiente:
- Tu y fous ton coup de canon Nom de Dieu, allez vite...
J'ai un goût amer dans la bouche, le goût de la peur.
- T'as gueule bordel, t'aurais pu t'arrêter moins brutalement espèce d'abruti.
Pendant que nous échangeons un chapelet d'injures, fébrilement j'ajuste le 75 sur la pièce antichar. Je peux nettement voir le servant l'œil vissé à sa lunette de visée, tourner les deux petites manivelles de son 37. Le souffle court, je place le centre de mon périscope de visée sur l'objectif, Instinctivement, j'ai déclenché la mise à feu. Sur le pont, c'est un geyser de sable et de corps humains qui voltigent dans les airs. Le canon est toujours intact, mais le servant est affalé sur son petit siège. Volta n'a pas attendu mon ordre pour démarrer. Les gaz en grand, il s'est engagé sur le pont. Pourvu qu'il ne soit pas miné! J'entends un bruit de moteur derrière moi, je regarde par la meurtrière arrière, je suis stupéfait de voir que c'est le Kfz des cuisiniers, Kupferschmied est toujours arque bouté derrière sa MG. Je cherche du regard le Panther de Tafner, mais je ne le vois pas. Dans mes écouteurs, la voix de Volta résonne à nouveau. rageuse:
- Merde! Y a deux imbéciles qui veulent jouer aux héros!
Effectivement, alors que nous sommes en plein centre du pont maintenant illuminé comme un sapin de Noël par l'incendie que nous avons déclenché quelques minutes auparavant, je peux apercevoir deux soldats russes ayant réchappé au massacre, ramper vers le canon antichar. Volta jure entre ses dents:
- On y arrivera pas! Faut que quelqu'un manœuvre la MG la haut. Sinon on va être transformé en chaleur et lumière dans moins de 10 secondes.
...
- Vous avez raison Caporal, je ne sais pas combien de temps je tiendrais encore, mais on y va.
Je sors du Kfz et je me rends à proximité du Panther de Tafner. Il est tendu, car il sait que si dans quelques heures nous n'avons pas rejoint le front, il devra abandonner son char. Je fais semblant de rien et donne les dernières prescriptions. Dix mètres entre chaque char et pas de communications radio, sauf en cas d'urgence. Sans un mot, tout le monde rejoint son véhicule. Les moteurs démarrent et nous nous remettons en route dans le crépuscule. Au fil des heures, le bruit de la canonnade se rapproche. La voix de Tafner résonne dans mes écouteurs.
- Je suis sur la réserve. Dans une heure, je serais à court de carburant...
Je ne réponds rien. A quoi bon de toute façon ! Devant nous, une nouvelle colline se dresse. Je m'adresse aux autres.
- Sur la colline on s'arrête pour faire le point.
Le combat ne doit pas être très loin. Des flèches de feu sinistres, lèchent le ciel de la nuit. Orgues de Staline. Lorsque nous arrivons sur le haut du monticule, Volta arrête le moteur. Le spectacle qui s'offre à nos yeux est tout simplement hallucinant. Des centaines de Katusha envoient leurs fusées d'enfer vers la ligne de front. Des tirs d'artilleries lourdes s'en mêlent. On devine sous la lune le long serpent d'argent d'une rivière. Illuminés alternativement par les explosions on devine des chars en mouvement, ils convergent vers plusieurs ponts. Ca et là, il y a de petites taches agressives oranges provoquées par le tir des canons de 76, de 85 ou de 122 russes. D'autres tirants plus sur le jaune pâle, émanent de canons allemands. La plaine est parsemée de véhicules incendiés. J'ai quitté mon tank et je contemple, fasciné, ce ballet de feu, de fer rougi et de fumée âcre. Julius, content de respirer un peu d'air frais m'a rejoint. Tafner aussi et puis les autres. Des relents de caoutchouc brûlé, de souffre et de cordite remonte depuis cette vallée de l'enfer. Je m'adresse à Tafner.
- On dirait que vous allez sauver votre Panther Tafner. Faut juste que l'on trouve le moyen de traverser ce pont au nez et à la barbe d'Ivan.
Railleur, Volta répond à sa place.
- Le pont... si ce n'était que ce pont à traverser. Mais avant il faudra passer au milieu des Katusha, des T34 et des petits hommes à casaques vertes et étoiles vermeilles. Ensuite, lorsque nous aurons franchit le pont, rejoindre nos lignes sans faire canarder par notre propre armée. Ca fait quand même un sérieux paquet de probabilités. C'est un ange gardien qu'il nous faudra, mais l'escadrille de la Garde à St-Pierre au complet...
Il a raison mon chauffeur de Stug. Mais nous n'avons pas le choix, ça sera pour cette nuit.
S'il y en a un qui n'en mène pas large, c'est bien Kupferschmied.
- Traverser ça en char passe encore, on peut confondre avec un tank russe. Mais avec notre véhicule chenillé, jamais les Russes ne se laisseront berner.
Je lui propose d'abandonner son Kfz et de prendre place avec les deux cuisiniers dans nos chars. Il refuse catégoriquement.
- Quoi, vous ne voudriez quand même pas abandonner toute cette bonne nourriture aux communistes Oberleutnant. Et puis, si je dois mourir, je préfère avoir le regard tourné vers les étoiles que rôti comme poulet dans votre boîte de conserve...
Tafner me fait un petit signe pour que je le rejoigne près de son Panther.
- Dites-moi Oberleutnant... admettons que nous passions au travers ce merdier, que les nôtres ne nous envoient pas une salve de 88 en guise d'accueil... qu'est-ce qu'on va leur donner comme explication? On fait quand même un drôle d'équipage avec nos cuistots et leur Kfz rempli de boustifaille. Si de l'autre côté on tombe sur un SS colérique, il va y avoir des questions gênantes. On risque de vous accuser de lâcheté. Je... je suis bien placé pour connaître les méthodes des officiers de la SS, surtout depuis la chute de Stalingrad, ils sont comme devenus fous.
Il a raison Tafner. Je n'avais jamais pensé à cela. Ca ne serait pas la première fois qu'on envoie au poteau d'exécution un officier pour des futilités. Je le regarde mon subordonné avec son col décousu et son calot de la Heer.
- Et vous Tafner... comment expliquerez-vous l'absence de vos marques SS?
Il fume nerveusement le gamin.
- J'y ai pensé Oberleutnant. J'y ai pensé... j'ai gardé la veste de Steinmetz. Je n'aurais qu'a y retirer les galons... et j'expliquerai que j'ai dû me changer en cours de route.
Il rougit.
- Je suis désolé, mais je préfère mettre un maximum d'atouts de mon côté.
J'écrase ma cigarette.
- Pas grave Tafner, je comprends votre décision. Et vos hommes? On en a pratiquement jamais parlé... ils sont fiables?
Il ricane.
- Vous voulez rire. Après l'épisode avec Steinmetz, ils sont morts de trouille. On en a parlé dans le char hier pendant qu'on attendait. Ils seront muets comme des carpes. De toute façon, s'ils nous dénoncent, ils seront accusés de trahison pour ne pas avoir réagi. Aucun risque de ce côté.
Julius nous rejoint.
- Dites-donc les gars, je suis désolé d'interrompre vos messes basses, mais il est 04h00 du matin, si on veut arriver avant le lever du jour chez nous, faudrait voir pour bouger vous ne croyez pas?
Il y a, à peine quelques semaines, Tafner aurait succombé d'une apoplexie devant un tel sans gêne, aujourd'hui, c'est à peine s'il bronche en secouant la tête de dépit.
Je donne les dernières instructions, il faut y aller au culot. Plus c'est gros, moins les Russes y croiront. Nous passerons donc au milieu des orgues de Staline. Ensuite, on rejoindra les IS2 devant le pont que nous franchirons au milieu des T34. D'un geste souple, Tafner et son équipage sautent dans leur tank. Kupferschmied, blanc comme un linge prend place derrière la MG34 qui surplombe son Kfz Dans le Stug, Volta est derrière ses commandes et grommelles des trucs incompréhensibles qui ressemblent à tout sauf à une prière. Julius a pris position à côté du 75 et méthodique, vérifie son équipement. Les moteurs démarrent et les trois véhicules s'ébrouent. Nous descendons la colline à un régime moyen comme si nous nous déplacions vers un secteur d'attente. Le cœur battant, je vois devant les Katusha plusieurs bataillons d'infanterie qui attendent dans des tranchées baïonnette au canon, prêt à la charge. Volta manœuvre adroitement le Stug entre les positions russes. Dans la nuit je sens leur regard inquisiteur sur ces deux chars et ce véhicule chenillé venant de nul part. Je surplombe ma tourelle, écouteurs sur les oreilles comme si de rien n'était. Derrière moi, Tafner fait de même, debout se tenant fièrement dans sa tourelle, il inspire confiance. Pourvu que le Kfz passe sans encombre. Nous arrivons enfin aux premiers Katusha, je demande à Volta de faire un écart et de ne pas trop s'approcher d'eux. En effet, le feu des départs de roquettes, illumine la plaine comme en plein jour. Il nous faut pourtant bien traverser à une place. Volta se décide enfin et passe à moins de 50 mètres du premier orgue de Staline. Derrière ça suite toujours. Les Soviétiques ne réagissent toujours pas. Pourtant le départ d'un salve éclaire le Panther de Tafner et je peux clairement apercevoir la Balken Kreuz sur son flanc. Je suis livide, malgré la fraîcheur de la nuit, la sueur coule sur mes tempes, entre mes omoplates. Je suis pris de frissons. A ma droite, je peux apercevoir une vingtaine de T34 qui attendent l'ordre d'avancer. Un peu plus loin la silhouette sinistre de plusieurs KV2 déséquilibrés par leur lourd canon se dandinent vers le pont. Je demande à Julius de passer sur le canal général et j'essaie de ne pas hurler dans le micro.
- En avant plein gaz les gars et que Dieu nous protège!
Le Panther de Tafner fait un bon en avant. L'énorme Maybach rugit dans la nuit couvrant les grincements caractéristiques des tanks russes. Devant nous, deux T34 sont immobilisés devant le pont à moins de 200 mètres. Mon âme de chasseur me submerge. J'intègre l'habitacle du Stug. Avant de prendre ma place au poste de tir, j'interpelle Tafner :
- On va leur montrer comment se bat la meilleure armée du monde Tafner. Ensuite quand la place est dégagée, on traverse se foutu pont! Kupferschmied foncez directement dessus. Pour les autres... FEU LIBRE!
Le cuisinier ne me répond pas, je ne sais pas où il est. A partir de cet instant, c'est chacun pour soit. Seules la synchronisation, la complicité et la rapidité entre les hommes d'un équipage de char permettent de faire la différence. Je n'ai aucun réponse aucune remarque. Ni de Tafner, ni de mes deux camarades, normalement pas avares de remarques acerbes. Volta a placé le Stug juste derrière les deux chars russes qui apparaissent à chaque envolée de roquettes. Le viseur du 75 est calé sur le cul du premier T34. En seul coup, le blindés soviétique est pulvérisé. L'autre T34 ne bouge pas, ils doivent penser qu'il a été victime d'un coup direct de l'artillerie qui pilonne le secteur devant le pont. Je pose la mire de mon viseur sur le second tank, à côté de moi, suant comme un bœuf, Julius a déjà chargé le canon. Il tient sur ses genoux un lourd obus de 75. Boum! Le T34 explose avant que je ne tire. C'est Tafner qui vient d'entrer dans la danse. Incroyable, les Russes ne bougent toujours pas. Alors que derrière moi, le Panther aligne les KV2 les uns après les autres, nous fonçons vers le pont. Un obus percute le sol non loin du Stug. Ca y est, Ivan réalise enfin qu'il y a des loups dans la bergerie. J'hurle dans le micro.
- Tafner rompez le combat! En avant toute vers le pont!
Les Russes ont dû comprendre notre intention, car il y a un petit véhicule blindé qui se met en travers de notre route devant le pont. Le fou! Le 75 tonne et le blindé léger fait un bon d'au moins cinq mètres avant de rebondir sur le sol en laissant une traînée d'essence enflammée. Entre les deux T34 éventrés qui brûlent de plus belle et ce nouveau foyer, le secteur commence d'être éclairé. Un nouvel impact tombe non loin de nous. Mais notre char file comme le vent et malgré la lumière, les ombres empêchent les artilleurs de nous ajuster comme il faut. Encore 50 mètres et le pont est à nous. Tout en mâchouillant son mégot, les yeux rivés sur sa meurtrière, évitant les obstacles adroitement, Volta se rapproche du salut. Le crépitement sinistre de plusieurs balles contre la superstructure du tank, me fait sursauter. Volta grogne dans son micro.
- Y a un putain de barrage avec au moins deux canons antichars sur le pont!
Je le vois, et j'ai déjà placé le viseur sur la première pièce que les artilleurs s'empressent de manœuvrer contre nous. Nouveau coup au but du 75. Maintenant la partie sera beaucoup plus difficile car si nous continuons de rouler, nous serons sur la deuxième pièce avant d'avoir pu tirer, ce qui implique dont un arrêt et donc une cible facile pour la vingtaine de canons qui doivent nous avoir dans le système de visée. Jurant comme pattier, Volta bloque d'un coup les freins:
- Allez-y... vite et ne loupez pas.
Mais le freinage intempestif de Volta m'empêche d'ajuster aussi rapidement la cible car le Stug tangue d'avant en arrière. Volta s'impatiente:
- Tu y fous ton coup de canon Nom de Dieu, allez vite...
J'ai un goût amer dans la bouche, le goût de la peur.
- T'as gueule bordel, t'aurais pu t'arrêter moins brutalement espèce d'abruti.
Pendant que nous échangeons un chapelet d'injures, fébrilement j'ajuste le 75 sur la pièce antichar. Je peux nettement voir le servant l'œil vissé à sa lunette de visée, tourner les deux petites manivelles de son 37. Le souffle court, je place le centre de mon périscope de visée sur l'objectif, Instinctivement, j'ai déclenché la mise à feu. Sur le pont, c'est un geyser de sable et de corps humains qui voltigent dans les airs. Le canon est toujours intact, mais le servant est affalé sur son petit siège. Volta n'a pas attendu mon ordre pour démarrer. Les gaz en grand, il s'est engagé sur le pont. Pourvu qu'il ne soit pas miné! J'entends un bruit de moteur derrière moi, je regarde par la meurtrière arrière, je suis stupéfait de voir que c'est le Kfz des cuisiniers, Kupferschmied est toujours arque bouté derrière sa MG. Je cherche du regard le Panther de Tafner, mais je ne le vois pas. Dans mes écouteurs, la voix de Volta résonne à nouveau. rageuse:
- Merde! Y a deux imbéciles qui veulent jouer aux héros!
Effectivement, alors que nous sommes en plein centre du pont maintenant illuminé comme un sapin de Noël par l'incendie que nous avons déclenché quelques minutes auparavant, je peux apercevoir deux soldats russes ayant réchappé au massacre, ramper vers le canon antichar. Volta jure entre ses dents:
- On y arrivera pas! Faut que quelqu'un manœuvre la MG la haut. Sinon on va être transformé en chaleur et lumière dans moins de 10 secondes.
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27Pzd_Kowalski- Nombre de messages : 176
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Date d'inscription : 09/04/2007
Re: Un Stug pour la liberté
Génial :affraid:
La suite vite vite vite vite :dents:
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RTA_Goliat- Major
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Re: Un Stug pour la liberté
la suite .........................
615sqn_Volta- Group Captain
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Re: Un Stug pour la liberté
ca me rapelle certains livres des éditions gercfaut des les années 70 / 80.
tu devrais contacter un éditeur.
les editions gerfaut l'aurait édité sans problème, mais
ils ont arretés leur collection "guerre" vers 1991.
tu devrais contacter un éditeur.
les editions gerfaut l'aurait édité sans problème, mais
ils ont arretés leur collection "guerre" vers 1991.
psyduck- Nombre de messages : 2047
Localisation : au milieu du champ de cadavres de mes ennemis
Date d'inscription : 31/12/2005
Re: Un Stug pour la liberté
Julius bataille en ahanant avec un obus de 75. L'engin glisse et lui coince la main contre la culasse. Il hurle de douleur. J'essaye d'ouvrir l'écoutille, mais pour la première fois de ma carrière de tankiste, je cède à la panique. Les larmes me coulent sur les joues. Je vois ma femme et mes gosses. Ma tête me commande d'ouvrir cette putain de trappe, mais rien à faire mes mains tremblantes non aucune force. Volta hurle:
- HEINRICH VAS-Y PREND CETTE PUTAIN DE MG OU ON VA TOUS CREVER!!! VIIIITE!
Dans le char la situation est apocalyptique. Julius se mord les lèvres pour ne pas hurler de douleur et soulève maladroitement l'obus avec son avant bras. Moi, je suis paralysé sous l'écoutille. Volta coincé dans son poste de pilotage ne peut rien faire et gueule.
- VITE OU VA TOUS CRAMER...
Dans ma tête me reviennent les atroces visions des équipages brûlant vif, les cadavres carbonisés et ratatinés en petits tas difformes derrière leurs commandes ou leurs pièces. Non! Pas crever, comme ça! Même si c'est le sort de la plupart des équipages de chars, je ne veux pas mourir dans ces atroces conditions.
Soudainement, un choc à l'arrière du tank me fait tomber sur Volta. Ce dernier, ne sachant plus que faire, met les gaz à fond. Je perçois quelque part le crépitement d'une mitrailleuse. Le Stug bondit en avant. Je suis couché sur le plancher métallique. A côté de moi, Julius haletant, tient sa main blessée et regarde vers le ciel. Péniblement, j'essaye de reprendre mes esprits. Je m'agrippe comme je peux pour reprendre ma place, mais le tank qui franchit un premier barrage de sacs de sable bascule en avant. M'emportant dans son cahot, ma tête heurte le système de visée, du sang tiède dégouline de mon arcade blessée dans mon cou. Le char poursuit sa course folle sur le pont. A travers les meurtrières avant je vois le canon antichar dont la bouche agressive est dirigée vers nous. Le servant s'est effondré, mais il y en a un deuxième qui se précipite, il s'installe, la tête s'appuie sur l'œilleton, je vois sa main qui cherche à empoigner ce qui doit être le système de mise à feu. Volta lui fonce dessus et moins de deux secondes plus tard, le canon et le soldat russe passent sous les chaînes du Stug. Je me bouche les oreilles. Je ne veux pas entendre le gars hurler, pourtant je l'entends. C'est affreux, le Stug reste coincé quelques secondes, la chenille gauche patine, puis trouve enfin l'adhérence et le Stug franchit l'obstacle.
Alors qu'un enfer de feu et de flammes s'abat tout autour de nous, je m'installe comme un automate sur mon siège. Le Stug effectue quelques manœuvres et quitte le pont métallique. Ca y est, au travers des meurtrières, je vois les premiers casques allemands briller juste en dessus des tranchées. Pourvu qu'il n'y en ait pas un avec son Panzerfaust pour nous accueillir. La panique me reprend, j'ai une peine folle à me maîtriser. Julius est toujours couché sur le planché. Une MG 42 nous prend pour cible. Des centaines d'impacts résonnent contre la superstructure du Stug. Idiot qui ne sait pas reconnaître un char allemand d'un russe. Volta a retiré sa tête de la fente. Julius qui s'est soudainement relevé, ferme de sa main valide, toutes les meurtrières. Le tir de la MG nous suit, mais sans doute que le canon surchauffe et le mitrailleur arrête de nous canarder momentanément. Soudainement, je réalise que je n'ai pas utilisé la radio pour signaler notre arrivée. Fébrilement, j'annonce notre position, demandant l'arrêt des tirs. Pas de réponse, mais on ne nous canarde plus, Volta qui avançait au ralenti de peur d'écraser un des notre, reprend prudemment sa place derrière la meurtrière. Nous poursuivons notre route encore plusieurs centaines de mètres sans plus d'encombres. Enfin les premières positions d'artillerie apparaissent sous leurs filets de camouflage. Nous passons une butte et lorsque nous apparaissons de l'autre côté, nous arrivons en plein milieu de centaines de soldats attendant visiblement un ordre d'assaut.. Cahin-caha, le Stug s'immobilise enfin à côté de deux Opel Blitz radio. Péniblement, j'ouvre la trappe et respire l'air frais, je sors comme un diable hors de sa boîte et un Leutnant venu m'accueillir me reçoit en me braquant avec son P38.
- Doucement mon gars, doucement... on sort de l'enfer. Alors ne nous y renvoie pas trop vite,
Il a les yeux méfiants. Je réalise que j'ai le visage ensanglanté et que je ne dois pas être très beau à voir. En-dessous de moi, Julius et Volta s'impatientent. Je quitte enfin ce qui a failli être notre cercueil. A peine les pieds au sol, appuyé contre le char, je vomis. Le jeune Leutnant m'interpelle.
- Herr Oberleutnant? Voulez-vous que j'appelle les infirmiers?
Je fais signe négatif. Je m'essuie la bouche comme je peux. Volta et Julius tels des démons, le visage noir de suie ont également posé pied à terre. Tremblant, tenant sa main blessée sous son aisselle, Julius s'allume une cigarette. Volta s'est assis sur le sol et se tient la tête. Je m'adresse à l'officier.
- Oberleutnant Kowalski de la 27ème division blindée, 5ème compagnie. On revient de derrière les lignes russes avec quelques rescapés de la région d'Orel... de Fatezh plus exactement
Le Leutnant est jeune mais son uniforme est délavé et sale. Il n'est pas là depuis hier. C'est un vrai officier du front, par un de ces pantins de l'arrière qui nous traite de lâche sans jamais avoir vu dans leur triste carrière, un soldat russe autrement qu'en photo. Il ne s'attarde même pas à la tête de mort qui orne ma manche. Celle des bataillons disciplinaires. Puis il finit par sortir de son sac à pain une bouteille qu'il me tend.
- Leutnant Kilh du 3ème régiment des chasseurs alpins! Vodka? C'est tout ce que j'ai... je vais faire venir un infirmier pour nettoyer vos plaies.
Je prends la bouteille et je m'octroie une bonne rasade. L'alcool me revigore.
- Négatif Leutnant. Ce ne sont que des égratignures...pas besoin de toubib pour ça, ils ont bien d'autres chats à fouetter...
Je me retourne vers Julius.
- Ca va cette main?
Le pourtour de ces yeux est marqué par ses lunettes de tankiste.
- Ca ... ca ira. Où.... où sont Tafner et Kupferschmied?
Zut, j'ai oublié mes compagnons d'infortune. Derrière un peu loin, je vois la silhouette du Kfz des cuisiniers. Je me précipite. Kupferschmied est là, accroupi à côté d'un des cuisiniers. Il lui tient la tête. Le gars est blessé, gravement. Il roule des yeux exorbités. Son regard va alternativement vers on chef et vers moi.
- C'est. c'est fini... hein? Je vais partir.... c'est pas grave... je ... je n'ai plus de famille... tous mort à Dortmund il y a trois mois...
C'est fini pour lui. Kupferschmied parle doucement.
- Et voilà... il conduisait la voiture blindée, une grenade est tombée en plein au milieu du véhicule, Karl est mort sur le coup, Stefan a conduit jusqu'ici avec le dos criblé d'éclats et moi... rien. J'ai mitraillé le gars qui vous alignait avec son canon antichar. Et puis voilà.
Il s'assied et contemple silencieusement ses chaussures.
Volta m'interpelle. Il est en haut de la butte avec ses jumelles.
- Oberleutnant.... ! Venez jeter un oeil.
Je le rejoint, il m'indique le pont.
- Tiens regardes là bas au bout.
Le Panther de Tafner est en feu. Il est en travers du pont et bloque le passage. Je baisse mes jumelles.
- Tu sais si lui ou ses hommes ont pu sortir du char avant qu'il ne brûle?
Volta secoue la tête négativement.
- Je ne crois pas. D'après les artilleurs là bas...
Il m'indique une position à une trentaine de mètres.
- ... le char tirait encore il y a cinq minutes. Il semblerait que Tafner l'ait volontairement placé en travers de l'accès du pont pour empêcher les Russes de passer...
Je secoue la tête. Des morts, j'en ai déjà vu et un grand nombre. Les camarades tombés sur ce front pourri, je ne les compte plus. A chaque fois, je me disais, qu'il fallait continuer, pour moi, pour survivre. C'est d'ailleurs le seul but de ce combat. Tuer pour ne pas être tué. Arriver au bout de cette guerre vivant, pour autant qu'il y est un bout...
Mais cette fois, c'est dur, je m'étais attaché à ce gamin qui a dû grandir trop vite. Je fouille de mes jumelles le pont, mais rien ne bouge. De temps en temps un éclair illumine le ciel qui maintenant s'éclairci avec l'aube. Mais rien. plus rien ne bouge dans les environs du Panther qui achève de se consumer. Je shoote une pierre de dépit. Je reste un moment silencieux, observant cette vallée d'enfer. A quelques centaines de mètres, la rivière continue de s'écouler, charriant une multitude d'objets de toute sorte. Parfois un corps tournoie au rythme du courant qui s'éloigne vers l'Est. Je contemple rêveur ce cours d'eau qui s'écoule indifférent. Indifférent de ce qui l'entoure. De chaque côté de la berge quelques trous d'hommes remplis d'eau, des centaines de cratères. Le sol n'est qu'une terre aride, recouverte de carcasses de chars ou de véhicules, jonchées de corps avec pour seule végétation des arbres arrachés dont le tronc déchiqueté regarde vers le ciel. Seuls les ponts semblent avoir résisté à ce déluge de feu et d'acier. Il y en a trois, tous en poutrelles d'acier. Deux routiers et un ferroviaire. Sur ce dernier, il y a un train russe, facilement reconnaissable à sa locomotive verte à étoile rouge sur le devant. Le train a déraillé et est immobilisé au beau milieu de l'édifice de fer. C'était un train de voyageurs. Il a probablement été surpris par notre aviation car il y a une succession de trou dans le toit et les flancs. Des corps pendent aux fenêtres. D'autres voyageurs ont probablement voulu prendre la fuite en courrant sur le pont, mais les mitrailleuses de la Luftwaffe, n'ont pas fait de quartiers. On reconnaît facilement les civils des militaires à leurs habits de couleurs contrastant avec ceux des uniformes bruns, verts ou noirs. Alors que le soleil commence d'inonder la plaine, je sors de mes rêveries.
Volta sur les talons je redescends la butte. Je retrouve notre Stug. Pendant que Volta le dirige dans un sous bois pour le camoufler, je me dirige vers un des Blitz radio. J'interpelle un des opérateurs qui semble être en pause.
- Caporal! Savez-vous où se trouve la 27ème Pzd?
Il consulte une feuille remplie de signes incompréhensibles.
- Codée...
Qu'il me dit presque en s'excusant. Puis il ajoute:
- Bon... bon... la 27ème... d'après mon rapport... se trouvait il y a 3 heures dans le secteur de Kriorog. Paraît qu'il y a une grosse bataille là-bas.
- Ca fait loin d'ici Kriorog?
Il hausse les épaules.
- Aucune idée Oberleutnant. Je suis désolé. Attendez, je vais vous trouver une carte.
Kriorog était un village perdu sur une colline entre deux plaines à une quinzaine de kilomètres de notre position.
Je retrouve Volta et Julius près du Stug. Ce dernier s'est fait soigner sa main sommairement. Il a deux doigts cassés et c'est Volta qui lui a posé une attelle qu'un infirmier a bien voulu leur jeter à la tête. Pas de médicaments contre la douleur. Julius est un peu pâle, il essaye de me rassurer.
- Ca passera, l'essentiel, c'est que j'ai mes doigts immobilisés. Je devrais pouvoir continuer de faire mon travail au canon...
Volta s'approche une bouteille de désinfectant et un bout de tissus à la main.
- Viens, t'as la tête encore pleine de sang. Je vais nettoyer ta plaie.
Pendant que Volta essuie mon visage, l'artillerie à repris son pilonnage. Ce n'est pas un tir précédent une offensive, juste de quoi nous tenir en haleine. Les obus de 85 tombent dans avec une explosion qui résonne sèchement. De temps en temps un obus tombe non loin de nous, instinctivement nous rentrons la tête. Saloperie d'artillerie. Le Leutnant Kilh me rejoint.
- Bonjour Oberleutnant, alors comme va cette blessure.
Je maugrée car Volta est entrain de m'emballer la tête avec au moins trois mètres de pansement. Exaspéré, je l'interromps:
- Ca va Volta hein, pas la peine d'en faire trop....
Volta feint d'être outré par mon attitude.
- Ben voilà qui me remercie l'ingrat.
N'importe où en Allemagne, on aurait passé Volta en conseil de guerre pour outrage à officier, mais ici, il y a longtemps qu'on a oublié l'Allemagne. Je réponds à Kilh qui ne réagi pas non plus à la remarque de Volta.
- Ca va Kilh, que me vaut votre visite?
- Si j'ai bien compris vous allez tenter de rejoindre Kriorog, c'est bien ça?
Je réponds affirmativement. Il pose son pied sur une caisse de munition et extirpe une carte. qu'il déplie sur son genou. Tout en consultant ça carte, il poursuit:
- Ca canarde sec là bas et mon régiment de chasseurs alpins y est envoyé en renfort.
Il me regarde avec un sourire.
- Je vous propose donc de vous y accompagner, vous ne serez pas seul comme ça... à moins que vous ne voyez d'inconvénients à ce qu'un jeune Leutnant qui commande un régiment à la place d'un Major, ne vous accompagne.
Je rigole.
- Je commande bien une division, on devrait s'entendre Kilh. Bon, par où espérez-vous passer pour aller à Kriorog?
Nous discutons sur le parcourt à prendre. Le 3ème régiment sera partiellement transporté par des Kfz. Mais un bon nombre de soldats devront marcher. Nous calculons qu'il nous faudra au moins quatre heures pour rejoindre la position. Alors que nous mettons au point les dernières modalités, nous sommes brusquement interrompus par un ordre très sec.
- Garde-à-vous!
Nous avons un temps d'hésitation, tellement ce genre d'ordres semblent incongrus à cet endroit. L'officier SS qui porte des insignes de Sturmbannführer insiste brutal:
- J'ai dit GARDE A VOUS tas de pourceaux! Vous êtes sourds ou quoi?
Nous finissons par prendre la position. Volta qui graissait le tank a laissé tomber sa pompe à graisse sur le manche faisant gicler un peu de produit lipide sur le bas du pantalon du Leutnant Kilh. Julius essaye de se tenir droit alors qu'il le pied droit sur une souche. L'Officier SS est encadré par quatre soldats portant le même uniforme noir à parements blancs. Sur sa casquette brille, sinistre, la tête de mort. Le contraste entre ces hommes haïs de beaucoup et nous, les hommes du front, est frappant. Derrière eux vient d'apparaître un soldat que je connais bien, il porte une veste de capitaine SS, la veste du Hauptsturmführer Steinmetz. Tafner, le visage blafard se tient debout derrière le groupe de SS.
- HEINRICH VAS-Y PREND CETTE PUTAIN DE MG OU ON VA TOUS CREVER!!! VIIIITE!
Dans le char la situation est apocalyptique. Julius se mord les lèvres pour ne pas hurler de douleur et soulève maladroitement l'obus avec son avant bras. Moi, je suis paralysé sous l'écoutille. Volta coincé dans son poste de pilotage ne peut rien faire et gueule.
- VITE OU VA TOUS CRAMER...
Dans ma tête me reviennent les atroces visions des équipages brûlant vif, les cadavres carbonisés et ratatinés en petits tas difformes derrière leurs commandes ou leurs pièces. Non! Pas crever, comme ça! Même si c'est le sort de la plupart des équipages de chars, je ne veux pas mourir dans ces atroces conditions.
Soudainement, un choc à l'arrière du tank me fait tomber sur Volta. Ce dernier, ne sachant plus que faire, met les gaz à fond. Je perçois quelque part le crépitement d'une mitrailleuse. Le Stug bondit en avant. Je suis couché sur le plancher métallique. A côté de moi, Julius haletant, tient sa main blessée et regarde vers le ciel. Péniblement, j'essaye de reprendre mes esprits. Je m'agrippe comme je peux pour reprendre ma place, mais le tank qui franchit un premier barrage de sacs de sable bascule en avant. M'emportant dans son cahot, ma tête heurte le système de visée, du sang tiède dégouline de mon arcade blessée dans mon cou. Le char poursuit sa course folle sur le pont. A travers les meurtrières avant je vois le canon antichar dont la bouche agressive est dirigée vers nous. Le servant s'est effondré, mais il y en a un deuxième qui se précipite, il s'installe, la tête s'appuie sur l'œilleton, je vois sa main qui cherche à empoigner ce qui doit être le système de mise à feu. Volta lui fonce dessus et moins de deux secondes plus tard, le canon et le soldat russe passent sous les chaînes du Stug. Je me bouche les oreilles. Je ne veux pas entendre le gars hurler, pourtant je l'entends. C'est affreux, le Stug reste coincé quelques secondes, la chenille gauche patine, puis trouve enfin l'adhérence et le Stug franchit l'obstacle.
Alors qu'un enfer de feu et de flammes s'abat tout autour de nous, je m'installe comme un automate sur mon siège. Le Stug effectue quelques manœuvres et quitte le pont métallique. Ca y est, au travers des meurtrières, je vois les premiers casques allemands briller juste en dessus des tranchées. Pourvu qu'il n'y en ait pas un avec son Panzerfaust pour nous accueillir. La panique me reprend, j'ai une peine folle à me maîtriser. Julius est toujours couché sur le planché. Une MG 42 nous prend pour cible. Des centaines d'impacts résonnent contre la superstructure du Stug. Idiot qui ne sait pas reconnaître un char allemand d'un russe. Volta a retiré sa tête de la fente. Julius qui s'est soudainement relevé, ferme de sa main valide, toutes les meurtrières. Le tir de la MG nous suit, mais sans doute que le canon surchauffe et le mitrailleur arrête de nous canarder momentanément. Soudainement, je réalise que je n'ai pas utilisé la radio pour signaler notre arrivée. Fébrilement, j'annonce notre position, demandant l'arrêt des tirs. Pas de réponse, mais on ne nous canarde plus, Volta qui avançait au ralenti de peur d'écraser un des notre, reprend prudemment sa place derrière la meurtrière. Nous poursuivons notre route encore plusieurs centaines de mètres sans plus d'encombres. Enfin les premières positions d'artillerie apparaissent sous leurs filets de camouflage. Nous passons une butte et lorsque nous apparaissons de l'autre côté, nous arrivons en plein milieu de centaines de soldats attendant visiblement un ordre d'assaut.. Cahin-caha, le Stug s'immobilise enfin à côté de deux Opel Blitz radio. Péniblement, j'ouvre la trappe et respire l'air frais, je sors comme un diable hors de sa boîte et un Leutnant venu m'accueillir me reçoit en me braquant avec son P38.
- Doucement mon gars, doucement... on sort de l'enfer. Alors ne nous y renvoie pas trop vite,
Il a les yeux méfiants. Je réalise que j'ai le visage ensanglanté et que je ne dois pas être très beau à voir. En-dessous de moi, Julius et Volta s'impatientent. Je quitte enfin ce qui a failli être notre cercueil. A peine les pieds au sol, appuyé contre le char, je vomis. Le jeune Leutnant m'interpelle.
- Herr Oberleutnant? Voulez-vous que j'appelle les infirmiers?
Je fais signe négatif. Je m'essuie la bouche comme je peux. Volta et Julius tels des démons, le visage noir de suie ont également posé pied à terre. Tremblant, tenant sa main blessée sous son aisselle, Julius s'allume une cigarette. Volta s'est assis sur le sol et se tient la tête. Je m'adresse à l'officier.
- Oberleutnant Kowalski de la 27ème division blindée, 5ème compagnie. On revient de derrière les lignes russes avec quelques rescapés de la région d'Orel... de Fatezh plus exactement
Le Leutnant est jeune mais son uniforme est délavé et sale. Il n'est pas là depuis hier. C'est un vrai officier du front, par un de ces pantins de l'arrière qui nous traite de lâche sans jamais avoir vu dans leur triste carrière, un soldat russe autrement qu'en photo. Il ne s'attarde même pas à la tête de mort qui orne ma manche. Celle des bataillons disciplinaires. Puis il finit par sortir de son sac à pain une bouteille qu'il me tend.
- Leutnant Kilh du 3ème régiment des chasseurs alpins! Vodka? C'est tout ce que j'ai... je vais faire venir un infirmier pour nettoyer vos plaies.
Je prends la bouteille et je m'octroie une bonne rasade. L'alcool me revigore.
- Négatif Leutnant. Ce ne sont que des égratignures...pas besoin de toubib pour ça, ils ont bien d'autres chats à fouetter...
Je me retourne vers Julius.
- Ca va cette main?
Le pourtour de ces yeux est marqué par ses lunettes de tankiste.
- Ca ... ca ira. Où.... où sont Tafner et Kupferschmied?
Zut, j'ai oublié mes compagnons d'infortune. Derrière un peu loin, je vois la silhouette du Kfz des cuisiniers. Je me précipite. Kupferschmied est là, accroupi à côté d'un des cuisiniers. Il lui tient la tête. Le gars est blessé, gravement. Il roule des yeux exorbités. Son regard va alternativement vers on chef et vers moi.
- C'est. c'est fini... hein? Je vais partir.... c'est pas grave... je ... je n'ai plus de famille... tous mort à Dortmund il y a trois mois...
C'est fini pour lui. Kupferschmied parle doucement.
- Et voilà... il conduisait la voiture blindée, une grenade est tombée en plein au milieu du véhicule, Karl est mort sur le coup, Stefan a conduit jusqu'ici avec le dos criblé d'éclats et moi... rien. J'ai mitraillé le gars qui vous alignait avec son canon antichar. Et puis voilà.
Il s'assied et contemple silencieusement ses chaussures.
Volta m'interpelle. Il est en haut de la butte avec ses jumelles.
- Oberleutnant.... ! Venez jeter un oeil.
Je le rejoint, il m'indique le pont.
- Tiens regardes là bas au bout.
Le Panther de Tafner est en feu. Il est en travers du pont et bloque le passage. Je baisse mes jumelles.
- Tu sais si lui ou ses hommes ont pu sortir du char avant qu'il ne brûle?
Volta secoue la tête négativement.
- Je ne crois pas. D'après les artilleurs là bas...
Il m'indique une position à une trentaine de mètres.
- ... le char tirait encore il y a cinq minutes. Il semblerait que Tafner l'ait volontairement placé en travers de l'accès du pont pour empêcher les Russes de passer...
Je secoue la tête. Des morts, j'en ai déjà vu et un grand nombre. Les camarades tombés sur ce front pourri, je ne les compte plus. A chaque fois, je me disais, qu'il fallait continuer, pour moi, pour survivre. C'est d'ailleurs le seul but de ce combat. Tuer pour ne pas être tué. Arriver au bout de cette guerre vivant, pour autant qu'il y est un bout...
Mais cette fois, c'est dur, je m'étais attaché à ce gamin qui a dû grandir trop vite. Je fouille de mes jumelles le pont, mais rien ne bouge. De temps en temps un éclair illumine le ciel qui maintenant s'éclairci avec l'aube. Mais rien. plus rien ne bouge dans les environs du Panther qui achève de se consumer. Je shoote une pierre de dépit. Je reste un moment silencieux, observant cette vallée d'enfer. A quelques centaines de mètres, la rivière continue de s'écouler, charriant une multitude d'objets de toute sorte. Parfois un corps tournoie au rythme du courant qui s'éloigne vers l'Est. Je contemple rêveur ce cours d'eau qui s'écoule indifférent. Indifférent de ce qui l'entoure. De chaque côté de la berge quelques trous d'hommes remplis d'eau, des centaines de cratères. Le sol n'est qu'une terre aride, recouverte de carcasses de chars ou de véhicules, jonchées de corps avec pour seule végétation des arbres arrachés dont le tronc déchiqueté regarde vers le ciel. Seuls les ponts semblent avoir résisté à ce déluge de feu et d'acier. Il y en a trois, tous en poutrelles d'acier. Deux routiers et un ferroviaire. Sur ce dernier, il y a un train russe, facilement reconnaissable à sa locomotive verte à étoile rouge sur le devant. Le train a déraillé et est immobilisé au beau milieu de l'édifice de fer. C'était un train de voyageurs. Il a probablement été surpris par notre aviation car il y a une succession de trou dans le toit et les flancs. Des corps pendent aux fenêtres. D'autres voyageurs ont probablement voulu prendre la fuite en courrant sur le pont, mais les mitrailleuses de la Luftwaffe, n'ont pas fait de quartiers. On reconnaît facilement les civils des militaires à leurs habits de couleurs contrastant avec ceux des uniformes bruns, verts ou noirs. Alors que le soleil commence d'inonder la plaine, je sors de mes rêveries.
Volta sur les talons je redescends la butte. Je retrouve notre Stug. Pendant que Volta le dirige dans un sous bois pour le camoufler, je me dirige vers un des Blitz radio. J'interpelle un des opérateurs qui semble être en pause.
- Caporal! Savez-vous où se trouve la 27ème Pzd?
Il consulte une feuille remplie de signes incompréhensibles.
- Codée...
Qu'il me dit presque en s'excusant. Puis il ajoute:
- Bon... bon... la 27ème... d'après mon rapport... se trouvait il y a 3 heures dans le secteur de Kriorog. Paraît qu'il y a une grosse bataille là-bas.
- Ca fait loin d'ici Kriorog?
Il hausse les épaules.
- Aucune idée Oberleutnant. Je suis désolé. Attendez, je vais vous trouver une carte.
Kriorog était un village perdu sur une colline entre deux plaines à une quinzaine de kilomètres de notre position.
Je retrouve Volta et Julius près du Stug. Ce dernier s'est fait soigner sa main sommairement. Il a deux doigts cassés et c'est Volta qui lui a posé une attelle qu'un infirmier a bien voulu leur jeter à la tête. Pas de médicaments contre la douleur. Julius est un peu pâle, il essaye de me rassurer.
- Ca passera, l'essentiel, c'est que j'ai mes doigts immobilisés. Je devrais pouvoir continuer de faire mon travail au canon...
Volta s'approche une bouteille de désinfectant et un bout de tissus à la main.
- Viens, t'as la tête encore pleine de sang. Je vais nettoyer ta plaie.
Pendant que Volta essuie mon visage, l'artillerie à repris son pilonnage. Ce n'est pas un tir précédent une offensive, juste de quoi nous tenir en haleine. Les obus de 85 tombent dans avec une explosion qui résonne sèchement. De temps en temps un obus tombe non loin de nous, instinctivement nous rentrons la tête. Saloperie d'artillerie. Le Leutnant Kilh me rejoint.
- Bonjour Oberleutnant, alors comme va cette blessure.
Je maugrée car Volta est entrain de m'emballer la tête avec au moins trois mètres de pansement. Exaspéré, je l'interromps:
- Ca va Volta hein, pas la peine d'en faire trop....
Volta feint d'être outré par mon attitude.
- Ben voilà qui me remercie l'ingrat.
N'importe où en Allemagne, on aurait passé Volta en conseil de guerre pour outrage à officier, mais ici, il y a longtemps qu'on a oublié l'Allemagne. Je réponds à Kilh qui ne réagi pas non plus à la remarque de Volta.
- Ca va Kilh, que me vaut votre visite?
- Si j'ai bien compris vous allez tenter de rejoindre Kriorog, c'est bien ça?
Je réponds affirmativement. Il pose son pied sur une caisse de munition et extirpe une carte. qu'il déplie sur son genou. Tout en consultant ça carte, il poursuit:
- Ca canarde sec là bas et mon régiment de chasseurs alpins y est envoyé en renfort.
Il me regarde avec un sourire.
- Je vous propose donc de vous y accompagner, vous ne serez pas seul comme ça... à moins que vous ne voyez d'inconvénients à ce qu'un jeune Leutnant qui commande un régiment à la place d'un Major, ne vous accompagne.
Je rigole.
- Je commande bien une division, on devrait s'entendre Kilh. Bon, par où espérez-vous passer pour aller à Kriorog?
Nous discutons sur le parcourt à prendre. Le 3ème régiment sera partiellement transporté par des Kfz. Mais un bon nombre de soldats devront marcher. Nous calculons qu'il nous faudra au moins quatre heures pour rejoindre la position. Alors que nous mettons au point les dernières modalités, nous sommes brusquement interrompus par un ordre très sec.
- Garde-à-vous!
Nous avons un temps d'hésitation, tellement ce genre d'ordres semblent incongrus à cet endroit. L'officier SS qui porte des insignes de Sturmbannführer insiste brutal:
- J'ai dit GARDE A VOUS tas de pourceaux! Vous êtes sourds ou quoi?
Nous finissons par prendre la position. Volta qui graissait le tank a laissé tomber sa pompe à graisse sur le manche faisant gicler un peu de produit lipide sur le bas du pantalon du Leutnant Kilh. Julius essaye de se tenir droit alors qu'il le pied droit sur une souche. L'Officier SS est encadré par quatre soldats portant le même uniforme noir à parements blancs. Sur sa casquette brille, sinistre, la tête de mort. Le contraste entre ces hommes haïs de beaucoup et nous, les hommes du front, est frappant. Derrière eux vient d'apparaître un soldat que je connais bien, il porte une veste de capitaine SS, la veste du Hauptsturmführer Steinmetz. Tafner, le visage blafard se tient debout derrière le groupe de SS.
27Pzd_Kowalski- Nombre de messages : 176
Age : 57
Date d'inscription : 09/04/2007
Re: Un Stug pour la liberté
T'as une telle façon de saisir et de mettre presque "à ta place le lecteur"... vraiment époustouflant :silent:
RTA_Goliat- Major
- Nombre de messages : 8110
Age : 36
Localisation : Vaucluse
Date d'inscription : 24/04/2006
Re: Un Stug pour la liberté
III/JG26(Jabo)_Psyduck a écrit:ca me rapelle certains livres des éditions gercfaut des les années 70 / 80.
tu devrais contacter un éditeur.
les editions gerfaut l'aurait édité sans problème, mais
ils ont arretés leur collection "guerre" vers 1991.
Hum, comment serait accueilli un livre dont les unités sont celles d'un auteur très connu; Sven Hassel?
Ce n'est un pas secret je me suis inspiré de ses livres pour créer la 27Pzd et je m'en inspire aussi pour écrire ce texte. Il y a les noms aussi, Julius notamment que l'on retrouve dans les bouquins d'Hassel. Et Volta, bien involontairement se rapproche de Porta, camarade de front de l'auteur précité.
Vous me direz, suffit de changer les noms et les unités, mais je connais trop bien le milieu des lecteurs intéressés par ce genre de lectures. Ca à beau être un roman ça n'empêche pas les gens à s'intéresser au côté historique, et Dieu sait si les critiques sont acerbes dans ce milieu. La division trucmuche n'était pas à Kriorog en 1943, le régiment machin chouette n'a pas été laminé, à Fatezh, il l'a été à Kiev etc...etc....
Lorsque j'écris, je fais toujours des recherches sur le net ou dans ma doc privée afin que l'historique colle au mieux au texte, notamment au niveau des sites, des bases aériennes, de la géographie, mais le net n'est pas infaillible et parfois je suis obligé d'improviser faute d'éléments.
C'est fou le nombre de chieurs qui s'imaginent tout connaître de l'histoire de la WWII et qui étalent leur "savoir" à force de cris et de remarques désagréables, surtout les spécialistes de l'armée allemande. Le côté sombre de l'histoire de la Heer, de la Luftwaffe, de la Kriegsmarine et de la SS Waffen attirent un grand nombre de personnes. La destruction de nombreuses archives allemande à la fin de la guerre, les croyances faussée par la propagande très efficace du IIIème Reich ou même celles des Communistes font que la modestie est de rigueur lorsqu'on navigue dans ce milieu, car à la moindre erreur de cap, vous êtes torpillé par un loup gris... :alergik:
Mes écrits impliquent également des membres du GEFUV qui apparaissent dans un contexte romancé tiré de nos parties sur Il2, sur Red Orchestra ou tout simplement de notre petite vie communautaire sur le forum ou Ventrilo. Vu de l'intérieur du GEFUV, mes textes on un sens, vu de l'extérieur, je n'en suis pas certain
De toute manière, pour moi la modestie reste prioritaire. Si les membres du GEFUV ont du plaisir à me relire, ça me suffit.
27Pzd_Kowalski- Nombre de messages : 176
Age : 57
Date d'inscription : 09/04/2007
Re: Un Stug pour la liberté
On attend la suite avec impatience
615sqn_Volta- Group Captain
- Nombre de messages : 5707
Localisation : Dans les cieux en Avion
Date d'inscription : 26/07/2006
Re: Un Stug pour la liberté
Toujours aussi passionnant
Jvais le faire lire a mon père qui a fait son service dans les blindés, ca lui rappellera des souvenirs !
Jvais le faire lire a mon père qui a fait son service dans les blindés, ca lui rappellera des souvenirs !
RTA_Oscarbob- Lt Colonel
- Nombre de messages : 12635
Localisation : (en bas à droite)
Date d'inscription : 26/10/2005
Re: Un Stug pour la liberté
L'officier SS s'approche de moi et me détaille de la tête au pied. Ces yeux bleus comme l'acier me dévisagent avec insistance. Le salaud cherche visiblement à me déstabiliser. Je reste stoïque. Ca y est, je le reconnais, je sais où j'ai déjà vu cet officier SS. Je savais bien que je l'avais déjà vu quelque part. C'était dans le secteur d'Oktyiabrskiy au Sud de la Volga au printemps 1943, peu de temps après que Stalingrad soit tombé. Il s'agit du Sturmbannführer Koller, chef des forces spéciales chargées de faire respecter l'ordre et la discipline sur cette partie du front Est. Je déglutis difficilement, car ses méthodes expéditives et sa cruauté ont largement dépassé sa réputation et il est plus redouté de nos soldats, qu'Ivan lui-même.
Du coin de l'œil je regarde Kilh, mais il ne bouge pas, il ne connaît pas Tafner, donc il ne peut pas réagir à sa vue. Volta et Julius sont en retrait, je ne les vois pas, mais ils doivent également cogiter durement. L'officier poursuit:
- ... il s'agit bien de... cet Oberleutnant n'est-ce pas?
Tafner répond raide comme un piquet en hurlant le regard fixe droit devant lui:
- Oui Sturmbannführer, il s'agit bien de cet officier!
Le SS me sourit découvrant une rangée de dents blanches et impeccables. Il me contourne. Il est maintenant derrière moi. Je suis livide. J'ai déjà entendu parler des tribunaux d'exception et la manière dont sont jugés les soldats quel que soit leur grade. La moindre peccadille, la moindre faiblesse, la moindre parole déplacée et on vous colle au poteau. Des centaines de soldats fuyants Stalingrad ont eu droit à ce genre de traitement après avoir rejoint la ligne de front Sud. Ma division sous les ordres de Manstein à l'époque a assisté à de nombreuses exécutions. De pauvres diables qui avaient pour certains, parcouru plusieurs centaines de kilomètres en terrain hostile. On les fusillait au bord d'un trou dans lequel on basculait les corps de ces malheureux. Je n'oublierais jamais ces images atroces.
Du coin de l'œil je regarde Kilh, mais il ne bouge pas, il ne connaît pas Tafner, donc il ne peut pas réagir à sa vue. Volta et Julius sont en retrait, je ne les vois pas, mais ils doivent également cogiter durement. L'officier poursuit:
- ... il s'agit bien de... cet Oberleutnant n'est-ce pas?
Tafner répond raide comme un piquet en hurlant le regard fixe droit devant lui:
- Oui Sturmbannführer, il s'agit bien de cet officier!
Le SS me sourit découvrant une rangée de dents blanches et impeccables. Il me contourne. Il est maintenant derrière moi. Je suis livide. J'ai déjà entendu parler des tribunaux d'exception et la manière dont sont jugés les soldats quel que soit leur grade. La moindre peccadille, la moindre faiblesse, la moindre parole déplacée et on vous colle au poteau. Des centaines de soldats fuyants Stalingrad ont eu droit à ce genre de traitement après avoir rejoint la ligne de front Sud. Ma division sous les ordres de Manstein à l'époque a assisté à de nombreuses exécutions. De pauvres diables qui avaient pour certains, parcouru plusieurs centaines de kilomètres en terrain hostile. On les fusillait au bord d'un trou dans lequel on basculait les corps de ces malheureux. Je n'oublierais jamais ces images atroces.
27Pzd_Kowalski- Nombre de messages : 176
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Re: Un Stug pour la liberté
Tous mes sens sont aux aguets, j'essaye de percevoir un éventuel froissement trahissant l'ouverture d'une gaine et le glissement d'un Luger 9mm, l'arme préférée des officiers de la Waffen SS. Mais je n'entends rien de suspect. Pourtant j'ai une folle envie de me retourner d'empoigner mon P38 et de les flinguer les uns après les autres ces salopards dans leur bel uniforme tout neuf qui n'a jamais vu la boue du front. J'essaie d'évaluer mes chances de survie, les autres SS tiennent leur Schmeisser le canon en bas, ils n'ont pas l'air menaçant. Et cet imbécile de Tafner... qu'est-ce qu'il lui a pris. Je l'observe à la dérobée, il n'en mène pas large le gamin. De la sueur perle à son front et le sang bat dans les veines de ses tempes. Son regard accroche le mien. J'ai l'impression qu'il m'implore, mais de quoi? J'essaye de lire dans ses pensées. Je remarque que les galons d'épaule de sa veste sont partiellement décousus. Dans quel mic mac c'est fourré Tafner. Dans mon dos, la voix tranchante poursuit:
- Oberleutnant Kowalski... c'est bien ça? Ce jeune SS m'a parlé de vos brillants états de service.
Sa voix devient mielleuse:
- Ils semblent très bons...
Je réponds comme on m'a appris à Schlesswig à l'école des équipages de Panzer en 1938.
- Je ne fais que mon devoir envers la grande Allemagne et mon Fuhrer Herr Sturmbannführer! Je n'ai aucun mérite particulier!
Brusquement, en deux pas il se campe devant moi et me fixe dans les yeux. Je soutiens son regard.
- Je suis toujours surpris de voir comme la vermine des bataillons disciplinaires se bat! Courage et férocité, deux adjectifs qui collent tellement bien à nos unités d'élite SS. C'est curieux quand même ne trouvez-vous pas?
Je ne réponds pas à cette provocation:
- Nous portons tous deux un uniforme noir. Tous deux, nous avons une tête de mort brodée, vous sur la manche et moi sur le col et pourtant nous sommes si éloignés l'un de l'autre
Il rigole :
- Donc quand un brillant officier de la Waffen SS m'annonce qu'il a vécu des aventures incroyables aux côtés d'un simple Oberleutnant...
Il fait demi-tour, me tourne le dos sa cravache sous le bras et regarde en l'air. Une cravache; j'ai toujours trouvé ça grotesque cette manie qu'ont certains officiers de porter une cravache et un monocle. Je réprime un rire nerveux. Il poursuit dithyrambique :
- ... je suis étonné et je tenais à voir à quoi vous ressembliez Kowalski.
Je m'aperçois qu'il a appuyé sur le terme "officier" en parlant de Tafner. A mon avis, c'est là la raison de leur visite. Oui c'est ça, il sait que Tafner n'est que sous-officier et il me teste pour voir si je vais le couvrir ou pas. Après avoir ravalé ma salive, je prends le risque de dire la vérité. On verra bien.
- Je vous remercie pour vos compliments Sturmbannführer Koller! Cependant, pour éviter tout malentendu, je vous informe que l'officier que vous me désignez, n'en est pas un. Il n'est que Obersharführer, commandant de chars.
Koller accuse le coup. Il est sans doute surpris que je connaisse son nom et je lui annonce tout de go, que le capitaine SS qui l'accompagne n'est qu'un modeste sous-officier. Si Tafner a raconté des conneries, je viens de signer son arrêt de mort.
L'officier SS s'est planté entre Tafner et moi, il nous jauge du regard l'un après l'autre. Comme s'il cherchait une faille. Je sens que je viens de lui casser son coup. Les yeux mi-clos, le regarde soupçonneux, il s'adresse à moi.
- Aha? Vous connaissez donc mon nom Kowalski? Pouvez-vous me dire pourquoi vous ne m'avez pas tout de suite déclarer que le si présent sous-officier Edgar Tafner, ancien membre de la 29ème division SS Kieschmann et récemment intégré par je ne sais quel tour de passe passe dans un bataillon disciplinaire, porte une veste d'officier?
Il a appuyé les derniers mots de sa phrase en les hurlants presque. Les quelques spectateurs qui nous observaient de loin retournent rapidement à leurs occupations. J'essaye de répondre sans bafouiller.
- La décision d'intégrer les rescapés de la 29ème division Kieschmann ne dépend pas de moi Herr Sturmbannführer et si ne je ne vous ai pas tout de suite parlé du grade du sous-officier Tafner, c'est parce que vous ne m'aviez pas donné la parole.
Il s'approche à nouveau. Je l'exaspère. J'évite chaque pique qu'il m'envoie. Cela fait bientôt quinze minutes que je suis dans cette position désagréable. Je n'ai plus l'habitude de ces exercices de disciplines stupides et je sens que je vais bientôt tomber si Koller ne nous libère pas. Mais ce n'est visiblement pas son intention. Il reprend sur un ton mielleux.
- Et pouvez-vous me dire d'où vient la veste d'officier SS que porte ce sous-officier, Oberleutnant?
Je lui raconte l'histoire de Steinmetz en omettant bien sûr notre intervention. Et en collant aux Russes la responsabilité du massacre de l'équipage du Tigre. Je conclus en déclarant:
- Pour ce qui est de la veste dont est vêtu l'Obersharführer Tafner, je pense qu'il la porte après avoir perdu la sienne au cours des violents combats qui nous ont opposé aux soviétiques. D'ailleurs je m'aperçois que les galons sont partiellement décousus, j'imagine qu'il a voulu les retirer pour ne pas prêter à confusion.
Koller me regarde pensif, comme s'il essayait de lire dans mes pensées. Il s'allume une cigarette et, les lèvres pincées de dépit, secoue la tête de haut en bas doucement. Il s'adresse à Tafner.
- Bien bien Tafner. On dirait que votre version des faits corrobore avec celle de votre Oberleutnant. Maintenant, vous allez filer au magasin faire mettre cette veste en état et retirer les décorations et les grades qui ne sont pas les vôtres. C'est compris?
Tafner se raidit une fois de plus. Il est pâle comme un mort. Koller le fixe de son regard d'acier.
- ...Et soyez intransigeant avec cette racaille des bataillons disciplinaires. N'hésitez pas à faire usage de votre pistolet si besoin en est. REPOS, rompez ... et hors de ma vue.
Pendant que nous nous éloignons, il quitte les lieux d'un pas rageur.
- Oberleutnant Kowalski... c'est bien ça? Ce jeune SS m'a parlé de vos brillants états de service.
Sa voix devient mielleuse:
- Ils semblent très bons...
Je réponds comme on m'a appris à Schlesswig à l'école des équipages de Panzer en 1938.
- Je ne fais que mon devoir envers la grande Allemagne et mon Fuhrer Herr Sturmbannführer! Je n'ai aucun mérite particulier!
Brusquement, en deux pas il se campe devant moi et me fixe dans les yeux. Je soutiens son regard.
- Je suis toujours surpris de voir comme la vermine des bataillons disciplinaires se bat! Courage et férocité, deux adjectifs qui collent tellement bien à nos unités d'élite SS. C'est curieux quand même ne trouvez-vous pas?
Je ne réponds pas à cette provocation:
- Nous portons tous deux un uniforme noir. Tous deux, nous avons une tête de mort brodée, vous sur la manche et moi sur le col et pourtant nous sommes si éloignés l'un de l'autre
Il rigole :
- Donc quand un brillant officier de la Waffen SS m'annonce qu'il a vécu des aventures incroyables aux côtés d'un simple Oberleutnant...
Il fait demi-tour, me tourne le dos sa cravache sous le bras et regarde en l'air. Une cravache; j'ai toujours trouvé ça grotesque cette manie qu'ont certains officiers de porter une cravache et un monocle. Je réprime un rire nerveux. Il poursuit dithyrambique :
- ... je suis étonné et je tenais à voir à quoi vous ressembliez Kowalski.
Je m'aperçois qu'il a appuyé sur le terme "officier" en parlant de Tafner. A mon avis, c'est là la raison de leur visite. Oui c'est ça, il sait que Tafner n'est que sous-officier et il me teste pour voir si je vais le couvrir ou pas. Après avoir ravalé ma salive, je prends le risque de dire la vérité. On verra bien.
- Je vous remercie pour vos compliments Sturmbannführer Koller! Cependant, pour éviter tout malentendu, je vous informe que l'officier que vous me désignez, n'en est pas un. Il n'est que Obersharführer, commandant de chars.
Koller accuse le coup. Il est sans doute surpris que je connaisse son nom et je lui annonce tout de go, que le capitaine SS qui l'accompagne n'est qu'un modeste sous-officier. Si Tafner a raconté des conneries, je viens de signer son arrêt de mort.
L'officier SS s'est planté entre Tafner et moi, il nous jauge du regard l'un après l'autre. Comme s'il cherchait une faille. Je sens que je viens de lui casser son coup. Les yeux mi-clos, le regarde soupçonneux, il s'adresse à moi.
- Aha? Vous connaissez donc mon nom Kowalski? Pouvez-vous me dire pourquoi vous ne m'avez pas tout de suite déclarer que le si présent sous-officier Edgar Tafner, ancien membre de la 29ème division SS Kieschmann et récemment intégré par je ne sais quel tour de passe passe dans un bataillon disciplinaire, porte une veste d'officier?
Il a appuyé les derniers mots de sa phrase en les hurlants presque. Les quelques spectateurs qui nous observaient de loin retournent rapidement à leurs occupations. J'essaye de répondre sans bafouiller.
- La décision d'intégrer les rescapés de la 29ème division Kieschmann ne dépend pas de moi Herr Sturmbannführer et si ne je ne vous ai pas tout de suite parlé du grade du sous-officier Tafner, c'est parce que vous ne m'aviez pas donné la parole.
Il s'approche à nouveau. Je l'exaspère. J'évite chaque pique qu'il m'envoie. Cela fait bientôt quinze minutes que je suis dans cette position désagréable. Je n'ai plus l'habitude de ces exercices de disciplines stupides et je sens que je vais bientôt tomber si Koller ne nous libère pas. Mais ce n'est visiblement pas son intention. Il reprend sur un ton mielleux.
- Et pouvez-vous me dire d'où vient la veste d'officier SS que porte ce sous-officier, Oberleutnant?
Je lui raconte l'histoire de Steinmetz en omettant bien sûr notre intervention. Et en collant aux Russes la responsabilité du massacre de l'équipage du Tigre. Je conclus en déclarant:
- Pour ce qui est de la veste dont est vêtu l'Obersharführer Tafner, je pense qu'il la porte après avoir perdu la sienne au cours des violents combats qui nous ont opposé aux soviétiques. D'ailleurs je m'aperçois que les galons sont partiellement décousus, j'imagine qu'il a voulu les retirer pour ne pas prêter à confusion.
Koller me regarde pensif, comme s'il essayait de lire dans mes pensées. Il s'allume une cigarette et, les lèvres pincées de dépit, secoue la tête de haut en bas doucement. Il s'adresse à Tafner.
- Bien bien Tafner. On dirait que votre version des faits corrobore avec celle de votre Oberleutnant. Maintenant, vous allez filer au magasin faire mettre cette veste en état et retirer les décorations et les grades qui ne sont pas les vôtres. C'est compris?
Tafner se raidit une fois de plus. Il est pâle comme un mort. Koller le fixe de son regard d'acier.
- ...Et soyez intransigeant avec cette racaille des bataillons disciplinaires. N'hésitez pas à faire usage de votre pistolet si besoin en est. REPOS, rompez ... et hors de ma vue.
Pendant que nous nous éloignons, il quitte les lieux d'un pas rageur.
27Pzd_Kowalski- Nombre de messages : 176
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Re: Un Stug pour la liberté
Je respire un grand coup. Je m'approche de Tafner qui est en nage. Il tremble.
- Je... je ne sais pas comment vous remercier Oberleutnant. Heureusement que vous n'avez pas cherché à me couvrir, on était tous foutus.
Le Leutnant Kilh n'est pas très frais non plus.
- Je ne connais pas votre histoire et très honnêtement je préfère ne pas la connaître. Je crois que c'est préférable. Mais je peux vous garantir que j'ai bien cru que tout allait être fini pour moi... surtout quand votre main s'est mise à se déplacer lentement vers votre P38 Kowalski. J'ai bien cru que j'allais devoir faire de même et vous aider à descendre ces fumiers.
Je regarde Kilh étrangement. Je n'avais pas l'impression que ma main bougeait. Il me fait un clin d'œil et me donne une tape sur l'épaule.
- On a tous de petits secrets dans ce coin d'enfer qu'il ne vaut mieux pas divulguer.
Volta a repris sa pompe à graisse et d'un geste adroit récupère le petit tas de graisse sur le pantalon du Leutnant.
- Excusez-moi Leutnant pour cette projection indépendante de ma volonté. Il essuie son doigt sur un chiffon encore plus sale que sa main.
L'officier d'infanterie secoue la tête de dépit:
- Quand pensez-vous partir Kowalski?
- Dès que nous serons prêt. Nous devons encore faire le plein de carburant et de munition. Trouver quelques bricoles à manger et nous filons. Disons dans trente minutes ici. Ca va pour vous.
Il lève trois doigt à la visière écornée de sa casquette.
- Pas de problème à toute à l'heure.
Je me retourne vers Tafner, je lui tends une cigarette qu'il prend et allume pensivement. Il a l'air au bout du rouleau le blondinet, à la limite de la dépression nerveuse.
- Et si vous me racontiez ce qu'il s'est exactement passé Tafner?
Il se met à parler.
- La traversée des lignes s'est bien passée pour nous. Les Soviétiques ont dû nous prendre pour des chars capturés et engagés dans une mission spéciales... enfin, je ne sais pas, c'était tellement confus... et puis on a bien des T34 capturés pour quoi pas les Russes.... en tout cas, personne ne s'est mis en travers de mon chemin. Lorsque vous avez tiré sur le premier T34, j'ai engagé le combat à mon tour. En moins de cinq minutes, nous avons détruit 1 T34 et trois KV2. Lorsque nous avons démarré, ce gros lourdaud de Kupferschmied, s'est intercalé entre nos deux tanks gênant ma progression et mes tirs. Quand votre Stug s'est immobilisé sur le pont, j'ai assisté au combat avec le canon antichar. Les poutrelles du pont et le Kfz qui était derrière vous m'empêchaient de tirer. C'est Kupferschmied qui, avec la MG34 du véhicule chenillé, a abattu le premier servant. Ensuite, Hans mon propre mitrailleur a dû faire le ménage dans les alentours du Kfz car il y avait des fantassins qui s'approchaient dangereusement. Il y en a un d'ailleurs qui a balancé une grenade dans le véhicule. Au moment où votre char a pu poursuivre sa route et que nous nous apprêtions à avancer, une violente explosion a secoué le Panther. Un soldat russe nous a probablement balancé une mine magnétique détruisant notre train roulant gauche. Péniblement, nous avons pu rejoindre le bout du pont, mais le char blessé s'est mis en travers. J'ai pensé que s'en était fini pour mon équipage et moi, alors j'ai pris la décision de continuer de me battre jusqu'à la mort. Plusieurs obus de T34 ou d'IS2 ont touché le Panther blessé. Mais comme il était positionné, protégé partiellement par la structure d'acier du pont, aucun tir n'a été fatal. A un moment donné la tourelle a été touchée et elle s'est bloquée. Les Russes ont dû l'apercevoir et ont commencé de s'approcher. Hans vidait chargeur sur chargeur. Subitement, j'ai pris la décision de quitter le tank, la trappe inférieur s'ouvrait sans problème, je leur ai gueulé d'abandonner le Panther et de venir... je me suis glissé dessous et j'ai rampé, j'étais à dix mètres quand il a explosé avec mes gars à l'intérieur. J'ai continué de progresser sur le pont sans être inquiété. Dès que j'ai pu rejoindre les premières tranchées je me suis roulée dedans et des soldats de chez nous m'ont trouvé...
Julius s'approche le regard mauvais, il est bout Julius et il a le regard injecté de sang. Je l'ai rarement vu dans cet état, mais je sais que fini généralement mal. Il s'approche de Tafner, les poings serrés
- Tu as quitté ton char sans tes hommes...
J'interviens.
- Non Julius, laisse-le!
Mais il m'entend pas.
- ... mon cul oui. Tu as eu les boules hein? Avoue nazillon de merde! T'as eu les foies et t'a laissé tes camarades dans le feu. Espèce de lâche! Quand je pense que ton officier de merde nous a traité de pourceaux et de vermine! Tu mériterais la corde ou une balle dans nuque !
Tafner recule:
- Non... non, ne.. ne m'accusez pas. C'est ... c'est déjà atroce d'avoir du laisser mes camarades sur le pont ... laissez-moi.
Tafner est accroupi, il se tient la tête. Il sanglote nerveusement. Ca sent la crise de nerfs.
J'interviens à nouveau.
- Ca suffit Obersharführer Tafner! Levez-vous et fermez là! C'est un ordre! Et toi Julius tu la te la coince immédiatement. Idiot, tu crois que c'est bien le moment de nous faire une crise de nerfs.
Julius ne se contient plus, il est dans une colère noire.
- Ah oui... une crise de nerfs hein! Et bien il y a de quoi devenir fou non? Depuis que cette saloperie de SS est dans la division, on accumule merde sur merde, tuile sur tuile! Fumier va!
Il file un violent coup de pied au jeune sous-officier qui se roule parterre.
- Non... non arrêtez!... Je n'en peux plus... je n'en peux plus... Arrêtez! on va tous crever comme des rats dans cet enfer ....
Julius, les yeux exorbités, le roue de coups.
- Salaud! Salaud! Tiens et tiens Salaud de nazis, sa....
Il s'immobilise la bouche ouverte et s'effondre comme une masse. Derrière lui se tient Volta sa pompe à graisse à la main. Il nous regarde l'air un peu ahuri.
- Il fallait bien faire quelque chose non. Il aurait fini par le tuer.
Julius reprend ses esprits en se frottant l'occiput.
- Putain.... quel con... je suis désolé. Je... je suis désolé.
J'estime que ça suffit maintenant. J'empoigne Tafner qui gémit toujours parterre.
- Bon maintenant c'est terminé Tafner, c'est compris? C'EST COMPRIS.
Il a le souffle court, le regard terrorisé, mais il arrête de geindre. Je le secoue comme un prunier.
- Je ne veux plus de crise. Vous m'avez compris sacré Nom de Dieu! La prochaine je vous colle une balle dans la nuque, et je vous jure que je n'hésiterais pas une seconde. J'en ai marre de vos conneries!
Je me retourne sur Julius:
- Et c'est également valable pour toi, c'est clair? Et maintenant tous au char. Dans dix minutes Kilh sera là avec ses hommes.
Assis dans la poussière Julius se frotte toujours la tête. Il se lève en maugréant des trucs incompréhensibles et rejoint Volta qui trafique dans le moteur sans un mot. Je tends une bouteille de Vodka à Tafner. Il en boit une grosse goulée.
- Merci Oberleutnant, ça va mieux... je suis désolé ça ne se reproduira plus.
- Pas de problème Tafner, c'est oublié. Et maintenant... vous êtes sans char, ni équipage. Qu'allez-vous faire?
Il a vite repris ses esprits et sa voix est sûre:
- Pour le char, j'ai sans doute une solution. J'ai repéré un Pz IV abandonné qui semble en état de marche. Je devrais pouvoir le récupérer. heu... si Volta voulait bien y jeter un oeil, ça serait sympa.
J'hésite, Kilh va arriver d'un moment à l'autre et pour le moment, Tafner n'a toujours pas d'équipage. Julius s'approche:
- Au fait chef et Kupferschmied? Que va-t'on en faire? Son engin a l'air bien mal en point.
Du pouce, il m'indique le chef cuistot penché sur son moteur. Il est en bras de chemise de la graisse jusqu'au coude.
Je regarde Tafner qui, les yeux ronds répond ironiquement:
- Non! Nooon Kowalski. C'est l'idée la plus tordue qu'on ne m'a jamais proposée. Il est hors de question que Kupferschmied fasse partie de mon équipage. Mais comment voulez-vous que ce tas de saindoux prenne place dans l'habitacle et... et... il pète, vous devriez l'entendre péter, c'est.. c'est abominable.
Volta et Julius s'esclaffent. Je tranche.
- Si! Il sera très bien comme chargeur radio. Il est fort comme un buffle et c'est un vrai tueur à la MG, il sera votre second. Allez, Tafner, il ne vous reste plus que trente secondes pour trouver un chauffeur. Vous avez intérêt à vous manier, sinon vous êtes fantassin.
Tafner hésite, regarde Kupferschmied qui l'air satisfait ferme le capot de son Kfz.
- C'est la plus belle vacherie de ma vie. Mais bon, ça ou à pied, je préfère encore les gaz du gros Fritz.
Et en soupirant, il s'en va annoncer la bonne nouvelle au cuisinier.
Le régiment de Kilh est composé de cent vingt hommes environ. Il ressemble à beaucoup de choses, mais pas tellement à l'image que l'on doit se faire de l'armée allemande du côté de Berlin. Faut voir cette équipe de rufians!
Un doux mélange d'uniformes allemands ou russes, d'armes piquées aux Soviétiques. Certains portent des bottes d'officiers du NKVD facilement reconnaissables à leur liséré rouge entourant le haut de la chaussure, mais tellement plus chaudes que les nôtres. La plupart portent la veste de camouflage des unités de montagne, d'autres des vestes de parachutistes, peu on l'uniforme de campagne réglementaire. Kilh me présente les sous-officiers. Tout d'abord le grand Stabfeldwebel Archy, le regard dans le vague portant sa MG42 comme s'il s'agissait d'un vulgaire Kar98. Il porte des bandes de munitions en croix sur le ventre à la manière de Pancho Vila. Il y a aussi les unteroffizier Yohjo et Goliath, ils ont des têtes à terminer à l'asile. Le premier, spécialiste du tuyau de poêle qu'il porte dans le dos, est haut comme trois pommes se balance nerveusement d'un pied sur l'autre, sa veste arbore de nombreuses marques de victoires au Panzerfaust,. Le deuxième fume ouvertement de la machorka. Derrière ses lunettes, un tique le fait régulièrement cligner des yeux. Il porte à l'épaule un fusil automatique G41 et tripote nerveusement des charges Satchel, lui aussi a l'air complètement déjanté . Et puis viens l'Unteroffizier Vylsain. Il porte sur la tête un espèce de chapeau rappelant plus le sac de pommes de terre que le calot russe original. A sa ceinture il a passé un long poignard effilé et en bandoulière pend une PPSH russe. Kilh appelle trois autres sous-officiers. Le premier s'appelle Oskar Bhaub. Il est feldwebel, c'est le seul à porter l'uniforme réglementaire des grenadiers de montagne, il porte une MP40 et une batterie de chargeurs de rechange pendent dans leur fourre de cuir en travers de sa poitrine. Yeux perçants, lèvres pincées, droit comme un "I", c'est probablement le gars qui impressionne le plus. Il y a aussi l'Unteroffizier Kier Von Schnaebel et l'Obergefreiter Plekhov, le premier porte à côté de sa MP41, un fusil antichar russe et l'autre fumant tranquillement une cigarette, affûte méthodiquement une baïonnette de fusil SVT40 russe. L'arme pend à son épaule le canon vers le bas.
Julius et Volta les regarde mi amusés, mi inquiets.
- Ben mon vieux, je ne sais pas où il a sorti son équipe de folos, le père Kilh, mais doit pas faire bon les avoir en face de soit.
Sûr que ces hommes sont heu... disons instable, mais la plupart sont des vétérans qui ont commencé la guerre en Pologne ou en France. On se sent en sécurité avec des gars comme ça,
Les présentations faites, je demande à Kilh si un de ses hommes pourraient servir à la conduite du char de Tafner.
Le voilà justement qui revient avec Kupferschmied qui, l'index tournoyant vocifère derrière lui.
- C'est hors de question Tafner! Vous m'avez entendu? Exclu que je me batte dans votre boite en fer blanc! Il est absolument inutile de me demander de rentrer dans un char, je suis cuisinier Meuuusieur moi! Oui chef de cuisine, et en plus je viens de réparer mon véhicule qui tourne comme une montre pas question de l'abandonner.
En passant à ma hauteur presque au pas de course Tafner me dit sur un ton désespéré:
- ...mais que voulez-vous que je fasse avec un olibrius pareil? C'est vous qui avez eu cette brillante idée Oberleutnant. Débrouillez-vous avec lui maintenant. Moi je vais chercher le char. Volta t'aurais l'amabilité d'y jeter un oeil...
Hésitation de mon chauffeur.
Tafner, exaspéré sort de son sac à pain une poignée de cigarettes.
- Allez tiens! C'est bon maintenant.
Le visage de Volta se barre d'un sourire.
- A ce prix là on ne peut rien de refuser Taffy.
Tafner vient rouge mais n'ose rien dire, il a trop besoin du génial mécanicien.
Kupferschmied continue de gueuler. Mais je ne l'entend plus.
Kilh s'approche:
- Vous avez un Kfz en état de marche? Si l'Oberleutnant Kowalski n'y voit pas d'inconvénients, je le réquisitionne.
Kupferschmied est cramoisi.
- Quoi? Non, ce véhicule appartient à ma compagnie, la l7ème d'infanterie. je le lâcherais pas comme ça...
Kilh a un petit sourire:
- Et où qu'elle est cette fameuse compagnie Caporal? A part mon régiment et les hommes de l'Oberleutnant, je ne vois rien.
Fritz ouvre la bouche mais il sort qu'un gargouillis incompréhensible. Je coupe à toutes discussions supplémentaires.
- On a pas le temps de palabrer. Il faut y aller. Pour le moment, vous rejoignez le char de Tafner, Kupferschmied. Kilh récupère votre véhicule. Vous déposez votre cuisine de campagne on s'en passera. Les denrées seront réparties dans les deux chars. Allez hop maintenant vous rejoignez Tafner et Volta vers le Panzer IV. Pas de discussion!
Dix minutes plus tard nous faisions enfin route vers Kriorog. le Panzer IV repéré par Tafner manquait juste de carburant. Il a par ailleurs assez rouspété sur le prix de la "réparation" effectuée par Volta.
- Si c'est pas malheureux. Vingt cigarettes pour déverser quelques jerricans de mazout dans un réservoir... et tu crois qu'il me les rendraient ce petit salopard.
C'est le sapeur Goliath qui conduit le tank de Tafner. En quelques minutes il a dû apprendre à manœuvre le lourd véhicule. Il ne se débrouille pas trop mal, mais Tafner qui se tient hors de la tourelle, se cramponne comme il peut. Faut dire que les manœuvres manquent encore sérieusement de souplesse. A chaque virage le char tourne brusquement par à coup. Je vois Tafner secoué comme un pantin. Il gueule dans son laryngophone et tape du poing sur les bords de sa tourelle. Aux commandes, Goliath s'esclaffe d'un rire dément.
Même Volta, qui pourtant est rôdé question expérience avec les fous, reste perplexe.
- Ben mon vieux, je préférerais encore être fantassin que dans le char de Tafner.
Julius rigole.
- Hihihi, je me demande dans quel état est Kupferschmied. Le pauvre qui ne supporte pas d'être enfermé.
- Je... je ne sais pas comment vous remercier Oberleutnant. Heureusement que vous n'avez pas cherché à me couvrir, on était tous foutus.
Le Leutnant Kilh n'est pas très frais non plus.
- Je ne connais pas votre histoire et très honnêtement je préfère ne pas la connaître. Je crois que c'est préférable. Mais je peux vous garantir que j'ai bien cru que tout allait être fini pour moi... surtout quand votre main s'est mise à se déplacer lentement vers votre P38 Kowalski. J'ai bien cru que j'allais devoir faire de même et vous aider à descendre ces fumiers.
Je regarde Kilh étrangement. Je n'avais pas l'impression que ma main bougeait. Il me fait un clin d'œil et me donne une tape sur l'épaule.
- On a tous de petits secrets dans ce coin d'enfer qu'il ne vaut mieux pas divulguer.
Volta a repris sa pompe à graisse et d'un geste adroit récupère le petit tas de graisse sur le pantalon du Leutnant.
- Excusez-moi Leutnant pour cette projection indépendante de ma volonté. Il essuie son doigt sur un chiffon encore plus sale que sa main.
L'officier d'infanterie secoue la tête de dépit:
- Quand pensez-vous partir Kowalski?
- Dès que nous serons prêt. Nous devons encore faire le plein de carburant et de munition. Trouver quelques bricoles à manger et nous filons. Disons dans trente minutes ici. Ca va pour vous.
Il lève trois doigt à la visière écornée de sa casquette.
- Pas de problème à toute à l'heure.
Je me retourne vers Tafner, je lui tends une cigarette qu'il prend et allume pensivement. Il a l'air au bout du rouleau le blondinet, à la limite de la dépression nerveuse.
- Et si vous me racontiez ce qu'il s'est exactement passé Tafner?
Il se met à parler.
- La traversée des lignes s'est bien passée pour nous. Les Soviétiques ont dû nous prendre pour des chars capturés et engagés dans une mission spéciales... enfin, je ne sais pas, c'était tellement confus... et puis on a bien des T34 capturés pour quoi pas les Russes.... en tout cas, personne ne s'est mis en travers de mon chemin. Lorsque vous avez tiré sur le premier T34, j'ai engagé le combat à mon tour. En moins de cinq minutes, nous avons détruit 1 T34 et trois KV2. Lorsque nous avons démarré, ce gros lourdaud de Kupferschmied, s'est intercalé entre nos deux tanks gênant ma progression et mes tirs. Quand votre Stug s'est immobilisé sur le pont, j'ai assisté au combat avec le canon antichar. Les poutrelles du pont et le Kfz qui était derrière vous m'empêchaient de tirer. C'est Kupferschmied qui, avec la MG34 du véhicule chenillé, a abattu le premier servant. Ensuite, Hans mon propre mitrailleur a dû faire le ménage dans les alentours du Kfz car il y avait des fantassins qui s'approchaient dangereusement. Il y en a un d'ailleurs qui a balancé une grenade dans le véhicule. Au moment où votre char a pu poursuivre sa route et que nous nous apprêtions à avancer, une violente explosion a secoué le Panther. Un soldat russe nous a probablement balancé une mine magnétique détruisant notre train roulant gauche. Péniblement, nous avons pu rejoindre le bout du pont, mais le char blessé s'est mis en travers. J'ai pensé que s'en était fini pour mon équipage et moi, alors j'ai pris la décision de continuer de me battre jusqu'à la mort. Plusieurs obus de T34 ou d'IS2 ont touché le Panther blessé. Mais comme il était positionné, protégé partiellement par la structure d'acier du pont, aucun tir n'a été fatal. A un moment donné la tourelle a été touchée et elle s'est bloquée. Les Russes ont dû l'apercevoir et ont commencé de s'approcher. Hans vidait chargeur sur chargeur. Subitement, j'ai pris la décision de quitter le tank, la trappe inférieur s'ouvrait sans problème, je leur ai gueulé d'abandonner le Panther et de venir... je me suis glissé dessous et j'ai rampé, j'étais à dix mètres quand il a explosé avec mes gars à l'intérieur. J'ai continué de progresser sur le pont sans être inquiété. Dès que j'ai pu rejoindre les premières tranchées je me suis roulée dedans et des soldats de chez nous m'ont trouvé...
Julius s'approche le regard mauvais, il est bout Julius et il a le regard injecté de sang. Je l'ai rarement vu dans cet état, mais je sais que fini généralement mal. Il s'approche de Tafner, les poings serrés
- Tu as quitté ton char sans tes hommes...
J'interviens.
- Non Julius, laisse-le!
Mais il m'entend pas.
- ... mon cul oui. Tu as eu les boules hein? Avoue nazillon de merde! T'as eu les foies et t'a laissé tes camarades dans le feu. Espèce de lâche! Quand je pense que ton officier de merde nous a traité de pourceaux et de vermine! Tu mériterais la corde ou une balle dans nuque !
Tafner recule:
- Non... non, ne.. ne m'accusez pas. C'est ... c'est déjà atroce d'avoir du laisser mes camarades sur le pont ... laissez-moi.
Tafner est accroupi, il se tient la tête. Il sanglote nerveusement. Ca sent la crise de nerfs.
J'interviens à nouveau.
- Ca suffit Obersharführer Tafner! Levez-vous et fermez là! C'est un ordre! Et toi Julius tu la te la coince immédiatement. Idiot, tu crois que c'est bien le moment de nous faire une crise de nerfs.
Julius ne se contient plus, il est dans une colère noire.
- Ah oui... une crise de nerfs hein! Et bien il y a de quoi devenir fou non? Depuis que cette saloperie de SS est dans la division, on accumule merde sur merde, tuile sur tuile! Fumier va!
Il file un violent coup de pied au jeune sous-officier qui se roule parterre.
- Non... non arrêtez!... Je n'en peux plus... je n'en peux plus... Arrêtez! on va tous crever comme des rats dans cet enfer ....
Julius, les yeux exorbités, le roue de coups.
- Salaud! Salaud! Tiens et tiens Salaud de nazis, sa....
Il s'immobilise la bouche ouverte et s'effondre comme une masse. Derrière lui se tient Volta sa pompe à graisse à la main. Il nous regarde l'air un peu ahuri.
- Il fallait bien faire quelque chose non. Il aurait fini par le tuer.
Julius reprend ses esprits en se frottant l'occiput.
- Putain.... quel con... je suis désolé. Je... je suis désolé.
J'estime que ça suffit maintenant. J'empoigne Tafner qui gémit toujours parterre.
- Bon maintenant c'est terminé Tafner, c'est compris? C'EST COMPRIS.
Il a le souffle court, le regard terrorisé, mais il arrête de geindre. Je le secoue comme un prunier.
- Je ne veux plus de crise. Vous m'avez compris sacré Nom de Dieu! La prochaine je vous colle une balle dans la nuque, et je vous jure que je n'hésiterais pas une seconde. J'en ai marre de vos conneries!
Je me retourne sur Julius:
- Et c'est également valable pour toi, c'est clair? Et maintenant tous au char. Dans dix minutes Kilh sera là avec ses hommes.
Assis dans la poussière Julius se frotte toujours la tête. Il se lève en maugréant des trucs incompréhensibles et rejoint Volta qui trafique dans le moteur sans un mot. Je tends une bouteille de Vodka à Tafner. Il en boit une grosse goulée.
- Merci Oberleutnant, ça va mieux... je suis désolé ça ne se reproduira plus.
- Pas de problème Tafner, c'est oublié. Et maintenant... vous êtes sans char, ni équipage. Qu'allez-vous faire?
Il a vite repris ses esprits et sa voix est sûre:
- Pour le char, j'ai sans doute une solution. J'ai repéré un Pz IV abandonné qui semble en état de marche. Je devrais pouvoir le récupérer. heu... si Volta voulait bien y jeter un oeil, ça serait sympa.
J'hésite, Kilh va arriver d'un moment à l'autre et pour le moment, Tafner n'a toujours pas d'équipage. Julius s'approche:
- Au fait chef et Kupferschmied? Que va-t'on en faire? Son engin a l'air bien mal en point.
Du pouce, il m'indique le chef cuistot penché sur son moteur. Il est en bras de chemise de la graisse jusqu'au coude.
Je regarde Tafner qui, les yeux ronds répond ironiquement:
- Non! Nooon Kowalski. C'est l'idée la plus tordue qu'on ne m'a jamais proposée. Il est hors de question que Kupferschmied fasse partie de mon équipage. Mais comment voulez-vous que ce tas de saindoux prenne place dans l'habitacle et... et... il pète, vous devriez l'entendre péter, c'est.. c'est abominable.
Volta et Julius s'esclaffent. Je tranche.
- Si! Il sera très bien comme chargeur radio. Il est fort comme un buffle et c'est un vrai tueur à la MG, il sera votre second. Allez, Tafner, il ne vous reste plus que trente secondes pour trouver un chauffeur. Vous avez intérêt à vous manier, sinon vous êtes fantassin.
Tafner hésite, regarde Kupferschmied qui l'air satisfait ferme le capot de son Kfz.
- C'est la plus belle vacherie de ma vie. Mais bon, ça ou à pied, je préfère encore les gaz du gros Fritz.
Et en soupirant, il s'en va annoncer la bonne nouvelle au cuisinier.
Le régiment de Kilh est composé de cent vingt hommes environ. Il ressemble à beaucoup de choses, mais pas tellement à l'image que l'on doit se faire de l'armée allemande du côté de Berlin. Faut voir cette équipe de rufians!
Un doux mélange d'uniformes allemands ou russes, d'armes piquées aux Soviétiques. Certains portent des bottes d'officiers du NKVD facilement reconnaissables à leur liséré rouge entourant le haut de la chaussure, mais tellement plus chaudes que les nôtres. La plupart portent la veste de camouflage des unités de montagne, d'autres des vestes de parachutistes, peu on l'uniforme de campagne réglementaire. Kilh me présente les sous-officiers. Tout d'abord le grand Stabfeldwebel Archy, le regard dans le vague portant sa MG42 comme s'il s'agissait d'un vulgaire Kar98. Il porte des bandes de munitions en croix sur le ventre à la manière de Pancho Vila. Il y a aussi les unteroffizier Yohjo et Goliath, ils ont des têtes à terminer à l'asile. Le premier, spécialiste du tuyau de poêle qu'il porte dans le dos, est haut comme trois pommes se balance nerveusement d'un pied sur l'autre, sa veste arbore de nombreuses marques de victoires au Panzerfaust,. Le deuxième fume ouvertement de la machorka. Derrière ses lunettes, un tique le fait régulièrement cligner des yeux. Il porte à l'épaule un fusil automatique G41 et tripote nerveusement des charges Satchel, lui aussi a l'air complètement déjanté . Et puis viens l'Unteroffizier Vylsain. Il porte sur la tête un espèce de chapeau rappelant plus le sac de pommes de terre que le calot russe original. A sa ceinture il a passé un long poignard effilé et en bandoulière pend une PPSH russe. Kilh appelle trois autres sous-officiers. Le premier s'appelle Oskar Bhaub. Il est feldwebel, c'est le seul à porter l'uniforme réglementaire des grenadiers de montagne, il porte une MP40 et une batterie de chargeurs de rechange pendent dans leur fourre de cuir en travers de sa poitrine. Yeux perçants, lèvres pincées, droit comme un "I", c'est probablement le gars qui impressionne le plus. Il y a aussi l'Unteroffizier Kier Von Schnaebel et l'Obergefreiter Plekhov, le premier porte à côté de sa MP41, un fusil antichar russe et l'autre fumant tranquillement une cigarette, affûte méthodiquement une baïonnette de fusil SVT40 russe. L'arme pend à son épaule le canon vers le bas.
Julius et Volta les regarde mi amusés, mi inquiets.
- Ben mon vieux, je ne sais pas où il a sorti son équipe de folos, le père Kilh, mais doit pas faire bon les avoir en face de soit.
Sûr que ces hommes sont heu... disons instable, mais la plupart sont des vétérans qui ont commencé la guerre en Pologne ou en France. On se sent en sécurité avec des gars comme ça,
Les présentations faites, je demande à Kilh si un de ses hommes pourraient servir à la conduite du char de Tafner.
Le voilà justement qui revient avec Kupferschmied qui, l'index tournoyant vocifère derrière lui.
- C'est hors de question Tafner! Vous m'avez entendu? Exclu que je me batte dans votre boite en fer blanc! Il est absolument inutile de me demander de rentrer dans un char, je suis cuisinier Meuuusieur moi! Oui chef de cuisine, et en plus je viens de réparer mon véhicule qui tourne comme une montre pas question de l'abandonner.
En passant à ma hauteur presque au pas de course Tafner me dit sur un ton désespéré:
- ...mais que voulez-vous que je fasse avec un olibrius pareil? C'est vous qui avez eu cette brillante idée Oberleutnant. Débrouillez-vous avec lui maintenant. Moi je vais chercher le char. Volta t'aurais l'amabilité d'y jeter un oeil...
Hésitation de mon chauffeur.
Tafner, exaspéré sort de son sac à pain une poignée de cigarettes.
- Allez tiens! C'est bon maintenant.
Le visage de Volta se barre d'un sourire.
- A ce prix là on ne peut rien de refuser Taffy.
Tafner vient rouge mais n'ose rien dire, il a trop besoin du génial mécanicien.
Kupferschmied continue de gueuler. Mais je ne l'entend plus.
Kilh s'approche:
- Vous avez un Kfz en état de marche? Si l'Oberleutnant Kowalski n'y voit pas d'inconvénients, je le réquisitionne.
Kupferschmied est cramoisi.
- Quoi? Non, ce véhicule appartient à ma compagnie, la l7ème d'infanterie. je le lâcherais pas comme ça...
Kilh a un petit sourire:
- Et où qu'elle est cette fameuse compagnie Caporal? A part mon régiment et les hommes de l'Oberleutnant, je ne vois rien.
Fritz ouvre la bouche mais il sort qu'un gargouillis incompréhensible. Je coupe à toutes discussions supplémentaires.
- On a pas le temps de palabrer. Il faut y aller. Pour le moment, vous rejoignez le char de Tafner, Kupferschmied. Kilh récupère votre véhicule. Vous déposez votre cuisine de campagne on s'en passera. Les denrées seront réparties dans les deux chars. Allez hop maintenant vous rejoignez Tafner et Volta vers le Panzer IV. Pas de discussion!
Dix minutes plus tard nous faisions enfin route vers Kriorog. le Panzer IV repéré par Tafner manquait juste de carburant. Il a par ailleurs assez rouspété sur le prix de la "réparation" effectuée par Volta.
- Si c'est pas malheureux. Vingt cigarettes pour déverser quelques jerricans de mazout dans un réservoir... et tu crois qu'il me les rendraient ce petit salopard.
C'est le sapeur Goliath qui conduit le tank de Tafner. En quelques minutes il a dû apprendre à manœuvre le lourd véhicule. Il ne se débrouille pas trop mal, mais Tafner qui se tient hors de la tourelle, se cramponne comme il peut. Faut dire que les manœuvres manquent encore sérieusement de souplesse. A chaque virage le char tourne brusquement par à coup. Je vois Tafner secoué comme un pantin. Il gueule dans son laryngophone et tape du poing sur les bords de sa tourelle. Aux commandes, Goliath s'esclaffe d'un rire dément.
Même Volta, qui pourtant est rôdé question expérience avec les fous, reste perplexe.
- Ben mon vieux, je préférerais encore être fantassin que dans le char de Tafner.
Julius rigole.
- Hihihi, je me demande dans quel état est Kupferschmied. Le pauvre qui ne supporte pas d'être enfermé.
Dernière édition par le Jeu 13 Sep 2007 - 17:37, édité 1 fois
27Pzd_Kowalski- Nombre de messages : 176
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Re: Un Stug pour la liberté
énorme tout simplement !!!
Exactement l'image que j'aime laisser transparaitre
Je vois le truc : "Goliat quitta son poste de pilotage pour balancer un satchel sur la char d'en face" :dents:
RTA_Goliat- Major
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Re: Un Stug pour la liberté
Le Stug avançait maintenant en tête de la colonne. En ces jours d'automne ensoleillé le Nord de l'Ukraine est magnifique. Devant les chenilles du lourd véhicule, s'étend un tapis de feuilles mortes que la bise noire soulève en tourbillonnant. Les collines qui nous entourent sont recouvertes de grandes forêts que la saison a transformée en patchwork de couleurs. Ces images me rappellent avec nostalgie les parties de chasse avec mon père en forêt noire. Je le revois partir avec son fusil à l'épaule et sa chienne Braque Helke. Le lac Titisee et ces berges charmeuses, les chalets de bois, les brasseries aux grandes fontaines à bière, les bocks en porcelaine richement décorés. Les odeurs délicieuses d'une cuisine simple mais abondante. Et me voilà, perdu quelque part au fin fond de l'URSS, à la porte de mon troisième hiver russe, peut-être... sans doute le dernier. Aux commandes d'un char dépassé et à la tête d'une armée de soldats plus hétéroclites l'un que l'autre. Tous à moitié fou, prêt à accomplir les pires folies, des actes d'une violence extrême, pourquoi? Pour qui? Derrière moi, ils sont là entassés l'un sur l'autre dans les Kfz. Buvant de l'alcool, fumant de la machorka, parfois ce battant comme des chiffonniers pour des peccadilles. Je me revois sortant de Schleswig, jeune officier fringuant. Fier de mon uniforme noir, presque comme celui des SS que l'on respectait encore à cette époque, aveuglé par la propagande et les résultats rapides et impressionnants de l'armée allemande, en Pologne, puis les Sudètes, les Tchèques s'étaient pliés sans même combattre, tant ils avaient peur de la puissante armée allemande! Qu'on nous disait. Puis la Hollande et la Belgique, et enfin la France, le premier front auquel j'ai participé. Notre division de Panzer III, fonçant en formation derrière la ligne Maginot, presque comme à la parade, les commandants sur les tourelles. Pulvérisant les maigres nids de résistance que les Français et les Anglais nous opposaient dans leur retraite vers Dunkerque. Je me souviens d'un Somua français, que nous avons canardé comme des gosses cherchant à couler un nénuphar dans un étang en lançant des pierres. Vingt coups qu'il a fallut pour détruire le blindé français, pour découvrir qu'il avait été abandonné depuis longtemps par son équipage, faute de carburant. Ca ne nous avait pas empêché de poser devant comme si la victoire revenait à mon seul équipage. Maman et papa qui avait fait Verdun, pourront être fier de leur rejeton parti venger l'infamie de 1918. Et puis Dunkerque. Goering a voulu laisser la Luftwaffe régler le cas des Anglais, notre général, Erwin Rommel, tapait du pied, fustigeant l'inefficacité des Stuka et des Heinkel pour détruire les navires qui emportaient les soldats britanniques et français vers l'Angleterre. Nous on y croyait. On se voyait déjà avec notre pétoire de 45 pulvériser un de ces fiers destroyers de la Royal Navy. Puis il y a eu la reddition des Français. On a paradé à Paris, sur ma tourelle, un marquage blanc, celui de ma seule victoire de cette campagne, celle d'un char vide. Les gens pleuraient, je ne voulais pas les voir. Pas de pitié avec l'ennemi, seule la dureté et la fermeté nous conduiraient à la victoire finale. Tous des salauds de Français qui nous avait piqué la Loraine et l'Alsace. Et puis il y avait ces trains, ces trains remplis de juifs, de romanichels, qui faisaient route vers une destination inconnue, des camps de rééducation qu'on nous disait. Ceux là non plus on ne voulait pas les voir. Ces gosses qu'on arrachait à leur mère, ces vieux qu'on poussait comme du bétail dans des wagons. On fermait les trappes de la tourelle, on ouvrait en grand les gaz du char et dans le vrombissement du moteur Maybach de 350 cv, on poursuivait notre route vers la victoire. L'Allemagne allait payer le prix fort de ces folies. Nous n'allions pas tarder à le savoir, mais, à cette époque lorsque j'étais rentré de France pour une permission de deux semaines, j'étais encore loin d'y penser. Mon père avait écouté pieusement mes récits de victoire racontés avec plein d'entrain. Il n'y croyait pas mon paternel. Il avait connu la boue des tranchées, il savait. Et moi, vexé, parce que je le croyais jaloux de mon succès. Jaloux du succès de cette armée du IIIème Reich qui avait réussi où celle d'Hindenburg avait échoué. Je m'étais engueulé avec lui. C'était en mai 1941, il y avait deux ans et demi. Je ne l'ai jamais revu depuis. Comme nombre d'autres soldats allemands nous avons rejoint la Pologne. J'ai récupéré un nouveau char et on m'a confié une compagnie. Au milieu de tous ces jeunes soldats de chars, avec ma Croix de Fer et mon Somua vide détruit, j'étais un vétéran, qu'on écoutait avec attention. Un certain 22 juin 1941 très tôt nous nous sommes mis en route pour ce qui allait devenir la plus grande bataille de chars de tous les temps. Le marquage représentant le Somua sur le flanc de ma tourelle a été vite accompagné d'une multitude d'autres, mais à mes côtés le vide a commencé de se faire sentir durement. Les chars soviétiques que l'ont nous disaient si inférieurs aux nôtres étaient bien plus solides qu'on nous avait fait croire. Le doute a commencé de s'installer. Même si on défonçait les lignes russes comme du beurre, qu'arriverait-il le jour où ses chars ennemis seraient menés par des équipages plus aguerris? Plus en avançait vers Moscou, plus on laissait derrière nous des carcasses de chars allemands. Les renforts mettaient énormément de temps à nous rejoindre. Les pertes devenaient inquiétantes, mais on s'en foutait à l'EM. Ils voulaient Moscou. Nous on se doutait bien que les Communistes allaient y réunir tout ce qu'ils avaient pour nous empêcher de prendre leur capitale. On y était presque, à quelques centaines de kilomètres quand l'hiver nous a surpris. Le froid mordant et impitoyable, faisait geler le mazout et l'huile dans les réservoirs. Les armes s'enrayaient. Des soldats faisant partie de la plus grande armée du monde mourraient de froid dans l'indifférence la plus totale, simplement parce que nous manquions d'équipements adaptés au froid. En face, Staline réorganisait son armée, les Anglais et les Américains lui fournissaient des armes, des avions et des véhicules pour combler ses pertes. Et nous? C'est tout juste si on avait droit à un repas chaud. Je me suis révolté. On m'a arrêté et envoyé en Allemagne où j'ai été jugé pour propos défaitistes et manquements graves face à l'ennemi. Enfermé à la prison de Schleswig a quelques pas de la caserne que j'avais fréquentée en 1939. Condamné à mort. Seule ma mère avisée de mon arrestation était venue me voir. Elle avait pleuré, je l'avais réconforté en lui disant de transmettre mon pardon à mon père qui avait tellement raison. Mais ça je n'avais pas dit de peur qu'il y ait des représailles à son endroit. Et puis, au petit matin d'un morne mois de mars 1942, on est venu me chercher. La clef dans la serrure. la lourde porte qui s'ouvre sur deux soldats et un sous-off. Pas d'homme d'église pour moi. Mais à quoi bon, de toute façon, les types comme moi allaient en enfer. J'étais pâle, j'allais être fusillé. Je me vois marchant dans le couloir gris. Nos pas résonnaient comme dans une chapelle vide. Derrière les portes qui défilaient à ma gauche et à ma droite, je devinais la présence de mes colocataires. Ils devaient être réveillés maintenant, sachant bien ou cette marche macabre me conduisait. Et puis, je me suis redressé, je n'allais pas mourir en pleurant. J'avais quelque part choisi ma destinée en intégrant les Panzer. Intérieurement, je pris la décision de refuser le bandeau, je regarderai mes exécuteurs en face, qu'ils ne m'oublient jamais. Les geôliers étaient du genre à s'amuser de ces situations. Ils avaient toujours la petite insulte sympa au bout des lèvres. Parfois, ils vous passaient à tabac, comme ça, pour rien. J'avais eu pas mal de chance, on m'avait pas mal épargné,peut-être mon statut d'officier? Je ne sais pas mais le Prussien moyen est tellement bien formé pour respecter ses supérieurs... Le matin en question, c'est devant la porte de la petite cours où l'on exécutait les condamnés qu'ils ont brusquement changé de direction. Ils auraient pu le faire bien avant, mais ils voulaient me briser, me narguer. Sans un mot, on m'a fait traverser d'autres couloirs, monter d'autres escaliers, comme ça pour me faire craquer. Mais j'ai tenu. Et puis finalement, ils se sont arrêtés dans un nouveau couloir. Le sous-officier a ouvert une porte qui donnait sur un corridor que je n'avais jamais vu auparavant. Il y avait des portraits du führer au mur et du tapis sur le sol. Toujours encadré par les gardes, on m'a fait attendre dans une antichambre, puis, j'ai été amené devant un homme portant un uniforme beige. Il s'agissait du commandant de la prison. Il a sorti d'un tiroir de son bureau un long et fin cigare qu'il a allumé. Il a demandé aux gardes de nous laisser seuls. Pendant quelques minutes, sans m'accorder le moindre regard, il s'est plongé dans un dossier. Puis, il s'est soudainement redressé et ma fixé dans les yeux. Il m'a parlé de mes "brillants" états de service. Qu'il ne comprenait pas pourquoi j'avais faibli devant l'ennemi. Que répondre à cela? Je restais silencieux. Finalement, en jetant nochalement le dossier sur son bureau, il m'a annoncé que mon cas avait fait l'objet d'une nouvelle enquête. Le jugement a été revu et on a décidé de me donner ma chance en me proposant d'intégrer un bataillon disciplinaire sur le front Est. Alors j'ai dit oui, immédiatement, comme de nombreux prisonniers l'ont fait, j'ai pris une option sur la vie. J'ai dû rendre ma Croix de Fer, et mon bel uniforme de tankiste s'est vu retiré les ailes du IIIème Reich. En contre partie, on a cousu sur ma manche droite, la sinistre bande à tête de mort. Le même jour, sans revenir à ma cellule, j'avais ainsi quitté Schleswig pour une sinistre caserne de la région de Hambourg. Je n'avais pas eu le droit d'aller voir mes parents qui avaient déjà fait mon deuil et qui ne savent toujours pas aujourd'hui où je suis, ce que je suis devenu. J'avais tellement honte que n'ai jamais osé leur écrire. Je pense "qu'on" les a avisé demon départ pour l'Union Soviétique. J'ai rencontré Julius et Volta à Hambourg. Nous avions partagé une cigarette sans savoir que nous allions désormais également partager notre destin. Quelques semaines de brimades plus tard, nous avons pris possession de notre Stug que nous avions conduit jusqu'à la gare de Hambourg. trois jours de train plus tard, nous nous sommes retrouvés dans le dispositif de Manstein. L'offensive en direction de Stalingrad pour sortir Paulus de son étreinte. Un nouvel hiver paralysant nos troupes. Et bien d'autres combats perdus d'avance pour arriver ici, sur une petit route ukrainienne menant à Kriorog, une vallée dont personne n'avait jamais entendu parler avant aujourd'hui et où le sang de jeunes soldats Allemands et Russes, peut-être le mien, s'y écoulera.
Sous mes pieds, Julius essaye de contacter le QG de Haenig, mais personne ne répond. Devant notre Stug à quelques centaines de mètres il y a le Kubel de Kilh. Il ouvre la marche et de temps à autre, il s'immobilise, avec quatre de ses gars, ils abandonnent le véhicule les portières ouvertes à tout vent, s'enfilent comme des chats dans les bois avoisinants et puis reviennent en nous faisant signe d'avancer. Alors qu'en dessous de moi, Volta commence de s'impatienter.
- Grmbl, je n'ai jamais aimé cette manière de faire la guerre. S'insinuer comme ça dans les frondaisons d'un bois paisible, puis bondir sur un pauvre diable entrain de bouffer sa soupe tranquillement pour l'égorger comme un porc. C'est dégueulasse. Rien ne vaut une belle attaque sabre au clair pour s'étriper au soleil!
Julius répond pathétique.
- Ouai bien sûr, surtout toi avec ta pétoire à lunette. C'est souvent que t'es en première ligne quand on joue aux fantassins.
Je coupe court à la discussion car le groupe de Kilh vient de réapparaître en courant. Pendant que le chauffeur effectue une marche arrière avec le Kubel, il nous fait signe de nous planquer. Le Stug suivi du Pz IV toujours piloté par Goliath bondit en direction d'un petit bois. Volta manœuvre adroitement entre les arbres et place le char le canon en direction de la route. En moins d'une minute, tous les véhicules chenillés sont planqués dans la forêt. C'est à peine si on perçoit au loin le cliquetis d'un dragonne ou le craquement d'une brindille. Dans le Stug, la tension monte. J'ai fermé l'écoutille. Julius les sens aux aguets attend, un obus sur les genoux. Les yeux rivés au périscope, j'observe la route où vient de disparaître le Kubelwagen. Nous chuchotons entre nous. Mais rien, les minutes s'égrènent sans que quoi que ce soit se passe. Julius s'impatiente.
- Il a les belettes le père Kilh ou quoi. Le soleil d'Ukraine lui a tapé sur le ciboulot...
Mais bientôt, j'entends du bruit. Volta qui a l'oreille fine aussi.
- Chars...
Qu'il dit.
Je le vois attentif, essayant de repérer au bruit de quel engin il s'agit.
Il commente son analyse.
- J'entends le bruit de roulement des galets... croui... croui... croui. Vous entendez?
On entend rien nous, il est le seul a percevoir ce genre de sons. Il continue.
- J'ai entendu le son d'une trappe que l'on ferme brusquement.... ça sonne différemment selon le type de char...
Julius s'impatiente
- Et qu'est-ce qu'elle te dit la trappe là? Elle te parle en morse?
Volta l'oreille collée à sa meurtrière, lui fait signe de se taire.
- La ferme bon sang ... j'y suis presque. Oui c'est bien ça, le moteur a un grondement sourd.
Il imite remarquablement le bruit d'un moteur de char.
- Diesel! C'est grave, c'est un Diesel, donc un char lourd... croui... croui... croui.... les chenilles font croui... croui... croui dans un rythme rapide, ce sont des nôtres!
Il relève la tête triomphant.
- Sûr le rythme du grincement des galets est trop rapide pour un russe, c'est un Panther, je dirais même un Jagdpanther, il cahote plus nerveusement que la version à tourelle et ça résonne plus quand on ferme l'écoutille parce que l'habitacle est plus vaste..
Julius secoue la tête.¨
- T'es complètement fêlé Volta. Bientôt bon pour l'asile. Pourquoi tu ne demandes pas une visite sanitaire. N'importe quel toubib un tant soit peu intelligent t'enverrais...
Mais il se tait, car au bout du chemin, le premier Jagdpanther a fait son apparition. Surmontant la tourelle, je reconnais le Leutnant Willsdorff.
Sous mes pieds, Julius essaye de contacter le QG de Haenig, mais personne ne répond. Devant notre Stug à quelques centaines de mètres il y a le Kubel de Kilh. Il ouvre la marche et de temps à autre, il s'immobilise, avec quatre de ses gars, ils abandonnent le véhicule les portières ouvertes à tout vent, s'enfilent comme des chats dans les bois avoisinants et puis reviennent en nous faisant signe d'avancer. Alors qu'en dessous de moi, Volta commence de s'impatienter.
- Grmbl, je n'ai jamais aimé cette manière de faire la guerre. S'insinuer comme ça dans les frondaisons d'un bois paisible, puis bondir sur un pauvre diable entrain de bouffer sa soupe tranquillement pour l'égorger comme un porc. C'est dégueulasse. Rien ne vaut une belle attaque sabre au clair pour s'étriper au soleil!
Julius répond pathétique.
- Ouai bien sûr, surtout toi avec ta pétoire à lunette. C'est souvent que t'es en première ligne quand on joue aux fantassins.
Je coupe court à la discussion car le groupe de Kilh vient de réapparaître en courant. Pendant que le chauffeur effectue une marche arrière avec le Kubel, il nous fait signe de nous planquer. Le Stug suivi du Pz IV toujours piloté par Goliath bondit en direction d'un petit bois. Volta manœuvre adroitement entre les arbres et place le char le canon en direction de la route. En moins d'une minute, tous les véhicules chenillés sont planqués dans la forêt. C'est à peine si on perçoit au loin le cliquetis d'un dragonne ou le craquement d'une brindille. Dans le Stug, la tension monte. J'ai fermé l'écoutille. Julius les sens aux aguets attend, un obus sur les genoux. Les yeux rivés au périscope, j'observe la route où vient de disparaître le Kubelwagen. Nous chuchotons entre nous. Mais rien, les minutes s'égrènent sans que quoi que ce soit se passe. Julius s'impatiente.
- Il a les belettes le père Kilh ou quoi. Le soleil d'Ukraine lui a tapé sur le ciboulot...
Mais bientôt, j'entends du bruit. Volta qui a l'oreille fine aussi.
- Chars...
Qu'il dit.
Je le vois attentif, essayant de repérer au bruit de quel engin il s'agit.
Il commente son analyse.
- J'entends le bruit de roulement des galets... croui... croui... croui. Vous entendez?
On entend rien nous, il est le seul a percevoir ce genre de sons. Il continue.
- J'ai entendu le son d'une trappe que l'on ferme brusquement.... ça sonne différemment selon le type de char...
Julius s'impatiente
- Et qu'est-ce qu'elle te dit la trappe là? Elle te parle en morse?
Volta l'oreille collée à sa meurtrière, lui fait signe de se taire.
- La ferme bon sang ... j'y suis presque. Oui c'est bien ça, le moteur a un grondement sourd.
Il imite remarquablement le bruit d'un moteur de char.
- Diesel! C'est grave, c'est un Diesel, donc un char lourd... croui... croui... croui.... les chenilles font croui... croui... croui dans un rythme rapide, ce sont des nôtres!
Il relève la tête triomphant.
- Sûr le rythme du grincement des galets est trop rapide pour un russe, c'est un Panther, je dirais même un Jagdpanther, il cahote plus nerveusement que la version à tourelle et ça résonne plus quand on ferme l'écoutille parce que l'habitacle est plus vaste..
Julius secoue la tête.¨
- T'es complètement fêlé Volta. Bientôt bon pour l'asile. Pourquoi tu ne demandes pas une visite sanitaire. N'importe quel toubib un tant soit peu intelligent t'enverrais...
Mais il se tait, car au bout du chemin, le premier Jagdpanther a fait son apparition. Surmontant la tourelle, je reconnais le Leutnant Willsdorff.
Dernière édition par le Jeu 13 Sep 2007 - 18:03, édité 2 fois
615sqn_Harry- Wing Commander
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Re: Un Stug pour la liberté
Excellent tout ca
RTA_Oscarbob- Lt Colonel
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Re: Un Stug pour la liberté
Derrière le Jagdpanther, il y a le Tigre de Golgoth, puis d'autres chars et des véhicules. Des fantassins aussi. Certains sont blessés. Dans mes jumelles, je vois le Leutnant Kilh et ses trois sbires se montrer sur la route et arrêter la colonne. Je m'adresse à Volta:
- Allez! On y va!
Le Stug s'extirpe de sa cachette et descend en direction de la route. Derrière, Tafner a fait de même et nous suit. Nous rejoignons enfin notre division. Le visage de Willsdorff est marqué, dans son regard, on peut lire de l'étonnement, lorsqu'il aperçoit notre Stug s'immobiliser au bord du chemin à sa hauteur.
- Mais... c'est le tank de notre commandant.
Il s'adresse à Kilh. Je sors du char.
- Hello Will, content de vous revoir. Alors que se passe t'il?
Avec Golgoth, ils me rejoignent. Ce dernier à un sourire désabusé.
- Et bien voilà au moins une bonne nouvelle, heureux de vous revoir Oberleutnant.
Mes deux gaillards ne respirent pas la grande forme. Ils m'expliquent qu'après Fatezh, ils n'ont fait que battre en retraite. A quelques encablures, ils sont tombés sur des renforts envoyés depuis Kiev pour les aider à reprendre l'initiative dans le secteur et tenter une nouvelle percée en direction d'Orel. Je suis sidéré. Je tempête.
- Quoi?!?! Mais qu'est-ce qui se passe dans la tête de nos fins stratèges! Sont-ils devenus fous! Ils ne se rendent pas compte que nous sommes débordés de tous côtés?
Willsdorff continue.
- Haenig a reçu quelques renforts et a été envoyé à Kriorog où des éclaireurs nous signalaient des blindés en mouvement probablement pour nous prendre en tenaille. Cette région est un vrai labyrinthe. Des forêts avec des collines et deux grandes plaines de part et d'autre. Lorsque nous sommes arrivés sur place, nous avons effectivement repéré des chars russes, une trentaine. Nous avons engagé le combat, mais plus on détruisait de chars ennemis plus ils en venaient. A la fin, on a battu en retraite. Le 28ème régiment antichar qui nous accompagnait s'est planqué dans un étroit goulet pour couvrir notre retraite... un vrai massacre, il n'y a pas eu un seul survivant.
Il s'appuie contre son char fumant une cigarette, les yeux dans le vague. Golgoth poursuit:
-... on a perdu Haenig. Il s'est fait sauter avec une mine sous un T34... on a même pas pu récupérer son médaillon...
C'est un sale coup. Le Colonel était un chic type qui nous soutenait. Un gars qui était avec nous en première ligne. A force de s'exposer, de montrer l'exemple. Il en est mort.
- Qui commande maintenant.
Willsdorff hausse les épaules.
- Toi maintenant. Golgoth et moi sommes les deux seuls officiers rescapés de ce désastre. Qu'est-ce qu'on fait?
Il faut prendre une décision rapidement. Les Soviétiques ne doivent pas être loin derrière nous. Je regarde Kilh.
- Leutnant! Je pense que votre régiment va avoir quelques renforts supplémentaires. Vous récupérez tous les soldats valides de cette colonne. Faites l'inventaire des véhicules disponibles, de leur état et des réserves de carburant ainsi que des munitions. Je compte sur vous pour faire ça rapidement.
Pas de besoin de faire un dessin au jeune officier. Les ordres claques dans l'air frais du soir tombant. Accompagné de ces deux sous-officiers supérieurs, Kilh remonte la colonne d'un pas rapide haranguant les soldats.
- Les blessés qui ne peuvent pas marcher dans les véhicules. Les valides vous prenez les commandes et contrôlez les armes de bord fixes. Les autres, vous rejoignez les Kfz qui sont immobilisés à 500 mètres sur la route. Allez hop! Activez-vous avant qu'un communiste ne vous bouffe tout cru à son déjeuner.
Il est sec Kilh, mais il y a de l'encouragement dans sa voix. Il appelle ses hommes.
- Oskar! Allez me chercher vingt hommes au pas de course et rappliquez en vitesse avec au moins trois véhicules.
Le sous-officier file.
De mon côté je demande à Willsdorff une carte de la région. Golgoth m'indique notre position.
- Bon les gars pas question de retourner d'où nous venons. Ce matin, avant de vous rejoindre, j'ai rencontré le Sturmbannführer Koller, je ne vous dis pas le mauvais quart d'heure que j'ai passé avec ce cinglé. Il est certain que s'il nous voit revenir la queue entre les jambes, il y aura du peloton dans l'air. Donc, il nous faut filer ailleurs, quitte à devoir nous retrancher sur une position et à la défendre, le temps qu'on nous transmette de nouveaux ordres.
La présence de Koller n'est pas pour rassurer mes subordonnés qui retrouvent instantanément un peu de motivation. Kilh revient vers nous essoufflé.
- Voilà c'est fait. J'ai fait charger les blessés dans les véhicules de la colonne. Les valides ont rejoint les Kfz, On tient plus ou moins tous dans les véhicules. Nous avons 4 citernes, mais je pense qu'elles sont d'abord destinées aux chars. Enfin, pour le moment nous avons encore du carburant pour au moins trois jours de marche. Sommes parés à prendre la route... au fait si vous me permettez une suggestion, je ne pense pas qu'il soit judicieux de retourner d'où nous venons, si vous voyez ce que je veux dire Oberleutnant.
Je lui explique que c'est exactement ce que je viens d'expliquer à Golgoth et Willsdorff. Je fais rapidement les présentations et nous poursuivons.
Avec le Stug et le Panzer IV de Tafner, il reste 7 chars dans la division. Il y a le Jagdpanther de Will et 4 Tigre I. Nous décidons de prendre la route vers Kiev qui doit être à environ 250 kilomètres de notre position. En trois jours ça devrait être possible si les Russes nous laissent tranquilles.
Dix minutes plus tard, la colonne rebroussait chemin. Le soir tombait, et le froid mordant de cette fin d'automne m'obligea à mettre ma lourde capote de laine. Je remontais le col et enfonçais plus profondément mon calot sur la tête. Les écouteurs m'offraient une bien maigre protection contre la bise. Un nouvel hiver rude et impitoyable s'annonçait. Alors que la nuit s'apprêtait à tomber, je décidais de faire un bivouac. Trente minutes plus tard, pendant que le premier tour de garde s'organisait, la faible lueur des feux camouflés donnait au camp des allures fantomatiques. Je venais de passer plusieurs semaines à dormir à peine quelques heures par nuit, allongé sur le plancher métallique et froid du Stug, partageant mes nuits avec mon équipage. Je décidais de dormir dehors, alors que je préparais ma couchette avec plusieurs couvertures. Kupferschmied s'approcha avec une lourde marmite en fonte.
- C'est l'heure de la soupe Oberleutnant.
Il me remplit ma gamelle et me remit deux morceaux de pain.
- Je ne sais pas comment on va nourrir toute cette clique, dans trois jours, les réserves seront vides.
Il s'assied vers moi.
- Je suis désolé pour le coup du char de Tafner Fritz, mais il y avait des priorités...
Il ricane.
- Ce justifier est un signe de faiblesse Oberleutnant, vous devriez le savoir. En tout cas, vous m'avez fait abandonner ma cuisinière dans la nature et nous verrons bien si dans trois jours cela faisait effectivement partie des priorités.
Il se lève.
- Allez, bonne nuit Oberleutnant.
Et il s'en va avec sa casserole de soupe pour poursuivre son service.
Je n'ai pas envie de trop réfléchir sur l'avenir. Les couvertures sont tièdes. Je retire mes chaussures. Je sais que c'est dangereux, car s'il faut décamper rapidement, je pourrais bien me retrouver en chaussettes dans le char. Je noue les lacets ensemble et les garde à portée de mains. Je m'endors d'un profond sommeil. Tant pis si je dois mourir ici cette nuit... c'est trop bon.... les couvertures sont chaudes et le souffle du vent dans les branches me berce. Pour une fois, alors que les troupes ennemies sont probablement à portée de canon, je m'endors d'un sommeil juste et paisible
C'est Julius qui me réveille à cinq du matin. Je n'ai qu'une envie, rester dans les bras de Morphée. Mais il faut se lever, on a de la route à faire. Mes chaussures sont pleines de rosée. Le cuir est humide et froid, j'ai de la peine à les enfiler. Emmitouflé dans ma capote de laine, je tremble dans la fraîcheur matinale, Je donne les ordres et silencieusement, chacun regagne son poste. Alors qu'au loin les premières lueurs matinales illuminent le ciel indigo, les premiers moteurs démarrent empestant les lieux de gaz d'échappement. Nous reprenons ainsi notre route en colonne en direction Ouest. Peu avant la fin de la journée nous rencontrons une colonne de blindée. Il s'agit de la 7ème compagnie de la 18ème division blindée. Elle était censée rejoindre dans le secteur de Nasivka. Surprise par des Sturmovik en terrain découvert, en moins de 15 minutes, les avions d'assaut ont massacré les trois-quarts de leurs Panther. Leur commandant est le Major Gladbach. Je le rencontre assis à l'arrière de son Kubelwagen. Mal rasé, les traits tirés, il est au bout du rouleau.
- Bonjour Kowalski... nous allons à Kiev... vous aussi? Bien, alors allons-y ensemble.
Il a geste de dépit vers le Sud Ouest.
- Allez! On y va!
Le Stug s'extirpe de sa cachette et descend en direction de la route. Derrière, Tafner a fait de même et nous suit. Nous rejoignons enfin notre division. Le visage de Willsdorff est marqué, dans son regard, on peut lire de l'étonnement, lorsqu'il aperçoit notre Stug s'immobiliser au bord du chemin à sa hauteur.
- Mais... c'est le tank de notre commandant.
Il s'adresse à Kilh. Je sors du char.
- Hello Will, content de vous revoir. Alors que se passe t'il?
Avec Golgoth, ils me rejoignent. Ce dernier à un sourire désabusé.
- Et bien voilà au moins une bonne nouvelle, heureux de vous revoir Oberleutnant.
Mes deux gaillards ne respirent pas la grande forme. Ils m'expliquent qu'après Fatezh, ils n'ont fait que battre en retraite. A quelques encablures, ils sont tombés sur des renforts envoyés depuis Kiev pour les aider à reprendre l'initiative dans le secteur et tenter une nouvelle percée en direction d'Orel. Je suis sidéré. Je tempête.
- Quoi?!?! Mais qu'est-ce qui se passe dans la tête de nos fins stratèges! Sont-ils devenus fous! Ils ne se rendent pas compte que nous sommes débordés de tous côtés?
Willsdorff continue.
- Haenig a reçu quelques renforts et a été envoyé à Kriorog où des éclaireurs nous signalaient des blindés en mouvement probablement pour nous prendre en tenaille. Cette région est un vrai labyrinthe. Des forêts avec des collines et deux grandes plaines de part et d'autre. Lorsque nous sommes arrivés sur place, nous avons effectivement repéré des chars russes, une trentaine. Nous avons engagé le combat, mais plus on détruisait de chars ennemis plus ils en venaient. A la fin, on a battu en retraite. Le 28ème régiment antichar qui nous accompagnait s'est planqué dans un étroit goulet pour couvrir notre retraite... un vrai massacre, il n'y a pas eu un seul survivant.
Il s'appuie contre son char fumant une cigarette, les yeux dans le vague. Golgoth poursuit:
-... on a perdu Haenig. Il s'est fait sauter avec une mine sous un T34... on a même pas pu récupérer son médaillon...
C'est un sale coup. Le Colonel était un chic type qui nous soutenait. Un gars qui était avec nous en première ligne. A force de s'exposer, de montrer l'exemple. Il en est mort.
- Qui commande maintenant.
Willsdorff hausse les épaules.
- Toi maintenant. Golgoth et moi sommes les deux seuls officiers rescapés de ce désastre. Qu'est-ce qu'on fait?
Il faut prendre une décision rapidement. Les Soviétiques ne doivent pas être loin derrière nous. Je regarde Kilh.
- Leutnant! Je pense que votre régiment va avoir quelques renforts supplémentaires. Vous récupérez tous les soldats valides de cette colonne. Faites l'inventaire des véhicules disponibles, de leur état et des réserves de carburant ainsi que des munitions. Je compte sur vous pour faire ça rapidement.
Pas de besoin de faire un dessin au jeune officier. Les ordres claques dans l'air frais du soir tombant. Accompagné de ces deux sous-officiers supérieurs, Kilh remonte la colonne d'un pas rapide haranguant les soldats.
- Les blessés qui ne peuvent pas marcher dans les véhicules. Les valides vous prenez les commandes et contrôlez les armes de bord fixes. Les autres, vous rejoignez les Kfz qui sont immobilisés à 500 mètres sur la route. Allez hop! Activez-vous avant qu'un communiste ne vous bouffe tout cru à son déjeuner.
Il est sec Kilh, mais il y a de l'encouragement dans sa voix. Il appelle ses hommes.
- Oskar! Allez me chercher vingt hommes au pas de course et rappliquez en vitesse avec au moins trois véhicules.
Le sous-officier file.
De mon côté je demande à Willsdorff une carte de la région. Golgoth m'indique notre position.
- Bon les gars pas question de retourner d'où nous venons. Ce matin, avant de vous rejoindre, j'ai rencontré le Sturmbannführer Koller, je ne vous dis pas le mauvais quart d'heure que j'ai passé avec ce cinglé. Il est certain que s'il nous voit revenir la queue entre les jambes, il y aura du peloton dans l'air. Donc, il nous faut filer ailleurs, quitte à devoir nous retrancher sur une position et à la défendre, le temps qu'on nous transmette de nouveaux ordres.
La présence de Koller n'est pas pour rassurer mes subordonnés qui retrouvent instantanément un peu de motivation. Kilh revient vers nous essoufflé.
- Voilà c'est fait. J'ai fait charger les blessés dans les véhicules de la colonne. Les valides ont rejoint les Kfz, On tient plus ou moins tous dans les véhicules. Nous avons 4 citernes, mais je pense qu'elles sont d'abord destinées aux chars. Enfin, pour le moment nous avons encore du carburant pour au moins trois jours de marche. Sommes parés à prendre la route... au fait si vous me permettez une suggestion, je ne pense pas qu'il soit judicieux de retourner d'où nous venons, si vous voyez ce que je veux dire Oberleutnant.
Je lui explique que c'est exactement ce que je viens d'expliquer à Golgoth et Willsdorff. Je fais rapidement les présentations et nous poursuivons.
Avec le Stug et le Panzer IV de Tafner, il reste 7 chars dans la division. Il y a le Jagdpanther de Will et 4 Tigre I. Nous décidons de prendre la route vers Kiev qui doit être à environ 250 kilomètres de notre position. En trois jours ça devrait être possible si les Russes nous laissent tranquilles.
Dix minutes plus tard, la colonne rebroussait chemin. Le soir tombait, et le froid mordant de cette fin d'automne m'obligea à mettre ma lourde capote de laine. Je remontais le col et enfonçais plus profondément mon calot sur la tête. Les écouteurs m'offraient une bien maigre protection contre la bise. Un nouvel hiver rude et impitoyable s'annonçait. Alors que la nuit s'apprêtait à tomber, je décidais de faire un bivouac. Trente minutes plus tard, pendant que le premier tour de garde s'organisait, la faible lueur des feux camouflés donnait au camp des allures fantomatiques. Je venais de passer plusieurs semaines à dormir à peine quelques heures par nuit, allongé sur le plancher métallique et froid du Stug, partageant mes nuits avec mon équipage. Je décidais de dormir dehors, alors que je préparais ma couchette avec plusieurs couvertures. Kupferschmied s'approcha avec une lourde marmite en fonte.
- C'est l'heure de la soupe Oberleutnant.
Il me remplit ma gamelle et me remit deux morceaux de pain.
- Je ne sais pas comment on va nourrir toute cette clique, dans trois jours, les réserves seront vides.
Il s'assied vers moi.
- Je suis désolé pour le coup du char de Tafner Fritz, mais il y avait des priorités...
Il ricane.
- Ce justifier est un signe de faiblesse Oberleutnant, vous devriez le savoir. En tout cas, vous m'avez fait abandonner ma cuisinière dans la nature et nous verrons bien si dans trois jours cela faisait effectivement partie des priorités.
Il se lève.
- Allez, bonne nuit Oberleutnant.
Et il s'en va avec sa casserole de soupe pour poursuivre son service.
Je n'ai pas envie de trop réfléchir sur l'avenir. Les couvertures sont tièdes. Je retire mes chaussures. Je sais que c'est dangereux, car s'il faut décamper rapidement, je pourrais bien me retrouver en chaussettes dans le char. Je noue les lacets ensemble et les garde à portée de mains. Je m'endors d'un profond sommeil. Tant pis si je dois mourir ici cette nuit... c'est trop bon.... les couvertures sont chaudes et le souffle du vent dans les branches me berce. Pour une fois, alors que les troupes ennemies sont probablement à portée de canon, je m'endors d'un sommeil juste et paisible
C'est Julius qui me réveille à cinq du matin. Je n'ai qu'une envie, rester dans les bras de Morphée. Mais il faut se lever, on a de la route à faire. Mes chaussures sont pleines de rosée. Le cuir est humide et froid, j'ai de la peine à les enfiler. Emmitouflé dans ma capote de laine, je tremble dans la fraîcheur matinale, Je donne les ordres et silencieusement, chacun regagne son poste. Alors qu'au loin les premières lueurs matinales illuminent le ciel indigo, les premiers moteurs démarrent empestant les lieux de gaz d'échappement. Nous reprenons ainsi notre route en colonne en direction Ouest. Peu avant la fin de la journée nous rencontrons une colonne de blindée. Il s'agit de la 7ème compagnie de la 18ème division blindée. Elle était censée rejoindre dans le secteur de Nasivka. Surprise par des Sturmovik en terrain découvert, en moins de 15 minutes, les avions d'assaut ont massacré les trois-quarts de leurs Panther. Leur commandant est le Major Gladbach. Je le rencontre assis à l'arrière de son Kubelwagen. Mal rasé, les traits tirés, il est au bout du rouleau.
- Bonjour Kowalski... nous allons à Kiev... vous aussi? Bien, alors allons-y ensemble.
Il a geste de dépit vers le Sud Ouest.
27Pzd_Kowalski- Nombre de messages : 176
Age : 57
Date d'inscription : 09/04/2007
Re: Un Stug pour la liberté
Alors que je reviens vers mon Stug, Kilh me rattrape.
- Vous m'excuserez Kowalski, mais il faut nous méfier de cet officier, il est cuit. Il ne commande plus rien. Un gars comme lui n'est plus à même de commander ce groupe... je vous propose de le relever de ses fonctions. Qu'en pensez-vous?
Je suis moi-même bientôt à bout, alors je m'en fout.
- Si jamais il fait une connerie, on avisera... le cas échéant. On va essayer de rejoindre Kiev, c'est ça le plus important.
Kilh ne dit rien de plus mais je vois que la situation lui déplaît fortement. Pourtant, il s'installe dans son Kfz sans le moindre commentaire
La nuit tombe, Gladbach ne prévoit pas de bivouac. Je l'appelle sur sa fréquence.
Il répond quasi instantanément:
- Allez-y Kowalski, je vous écoute.
- Mon Major, puis-je me permettre de suggérer une pause pour la nuit?
Je n'ai pas le temps de poursuivre. Il me coupe la parole.
- Hors de question Kowalski, la nuit les avions russes ne nous voient pas ...
- Oui mon Major, mais nos chauffeurs ne voient pas non plus et avec tous ces fantassins sur la route, c'est dangereux...
- Vous me fatiguez Kowalski, en avant et tant pis pour les maladroits qui passent sous vos chenilles, je vous autorise à abréger leur souffrance en leur tirant une balle dans la tête si le cœur vous en dit.
Julius rumine.
- Fou à lier... il est fou à lier.
Volta répond rêveur:
- Le front Est c'est comme une immense clinique psychiatrique, à part qu'ici, les fous sont tous dangereux , armés et en liberté...
Kilh intervient à son tour et m'interpelle par radio.
- Qu'est-ce qu'on fait Oberleutnant? On va finir par écraser quelqu'un si on continue à avancer comme ça à l'aveugle.
Je décide d'arrêter la colonne. Tant pis pour Gladbach. Un nouveau petit bois nous offrit ainsi son couvert pour la nuit. Aucune remarque du Major qui ne remarque même pas notre absence.
Le lendemain, un spectacle incroyable s'offre à nos yeux. Devant nous défile une interminable colonne de véhicules et de fantassins mélangés à des civils russes.
Volta murmure:
- Mais qui commande dans ce secteur.
Julius qui regarde pathétique le long flot ininterrompu ajoute:
- Merde... Cette fois c'est la fin...
Notre groupe se met en marche et nous ne pouvons que suivre le mouvement.
Nous marcherons ainsi quatre jours avant d'atteindre les abords de la grande ville de Kiev. C'était le 3 novembre 1943 et la neige faisait sa première apparition. Comme Stalingrad, Kharkov, Leningrad, Orel, Smolensk et d'autres citées soviétiques, la grande ville ukrainienne avait terriblement souffert des bombardements de septembre 1941, ce n'était qu'un enchevêtrement de ruines et de rues défoncées. Les ordres étaient de tenir la ville. Un général qu'on ne connaissait pas prit la défense ce Kiev en main. Le Leutnant Kilh restait avec nous et on s'installa dans les ruines de la zone industrielle Est. Pendant une semaine nous avons attendu à cet endroit. Les Soviétiques ne venaient pas. De temps à autre, un bimoteurs de reconnaissance nous survolait et puis filait aussi vite qu'il était venu. Les gars tuaient le temps en jouant aux cartes. Les mécaniciens profitaient de ce répit pour remettre les chars et les véhicules en ordre. Trois Panther flambant neufs rejoignirent nos rangs pour remplacer nos chars trop endommagés. Tafner tout heureux en hérita d'un. Les renforts lui permettaient de compléter son équipage et Kupferschmied qui avait reçu une nouvelle cantine, fut relevé de son poste de tankiste. Par contre, l'Unteroffizier Goliath qui avait apprécié sa nouvelle fonction demanda à rester dans l'équipage de Tafner. La compagnie que j'avais sous mes ordres était désormais composée de 9 tanks, un Jagdpanther, trois Panther, quatre Tigre et notre bon vieux Stug que les nouveaux regardent comme s'il s'agissait d'un dinosaure. Golgoth, toujours fidèle à son Tigre déglingué me rapporta même qu'un des nouveaux lui demanda si nous étions punis de combattre avec notre clou. Neuf chars alors que sur le papier, une compagnie en compte quarante cinq, sans les chars de réserves.
Et puis, une dizaine de jours plus tard, le colonel Milow est venu nous trouver.
- Oberleutnant Kowalski, voici votre ordre de marche. Vous partez le plus vite possible vers Zhitomir. On vous attend là bas pour organiser la défense de cette ville. Le Leutnant Kilh vous accompagnera avec son régiment et vous aurez avec vous les restes de la 7ème compagnie de la 18ème division blindée.
La 18ème division était celle que nous avions croisée sur le chemin, celle commandée par le Major Gladbach. Avant que je ne lui pose la question Milow ajouta.
- Gladbach qui commandait cette division s'est suicidé, il y a quatre jour. Il n'y a plus d'officiers dans cette compagnie. Tous morts lors d'une attaque aérienne. Ils sont à vous Kowalski. Bonne chance.
Il me sert la main. Un bon type ce Colonel, un homme du terrain, comme le regretté Haenig. Les restes de la 7ème compagnie est composée d'une dizaine de canons antichars tirés par des camions Krupp et des Opel Blitz, ils ont également quelques chenillés DCA dont trois 37mm. Le problème c'est que la plupart des rescapés qui composent cette unité n'ont quasiment aucune expérience. Je décide de les mélanger au régiment de Kilh. Il rigole:
- Merci Oberleutnant, mon régiment comprend maintenant presque 300 hommes, je suis prêt pour accéder au rang de Colonel. Je vais m'occuper de former au mieux ces recrues.
A mon avis, au contact des vétérans de Kilh, ils vont très vite apprendre ce que c'est de combattre sous cette latitude.
Cent quarante kilomètres nous séparaient de cette bourgade située plus à l'Ouest. Willsdorff et Golgoth regardaient pensifs la carte.
- Mais pourquoi donc ils nous envoient là bas. Ils dégarnissent la défense de Kiev. C'est gros comme le nez au milieu de la figure que les Ruskov vont concentrer leurs forces sur cette ville.
Willsdorff avait raison, jusque là, les Soviétiques n'avaient pas fait dans la dentelle, ils fonçaient droit devant eux, au rythme d'importantes pertes qu'ils pouvaient se permettre. Moyennant des milliers de morts, de blessés ou de prisonniers, ils tapaient droit devant eux, jusqu'à ce que notre défense, qui finissaient par s'affaiblir, s'écroule. Pourtant l'avenir nous démontrera que les Russes allaient devenir de très bons élèves de la Wermacht... mieux ils dépasseront leur maître.
Le 29 novembre 1943 au petit matin, nous entamons notre voyage vers Zihtomir. Après deux heures de route, nous sommes surpris dans une tempête de neige qui ne nous lâche pas pendant les quatre jours qui suivent. Alors que nous évoluons péniblement dans ses dantesques conditions, je me dis qu'au moins, elles nous protégent des attaques aériennes. Le mauvais temps met à mal le moral de nos jeunes soldats qui vivent là, leur premier hiver russe. Grâce aux hommes de Kilh, qui les haranguent parfois durement, nous finissons par arriver à Zihtomir. Nous pénétrons dans la petite citée. Curieusement elle a été assez bien préservée des bombardements. A part quelques fantomatiques civils russes qui disparaissent rapidement à notre vue, je ne découvre pas le moindre soldat allemand, pas la moindre position antiaérienne. Nous sommes visiblement seuls dans la petite citée. Un peu inquiet nous parcourons en colonne les longues rues qui nous amènent sur la place de l'hôtel de ville où flotte un drapeau nazi au premier étage. La température est de moins 43°. Mis à part le drapeau qui flotte là haut juste au-dessus de grandes inscriptions cyrilliques écrites à la gloire de Joseph Staline, tout semble abandonné. Je demande à Volta d'immobiliser le Stug devant le perron de la bâtisse. Je descends du char. Golgoth, Kilh et Willsdorff me rejoignent.
- Mais où est donc la compagnie de garde qui devait nous accueillir?
Tous avait le regard interrogateur. J'appelle Julius.
- ... essayes de contacter le QG?
Nous tapons des pieds sur le sol gelé pour essayer de vaincre le froid qui paralyse nos pieds, Julius m'appela.
- Oberleutnant, j'ai un contact avec le QG à Kiev...
J'empoignais le micro et j'exposais la situation. On me répond.
- Bien reçu. Ce n'est pas grave, vous êtes nommés responsable de la défense de la ville. Nous vous laissons vous organiser. Nous prendrons contact avec vous tous les matins et soirs sur la même fréquence. Terminé.
Défendre une ville de cette taille avec 300 hommes, 9 chars, une dizaine de canons antichars et une poignée de pièces de DCA... c'était tout simplement impossible. J'éclate de rire.
Willsdorff s'approche:
- Ben quoi??? Qu'est-ce qu'il y a de drôle?
Je me reprends.
- Rien... enfin si, mais bon...
Je demandais à Kilh et Golgoth d'installer provisoirement nos troupes dans les immeubles avoisinants. J'invitais Kupferschmied qui avait reçu pour l'occasion une toute nouvelle cantine sur roues et une équipe de cuisiniers de me suivre dans l'hôtel de ville.
- Venez Fritz, Willsdorff aussi, on va tacher de trouver de quoi organiser une QG et une cuisine digne de ce nom.
Cinq hommes de Kilh nous accompagnaient à toutes fins utiles, mais le bâtiment était vide désespérément vide. Au premier étage, je découvrais une grande pièce avec un âtre, une grande table entourée de chaises étaient installées au centre, une épaisse moquette de laine recouvrait le local. A la fenêtre, le drapeau nazi continuait de flotter. Au mur était accroché un portait du Furher. Je m'approchais de celui-ci et je le regardais pensivement. Adolf était représenté dans un uniforme beige, au bras gauche, il portait son brassard à croix gammée, le regard froncé, il paraissait nous toiser sévèrement. Au bas du portrait, figurait une de ces traditionnels phrases qui raisonnaient si bien dans ces discours du Reichstag " Arbeit macht frei!". Je décrochais le tableau et le jetais dans l'âtre. Je me retourne vers le groupe d'hommes.
- Est-ce que quelqu'un estime que je commets un crime en faisant cela?
L'un des hommes de Kilh, l'Unteroffizier Vylsain, s'approche et d'un coup de pied écrase l'effigie. Ensuite, il se rend à la fenêtre, extirpe son long poignard effilé, coupe la cordelette et arrache le drapeau d'un coup sec. Il le jette d'un geste brusque dans l'âtre. En criant
- Mensonge! Que des mensonges.
Il me regarde droit dans les yeux.
- Ca vous suffit comme réponse Oberleutnant? Dans notre régiment, nous nous battons que pour une seule chose! Restez en vie assez longtemps pour ne plus entendre parler de cette guerre...
- Vous m'excuserez Kowalski, mais il faut nous méfier de cet officier, il est cuit. Il ne commande plus rien. Un gars comme lui n'est plus à même de commander ce groupe... je vous propose de le relever de ses fonctions. Qu'en pensez-vous?
Je suis moi-même bientôt à bout, alors je m'en fout.
- Si jamais il fait une connerie, on avisera... le cas échéant. On va essayer de rejoindre Kiev, c'est ça le plus important.
Kilh ne dit rien de plus mais je vois que la situation lui déplaît fortement. Pourtant, il s'installe dans son Kfz sans le moindre commentaire
La nuit tombe, Gladbach ne prévoit pas de bivouac. Je l'appelle sur sa fréquence.
Il répond quasi instantanément:
- Allez-y Kowalski, je vous écoute.
- Mon Major, puis-je me permettre de suggérer une pause pour la nuit?
Je n'ai pas le temps de poursuivre. Il me coupe la parole.
- Hors de question Kowalski, la nuit les avions russes ne nous voient pas ...
- Oui mon Major, mais nos chauffeurs ne voient pas non plus et avec tous ces fantassins sur la route, c'est dangereux...
- Vous me fatiguez Kowalski, en avant et tant pis pour les maladroits qui passent sous vos chenilles, je vous autorise à abréger leur souffrance en leur tirant une balle dans la tête si le cœur vous en dit.
Julius rumine.
- Fou à lier... il est fou à lier.
Volta répond rêveur:
- Le front Est c'est comme une immense clinique psychiatrique, à part qu'ici, les fous sont tous dangereux , armés et en liberté...
Kilh intervient à son tour et m'interpelle par radio.
- Qu'est-ce qu'on fait Oberleutnant? On va finir par écraser quelqu'un si on continue à avancer comme ça à l'aveugle.
Je décide d'arrêter la colonne. Tant pis pour Gladbach. Un nouveau petit bois nous offrit ainsi son couvert pour la nuit. Aucune remarque du Major qui ne remarque même pas notre absence.
Le lendemain, un spectacle incroyable s'offre à nos yeux. Devant nous défile une interminable colonne de véhicules et de fantassins mélangés à des civils russes.
Volta murmure:
- Mais qui commande dans ce secteur.
Julius qui regarde pathétique le long flot ininterrompu ajoute:
- Merde... Cette fois c'est la fin...
Notre groupe se met en marche et nous ne pouvons que suivre le mouvement.
Nous marcherons ainsi quatre jours avant d'atteindre les abords de la grande ville de Kiev. C'était le 3 novembre 1943 et la neige faisait sa première apparition. Comme Stalingrad, Kharkov, Leningrad, Orel, Smolensk et d'autres citées soviétiques, la grande ville ukrainienne avait terriblement souffert des bombardements de septembre 1941, ce n'était qu'un enchevêtrement de ruines et de rues défoncées. Les ordres étaient de tenir la ville. Un général qu'on ne connaissait pas prit la défense ce Kiev en main. Le Leutnant Kilh restait avec nous et on s'installa dans les ruines de la zone industrielle Est. Pendant une semaine nous avons attendu à cet endroit. Les Soviétiques ne venaient pas. De temps à autre, un bimoteurs de reconnaissance nous survolait et puis filait aussi vite qu'il était venu. Les gars tuaient le temps en jouant aux cartes. Les mécaniciens profitaient de ce répit pour remettre les chars et les véhicules en ordre. Trois Panther flambant neufs rejoignirent nos rangs pour remplacer nos chars trop endommagés. Tafner tout heureux en hérita d'un. Les renforts lui permettaient de compléter son équipage et Kupferschmied qui avait reçu une nouvelle cantine, fut relevé de son poste de tankiste. Par contre, l'Unteroffizier Goliath qui avait apprécié sa nouvelle fonction demanda à rester dans l'équipage de Tafner. La compagnie que j'avais sous mes ordres était désormais composée de 9 tanks, un Jagdpanther, trois Panther, quatre Tigre et notre bon vieux Stug que les nouveaux regardent comme s'il s'agissait d'un dinosaure. Golgoth, toujours fidèle à son Tigre déglingué me rapporta même qu'un des nouveaux lui demanda si nous étions punis de combattre avec notre clou. Neuf chars alors que sur le papier, une compagnie en compte quarante cinq, sans les chars de réserves.
Et puis, une dizaine de jours plus tard, le colonel Milow est venu nous trouver.
- Oberleutnant Kowalski, voici votre ordre de marche. Vous partez le plus vite possible vers Zhitomir. On vous attend là bas pour organiser la défense de cette ville. Le Leutnant Kilh vous accompagnera avec son régiment et vous aurez avec vous les restes de la 7ème compagnie de la 18ème division blindée.
La 18ème division était celle que nous avions croisée sur le chemin, celle commandée par le Major Gladbach. Avant que je ne lui pose la question Milow ajouta.
- Gladbach qui commandait cette division s'est suicidé, il y a quatre jour. Il n'y a plus d'officiers dans cette compagnie. Tous morts lors d'une attaque aérienne. Ils sont à vous Kowalski. Bonne chance.
Il me sert la main. Un bon type ce Colonel, un homme du terrain, comme le regretté Haenig. Les restes de la 7ème compagnie est composée d'une dizaine de canons antichars tirés par des camions Krupp et des Opel Blitz, ils ont également quelques chenillés DCA dont trois 37mm. Le problème c'est que la plupart des rescapés qui composent cette unité n'ont quasiment aucune expérience. Je décide de les mélanger au régiment de Kilh. Il rigole:
- Merci Oberleutnant, mon régiment comprend maintenant presque 300 hommes, je suis prêt pour accéder au rang de Colonel. Je vais m'occuper de former au mieux ces recrues.
A mon avis, au contact des vétérans de Kilh, ils vont très vite apprendre ce que c'est de combattre sous cette latitude.
Cent quarante kilomètres nous séparaient de cette bourgade située plus à l'Ouest. Willsdorff et Golgoth regardaient pensifs la carte.
- Mais pourquoi donc ils nous envoient là bas. Ils dégarnissent la défense de Kiev. C'est gros comme le nez au milieu de la figure que les Ruskov vont concentrer leurs forces sur cette ville.
Willsdorff avait raison, jusque là, les Soviétiques n'avaient pas fait dans la dentelle, ils fonçaient droit devant eux, au rythme d'importantes pertes qu'ils pouvaient se permettre. Moyennant des milliers de morts, de blessés ou de prisonniers, ils tapaient droit devant eux, jusqu'à ce que notre défense, qui finissaient par s'affaiblir, s'écroule. Pourtant l'avenir nous démontrera que les Russes allaient devenir de très bons élèves de la Wermacht... mieux ils dépasseront leur maître.
Le 29 novembre 1943 au petit matin, nous entamons notre voyage vers Zihtomir. Après deux heures de route, nous sommes surpris dans une tempête de neige qui ne nous lâche pas pendant les quatre jours qui suivent. Alors que nous évoluons péniblement dans ses dantesques conditions, je me dis qu'au moins, elles nous protégent des attaques aériennes. Le mauvais temps met à mal le moral de nos jeunes soldats qui vivent là, leur premier hiver russe. Grâce aux hommes de Kilh, qui les haranguent parfois durement, nous finissons par arriver à Zihtomir. Nous pénétrons dans la petite citée. Curieusement elle a été assez bien préservée des bombardements. A part quelques fantomatiques civils russes qui disparaissent rapidement à notre vue, je ne découvre pas le moindre soldat allemand, pas la moindre position antiaérienne. Nous sommes visiblement seuls dans la petite citée. Un peu inquiet nous parcourons en colonne les longues rues qui nous amènent sur la place de l'hôtel de ville où flotte un drapeau nazi au premier étage. La température est de moins 43°. Mis à part le drapeau qui flotte là haut juste au-dessus de grandes inscriptions cyrilliques écrites à la gloire de Joseph Staline, tout semble abandonné. Je demande à Volta d'immobiliser le Stug devant le perron de la bâtisse. Je descends du char. Golgoth, Kilh et Willsdorff me rejoignent.
- Mais où est donc la compagnie de garde qui devait nous accueillir?
Tous avait le regard interrogateur. J'appelle Julius.
- ... essayes de contacter le QG?
Nous tapons des pieds sur le sol gelé pour essayer de vaincre le froid qui paralyse nos pieds, Julius m'appela.
- Oberleutnant, j'ai un contact avec le QG à Kiev...
J'empoignais le micro et j'exposais la situation. On me répond.
- Bien reçu. Ce n'est pas grave, vous êtes nommés responsable de la défense de la ville. Nous vous laissons vous organiser. Nous prendrons contact avec vous tous les matins et soirs sur la même fréquence. Terminé.
Défendre une ville de cette taille avec 300 hommes, 9 chars, une dizaine de canons antichars et une poignée de pièces de DCA... c'était tout simplement impossible. J'éclate de rire.
Willsdorff s'approche:
- Ben quoi??? Qu'est-ce qu'il y a de drôle?
Je me reprends.
- Rien... enfin si, mais bon...
Je demandais à Kilh et Golgoth d'installer provisoirement nos troupes dans les immeubles avoisinants. J'invitais Kupferschmied qui avait reçu pour l'occasion une toute nouvelle cantine sur roues et une équipe de cuisiniers de me suivre dans l'hôtel de ville.
- Venez Fritz, Willsdorff aussi, on va tacher de trouver de quoi organiser une QG et une cuisine digne de ce nom.
Cinq hommes de Kilh nous accompagnaient à toutes fins utiles, mais le bâtiment était vide désespérément vide. Au premier étage, je découvrais une grande pièce avec un âtre, une grande table entourée de chaises étaient installées au centre, une épaisse moquette de laine recouvrait le local. A la fenêtre, le drapeau nazi continuait de flotter. Au mur était accroché un portait du Furher. Je m'approchais de celui-ci et je le regardais pensivement. Adolf était représenté dans un uniforme beige, au bras gauche, il portait son brassard à croix gammée, le regard froncé, il paraissait nous toiser sévèrement. Au bas du portrait, figurait une de ces traditionnels phrases qui raisonnaient si bien dans ces discours du Reichstag " Arbeit macht frei!". Je décrochais le tableau et le jetais dans l'âtre. Je me retourne vers le groupe d'hommes.
- Est-ce que quelqu'un estime que je commets un crime en faisant cela?
L'un des hommes de Kilh, l'Unteroffizier Vylsain, s'approche et d'un coup de pied écrase l'effigie. Ensuite, il se rend à la fenêtre, extirpe son long poignard effilé, coupe la cordelette et arrache le drapeau d'un coup sec. Il le jette d'un geste brusque dans l'âtre. En criant
- Mensonge! Que des mensonges.
Il me regarde droit dans les yeux.
- Ca vous suffit comme réponse Oberleutnant? Dans notre régiment, nous nous battons que pour une seule chose! Restez en vie assez longtemps pour ne plus entendre parler de cette guerre...
27Pzd_Kowalski- Nombre de messages : 176
Age : 57
Date d'inscription : 09/04/2007
Re: Un Stug pour la liberté
Ca s'annonce tendu à Zihtomir
RTA_Oscarbob- Lt Colonel
- Nombre de messages : 12635
Localisation : (en bas à droite)
Date d'inscription : 26/10/2005
Re: Un Stug pour la liberté
Toujours aussi bien ecris... j'en ai les pieds gelés rien qu'a la lecture
.... et au final c'est toujours aussi dérangeant de faire des critiques , surtout qu' elle ne sont pas dramatique : juste quelques chars cités mais pas encore produit en 43.
Coté allemand :
Pas de Jagdpanther, il apparait mi-44, et connait ses premiers combats en juillet 44 en Normandie.
A sa place, il y avait quelques ferdinand/elephant, en gros un canon de 88 "long" (le même que celui du jagdpanther, ou du tigre II), monté sur les chassis de tigre construit par Porshe, sous une boite en acier pratiquement indestructible, sauf par l'infanterie. Sinon, il y avait aussi le Nashorn, qui porte le même canon, mais sur un chassis de panzer IV, le tout sans protection ou presque.
Coté russe :
Pas de T34/85 (comme le Jadgpanther : printemps 44), mais des su-85 : le canon de 85 est directement monté sur le chassis du T34, dans le style du stug (ya des copieurs on le sent ).
Pas d'IS2 non plus, par contre il devait y avoir encore des KV1 (ptete en version KV1S), pratiquement indestructible mais avec un canon de T34 (76.2mm).
Enfin bref, rien d'important, ca joue aucun rôle dans le recit, c'était juste parce que ca me titillait. Alors pas taper pas taper
.... et au final c'est toujours aussi dérangeant de faire des critiques , surtout qu' elle ne sont pas dramatique : juste quelques chars cités mais pas encore produit en 43.
Coté allemand :
Pas de Jagdpanther, il apparait mi-44, et connait ses premiers combats en juillet 44 en Normandie.
A sa place, il y avait quelques ferdinand/elephant, en gros un canon de 88 "long" (le même que celui du jagdpanther, ou du tigre II), monté sur les chassis de tigre construit par Porshe, sous une boite en acier pratiquement indestructible, sauf par l'infanterie. Sinon, il y avait aussi le Nashorn, qui porte le même canon, mais sur un chassis de panzer IV, le tout sans protection ou presque.
Coté russe :
Pas de T34/85 (comme le Jadgpanther : printemps 44), mais des su-85 : le canon de 85 est directement monté sur le chassis du T34, dans le style du stug (ya des copieurs on le sent ).
Pas d'IS2 non plus, par contre il devait y avoir encore des KV1 (ptete en version KV1S), pratiquement indestructible mais avec un canon de T34 (76.2mm).
Enfin bref, rien d'important, ca joue aucun rôle dans le recit, c'était juste parce que ca me titillait. Alors pas taper pas taper
615sqn_Kierkegaard- Flying Officer
- Nombre de messages : 571
Localisation : Au bout d'un parachute...
Date d'inscription : 27/03/2006
Re: Un Stug pour la liberté
ET c'est maintenant que tu le dits??? Quand j'ai 62 pages A4 de blablas derrière moi.
Ok je vais tout reprendre et corriger au fur et à mesure.
Ok je vais tout reprendre et corriger au fur et à mesure.
615sqn_Harry- Wing Commander
- Nombre de messages : 8393
Localisation : Al Fayat
Date d'inscription : 26/10/2005
Re: Un Stug pour la liberté
Ah bin non !
Moi aussi j'ai tout mis sur Word au fur et à mesure !!!
Faut tout que je recolle !
Kier au piquet !!!
Moi aussi j'ai tout mis sur Word au fur et à mesure !!!
Faut tout que je recolle !
Kier au piquet !!!
RTA_Oscarbob- Lt Colonel
- Nombre de messages : 12635
Localisation : (en bas à droite)
Date d'inscription : 26/10/2005
Re: Un Stug pour la liberté
Vive nous! (Vive l'oberleutnant!)
27Pzd_Julius- Nombre de messages : 66
Date d'inscription : 11/04/2007
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