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L’Horreur du plein ciel

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psyduck
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Message par psyduck Lun 2 Nov 2009 - 19:35

c'est dans le domaine publique l'auteur étant mort depuis plus de 70 ans.

L’Horreur du plein ciel
(The Horror of the Heights)
Arthur Conan Doyle

Tous ceux qui ont eu à connaître de cette affaire ont renoncé
à croire que le récit extraordinaire, appelé le « Fragment de
Joyce-Armstrong », soit une mystification forgée par un inconnu
sous l’inspiration d’un humour dépravé. Le plus macabre et
le plus fécond des farceurs y aurait regardé à deux fois avant de
consacrer sa fantaisie morbide aux faits tragiquement incontestables
qui étayent ce document. Bien que celui-ci soit truffé
d’assertions stupéfiantes et même monstrueuses, il n’en est pas
moins convaincant, et il nous oblige à réviser certaines idées qui
paraissent aujourd’hui dépassées. Seule une marge insignifiante
de sécurité protège le monde contre un danger inattendu. Avant
de reproduire le document original dans sa forme malheureusement
incomplète, je vais soumettre au lecteur tous les faits
connus à ce jour. En premier lieu j’avertis les sceptiques qui
mettraient en doute le récit de Joyce-Armstrong que les faits
concernant le lieutenant Myrtle, de la Marine Royale, et Monsieur
Hay Connor, ont été vérifiés : ils sont bien morts comme
l’a décrit le narrateur.
Le « Fragment de Joyce-Armstrong » a été trouvé dans le
champ connu sous le nom de Lower Haycock, à quinze cents
mètres à l’ouest du village de Withyham, sur la frontière du
Kent et du Sussex. Le 15 septembre dernier un ouvrier agricole,
James Flynn, au service du fermier Mathew Dodd, de Chauntry
Farm, à Withyham, a aperçu une pipe de bruyère à côté duchemin qui longe la haie de Lower Haycock.
Quelques mètres plus loin, il a trouvé une paire de lunettes cassées. Finalement, il
a découvert parmi les orties du fossé un livre plat endossé de
toile : c’était un carnet de notes ; quelques feuillets s’étaient détachés
et voletaient au pied de la haie. Il a ramassé le tout ; trois
feuillets malheureusement, dont les deux premiers, n’ont pu
être retrouvés. L’ouvrier agricole a rapporté son butin à son
maître ; celui-ci, à son tour, l’a montré au docteur J. H. Atherton,
de Hartfield. Ce gentleman s’est tout de suite rendu compte
qu’une expertise était indispensable : le manuscrit a donc été
remis à l’Aéro-Club de Londres, où il se trouve encore.
Les deux premières pages du manuscrit manquent. Une
autre a été également arrachée à la fin du récit. Mais la cohérence
de l’ensemble n’en souffre pas. On suppose que le début
retraçait le palmarès de Monsieur Joyce-Armstrong ; palmarès
aisément reconstituable et qui demeure inégalé dans l’aviation
anglaise. Pendant de nombreuses années Joyce-Armstrong a été
considéré comme l’un des hommes volants les plus audacieux et
les plus savants ; cette combinaison de talents lui a permis
d’inventer et d’expérimenter divers procédés auxquels son nom
reste attaché. Tout son manuscrit est correctement écrit à
l’encre, sauf les dernières lignes : griffonnées au crayon, elles
sont presque illisibles ; on dirait qu’elles ont été tracées en toute
hâte sur le siège d’un avion en vol. Ajoutons que des taches maculent
la dernière page et la couverture ; les experts du ministère
de l’Intérieur ont déclaré qu’il s’agissait de taches de sang,
probablement d’un sang humain, à coup sûr d’un sang de
mammifère. Le fait que l’analyse de ce sang ait révélé quelque
chose ressemblant fortement au virus de la malaria (Joyce-
Armstrong souffrait de fréquents accès de fièvre) est un exemple
remarquable des armes nouvelles que la science moderne met
entre les mains de nos détectives.
Un mot maintenant sur la personnalité de l’auteur d’un document
qui fera époque. Joyce-Armstrong, si l’on en croit les quelques amis qui l’ont bien connu,
était un rêveur et un poète autant qu’un inventeur et un technicien de la mécanique. Il
avait dépensé la plus grande partie d’une fortune considérable
pour satisfaire sa marotte de l’aviation. Dans ses hangars près
de Devizes, il possédait quatre avions personnels et, au cours de
l’année précédente, il n’avait pas pris l’air moins de cent
soixante-dix fois. Il était souvent d’humeur sombre ; en ces occasions
il s’isolait et évitait tout contact avec la société. Le capitaine
Dangerfield, qui était son compagnon le plus intime, affirme
qu’en certaines circonstances son excentricité frisait la
démence : n’avait-il pas l’habitude d’emporter en avion un fusil
de chasse ?
D’autre part l’accident survenu au lieutenant Myrtle l’avait
déplorablement impressionné. S’attaquant au record d’altitude,
Myrtle était tombé d’une hauteur d’environ dix mille mètres.
Fait horrible : sa tête avait complètement disparu ; cependant
ses membres et tout le reste de son corps avaient conservé leurs
formes originelles. Chaque fois que des pilotes se réunissaient,
Joyce Armstrong demandait avec un sourire énigmatique : « S’il
vous plaît, avez-vous retrouvé la tête de Myrtle ? ».
Un soir après dîner, au mess de l’école de pilotage de Salisbury,
il avait provoqué un débat sur le thème suivant : quel est
le plus grand et le plus constant des dangers des aviateurs ?
Après avoir écouté les opinions émises à propos des trous d’air,
des vices de construction, des orages, il avait haussé les épaules
en refusant de donner son avis personnel ; mais il avait fait
comprendre qu’il différait radicalement de ceux qu’il venait
d’entendre.
Il n’est pas inutile de signaler qu’au lendemain de sa disparition,
on a découvert qu’il avait mis ses affaires en ordre, avec
une minutie qui autorise à croire qu’il pressentait la fin qui
l’attendait.
Ces indications préalables étaient nécessaires. Je vais
maintenant transcrire exactement le récit, tel qu’il figure à partir
de la page 3 du carnet de notes ensanglanté.
« … Néanmoins, quand j’ai dîné à Reims avec Coselli et
Gustave Raymond, force m’a bien été de constater que ni l’un ni
l’autre n’avaient conscience de l’existence d’un danger particulier
aux hautes couches de l’atmosphère. Je ne leur ai pas dit
tout à fait ce que j’avais dans la tête ; mais j’ai procédé par allusions,
et s’ils avaient eu des idées analogues aux miennes ils
n’auraient pas manqué de les exprimer. Hélas, ces deux vaniteux
sans cervelle ne pensent à rien d’autre qu’à voir leurs noms
imprimés dans le journal ! J’ai noté avec intérêt que ni l’un ni
l’autre n’avaient volé beaucoup plus haut que sept mille, sept
mille cinq cents mètres. Ce doit être carrément au-dessus de
cette altitude que l’avion pénètre dans la zone de danger (toujours
en supposant que mes hypothèses soient justes).
« Voilà plus de vingt ans que les hommes volent en avion ;
si quelqu’un me demandait pourquoi ce péril ne se révélerait
qu’à présent, la réponse serait simple. Au temps des moteurs
modestes, quand on estimait qu’un 100 CV Gnome ou Green
suffisait à couvrir tous les besoins, les avions ne pouvaient pas
dépasser certaines limites. Maintenant, les 300 CV sont la règle
plutôt que l’exception, et les séjours dans les hautes couches de
l’atmosphère sont devenus plus faciles, plus fréquents. Certains
parmi nous se rappellent que, lorsque nous étions jeunes, Garros
s’acquit une réputation mondiale en atteignant l’altitude de
six mille mètres, et le survol des Alpes passa pour un exploit
tout à fait formidable. Depuis, notre moyenne s’est considérablement
améliorée, et il y a vingt vols en altitude là où jadis il
n’y en avait qu’un. Certes, la plupart ont été effectués en parfaite
impunité, et les dix mille mètres ont été atteints bien des fois
sans autres obstacles que le froid et la suffocation. Mais qu’estce
que cela prouve ? Un visiteur pourrait descendre un millier
de fois sur notre planète et ne jamais voir un tigre. Pourtant les
– 7 –
tigres existent, et si par hasard notre visiteur se posait dans la
jungle il pourrait être dévoré. Il y a des jungles dans l’air supérieur,
habitées par plus terribles que des tigres. Je crois qu’un
temps viendra où ces jungles seront reportées avec précision sur
les cartes. Dès à présent je peux en situer deux. L’une au-dessus
de la région Pau-Biarritz en France. L’autre au-dessus de ma
tête pendant que j’écris chez moi dans le Wiltshire. Je croirais
assez qu’il en existe une troisième dans la région de Wiesbaden.
« Ce sont certaines disparitions d’aviateurs qui m’en ont
donné l’idée. Bien sûr, on admet généralement qu’ils sont tombés
en mer, mais cette explication ne me satisfait pas du tout.
D’abord il y a eu Verrier, en France ; son appareil a bien été retrouvé
près de Bayonne, mais jamais on n’a découvert son cadavre.
Il y a eu aussi le cas de Baxter, qui a disparu, bien que son
moteur et quelques débris de ferraille aient été identifiés dans
un bois du Leicestershire. Le docteur Middleton, d’Amesbury,
qui suivait le vol de l’avion à la lunette, a déclaré que juste avant
que les nuages n’obscurcissent son champ visuel, il avait vu
l’appareil, qui se trouvait à une altitude considérable, se cabrer
soudain perpendiculairement dans une série de secousses d’une
violence incroyable. Voilà la dernière image enregistrée de
l’avion de Baxter. Il y a eu ensuite plusieurs autres cas analogues,
et puis il y a eu la mort de Hay Connor. Que de vains bavardages
sur ce mystère non élucidé ! Que de colonnes dans les
journaux ! Mais on s’est bien gardé d’aller au fond des choses. Il
est descendu en vol plané d’une altitude inconnue. Il n’est pas
sorti de son appareil : il était mort sur son siège. De quoi est-il
mort ? « Crise cardiaque », ont répondu les médecins. Absurde !
Le coeur de Connor était aussi robuste que le mien. Qu’a déclaré
Venables ? Venables était le seul homme qui se trouvait à côté
de lui quand il est mort. Il a affirmé que Hay Connor était secoué
de frissons et qu’il avait l’air épouvanté. « Mort de peur »,
a dit Venables sans parvenir à imaginer ce qui lui avait fait peur.
Connor n’a murmuré qu’un mot à Venables. Un mot qui ressemblait
à « monstrueux ». Au cours de l’enquête, personne n’a
– 8 –
pu préciser à quoi ce « monstrueux » pouvait s’appliquer. Moi,
j’en serais capable ! Des monstres ! Tel a été le dernier mot du
pauvre Harry Hay Connor. Et il est réellement mort de peur ;
Venables avait raison.
« Et puis il y a eu la tête de Myrtle. Croyez-vous vraiment
(quelqu’un croit-il vraiment) qu’une tête d’homme puisse être
complètement renfoncée dans son corps à la suite d’une chute ?
Moi, en tout cas, je n’ai jamais cru en cette explication pour
Myrtle. Et la graisse sur ses vêtements ! « Tout gluants de
graisse », a déposé quelqu’un à l’enquête. Étrange, que personne
n’ait réfléchi là-dessus ! J’ai réfléchi, moi. Il est vrai que
depuis longtemps je réfléchissais déjà. J’ai fait trois tentatives
(et Dangerfield qui me taquinait parce que j’emportais mon fusil
de chasse !) mais je ne suis pas monté assez haut. Maintenant,
avec mon nouveau Paul Veroner léger et son Robur de 175 CV,
je devrais demain atteindre facilement les 10.000 mètres. Je
tenterai le record. Possible que je tente aussi le diable !… Je ne
nie pas le danger. Mais si un homme veut éviter le danger, il n’a
qu’à s’abstenir de voler et à passer sa vie en pantoufles et en
robe de chambre. Demain j’explorerai la jungle de l’air. S’il y a
quelque chose dedans, je le saurai. Si j’en reviens, je serai un
personnage célèbre, une vedette. Si je n’en reviens pas, ce carnet
de notes attestera ce que j’essaie de faire, et comment j’aurai
perdu la vie en essayant. Mais de grâce, pas de radotages sur un
« accident » ou un « mystère » !
« J’ai choisi mon monoplan Paul Veroner pour ce petit travail.
Rien de tel qu’un monoplan quand on veut vraiment réussir
quelque chose : Beaumont s’en est aperçu tout au début. Par
exemple l’humidité ne l’affecte pas ; or le temps actuel laisse
prévoir que nous serons constamment dans les nuages. C’est un
joli petit prototype qui répond à ma main comme un cheval à
bouche tendre. Le moteur est un Robur de dix cylindres qui fait
175 CV. L’appareil est pourvu des derniers progrès de la technique
: fuselage blindé, patins d’atterrissage aux courbes hautes,
freins puissants, stabilisateurs gyroscopiques, trois vitesses actionnées
par une altération de l’angle des plans d’après le principe
des jalousies à lames mobiles. J’ai emporté un fusil de
chasse et une douzaine de cartouches de gros plomb ; vous auriez
dû voir la tête de Perkins, mon vieux mécano, quand je l’ai
prié de les mettre dans l’avion. Je me suis habillé en explorateur
de l’Arctique, avec deux chandails sous ma combinaison, des
bas épais à l’intérieur de mes bottes fourrées, une casquette à
rabats et mes lunettes en mica. Dehors, près des hangars,
j’étouffais ; mais comme je voulais dépasser en ascension la
hauteur du sommet de l’Himalaya, il fallait bien que je porte le
costume de mon rôle. Perkins se doutait de quelque chose et il
m’a supplié de l’emmener. Si j’avais utilisé un biplan, j’aurais
peut-être accédé à sa requête ; mais un monoplan dont on veut
tirer le maximum de force ascensionnelle est l’affaire d’un
homme seul. Naturellement j’ai pris une vessie d’oxygène ;
l’aviateur qui voudrait tenter de battre un record d’altitude sans
oxygène serait gelé ou suffoquerait, ou cumulerait les deux inconvénients.
« Avant de prendre place j’ai vérifié les plans, le palonnier
et le guignol. Satisfait de mon inspection, j’ai mis en marche et
j’ai roulé en douceur. J’ai décollé en première, j’ai fait deux fois
le tour du terrain pour chauffer un peu le moteur ; avec un geste
de la main j’ai dit au revoir à Perkins et aux autres, puis je me
suis enlevé et j’ai poussé le moteur à fond. L’avion a glissé dans
le vent comme une hirondelle pendant une quinzaine de kilomètres.
Je l’ai mis nez en l’air, et il a commencé à grimper en
dessinant une grande spirale vers le banc de nuages. Il est très
important de s’élever lentement pour s’adapter à la pression.
« Il faisait lourd et chaud pour un jour de septembre en
Angleterre ; la pluie menaçait. Des bouffées de vent soufflaient
du sud-ouest ; l’une d’elles, particulièrement violente, m’a pris
au dépourvu et m’a brutalement déporté. Je me rappelle le
temps où les rafales et les trous d’air représentaient de graves
– 10 –
dangers, parce que nos moteurs manquaient de puissance. Juste
au moment où j’ai atteint la couche de nuages, il s’est mis à
pleuvoir ; mon altimètre marquait mille mètres. Ma parole,
quelle pluie ! Elle tambourinait sur les ailes, me fouettait le visage,
brouillait mes lunettes ; je n’y voyais presque plus rien.
Elle contrariait ma moyenne, mais qu’y faire ? Pendant que je
prenais de la hauteur, elle s’est transformée en grêle, et j’ai dû
chercher à la contourner. L’un de mes cylindres ne fonctionnait
plus : une bougie encrassée, sans doute ; néanmoins j’ai pu
continuer à grimper sans rien perdre de ma puissance.
D’ailleurs peu de temps après, mon ennui mécanique a pris fin,
et j’ai réentendu le vrombissement plein, profond des dix cylindres
qui chantaient d’une seule voix en parfaite harmonie. Voilà
où intervient le miracle de nos silencieux modernes : nous pouvons
enfin contrôler nos moteurs par l’oreille. Quand ils ne
tournent pas rond, comme ils crient, protestent, sanglotent !
Autrefois tous ces appels au secours étaient perdus, engloutis
par l’épouvantable vacarme de la machine. Ah, si seulement les
pionniers de l’aviation pouvaient ressusciter pour admirer la
perfection mécanique qui a été payée du prix de leur vie !
« Vers neuf heures et demie je suis arrivé tout près des
nuages. Au-dessous de moi, toute brouillée et barbouillée de
pluie, s’étendait la vaste plaine de Salisbury. Une demidouzaine
d’appareils se traînaient à trois ou quatre cents mètres
d’altitude ; on aurait dit des moineaux. J’ai eu l’impression
qu’ils se demandaient ce que j’allais faire dans les nuages. Brusquement
un rideau gris s’est étiré sous moi et des tortillons de
vapeur humide ont dansé autour de ma figure. C’était froid et
triste. Mais j’avais vaincu la grêle, et c’était autant de gagné. Le
nuage était aussi sombre et épais qu’un brouillard londonien.
Désireux d’en sortir, j’ai tiré sur le manche jusqu’à ce que résonne
la sonnette d’alarme automatique : je commençais à glisser
à reculons. Mes ailes détrempées m’avaient alourdi plus que
je ne l’aurais cru. Mais bientôt je suis parvenu dans une zone
nuageuse moins dense, puis j’ai émergé. Une deuxième couche,
– 11 –
opaline et cotonneuse, m’attendait à une grande altitude audessus
de moi ; elle constituait un plafond blanc uni, tandis
qu’en bas s’étalait un plancher noir et aussi lisse ; entre les deux
mon monoplan se frayait son chemin vers le plein ciel. On se
sent mortellement seul dans ces vastes espaces ! J’ai vu une
grande troupe d’oiseaux aquatiques volant à tire d’ailes vers
l’ouest. J’avoue que leur présence m’a fait plaisir. Je pense que
c’étaient des sarcelles, mais je suis un piètre zoologue. Maintenant
que les hommes se sont faits oiseaux, nous devrions apprendre
à reconnaître nos frères du premier coup d’oeil.
« Le vent brassait sous moi la grande plaine de nuages. À
un moment donné il a déclenché un grand remous, un gouffre
s’est creusé et, par le trou de sa cheminée, j’ai aperçu la terre.
Un gros avion blanc volait beaucoup plus bas. C’était sans doute
le service régulier du matin Bristol-Londres. Puis le tourbillon
s’est mis à tournoyer dans l’autre sens, et j’ai retrouvé ma solitude.
« Un peu après dix heures, j’ai pris contact avec le bord inférieur
de la couche nuageuse du dessus. Ces stratus étaient de
la fine vapeur diaphane qui dérivait lentement vers l’est. La
force du vent avait régulièrement augmenté. Déjà la température
était très froide, bien que mon altimètre n’indiquât que
trois mille mètres. Le moteur tournait admirablement rond.
Plus épais que je ne l’escomptais, le nuage s’est finalement
aminci en une brume dorée, et j’ai été accueilli par un ciel absolument
pur et un soleil radieux. Au-dessus de moi, rien que du
bleu et de l’or ; au-dessous, rien que de l’argent étincelant. Il
était dix heures et quart ; l’aiguille du barographe indiquait quatre
mille deux cents mètres. J’ai continué mon ascension, les
oreilles attentives au ronronnement du moteur, les yeux constamment
fixés sur le chronomètre, le compte-tours, le niveau
d’essence, la pompe à huile. Rien d’étonnant que les aviateurs
soient considérés comme des gens qui n’ont peur de rien : ils
ont à penser à tellement de choses qu’ils n’ont pas le temps de penser à eux-mêmes.
C’est à ce moment-là que j’ai remarqué
comme une boussole est peu digne de foi quand on dépasse une
certaine altitude au-dessus de la terre. Le soleil et le vent, heureusement,
me donnaient mes véritables coordonnées.
« J’avais espéré trouver une éternité de calme en prenant
toujours plus de hauteur ; mais au fur et à mesure que je grimpais,
la tempête croissait, elle, en violence. Mon monoplan gémissait,
tremblait dans tous ses rivets, se faisait balayer comme
une feuille de papier quand je voulais virer, glissait dans le vent
plus vite, peut-être, qu’aucun mortel n’avait jamais volé. Il me
fallait redresser constamment l’appareil et louvoyer dans l’épi
du vent, car je n’ambitionnais pas seulement un record
d’altitude : d’après tous mes calculs, c’était au-dessus du petit
Wiltshire qu’était située ma jungle de l’air ; je perdrais donc le
bénéfice de tous mes efforts si j’attaquais ailleurs les hautes
couches de l’atmosphère.
« Je suis arrivé à six mille mètres aux environs de midi. Le
vent était si violent que je regardais anxieusement les haubans
de mes ailes ; je m’attendais d’un moment à l’autre à les voir
détendus ou rompus. J’avais dégagé le parachute derrière moi
et je l’avais accroché à l’anneau de ma ceinture de cuir, afin
d’être paré pour le pire. C’est dans des moments pareils qu’un
travail bâclé par un mécanicien peut coûter la vie à un pilote !
Mais l’appareil se comportait courageusement. Ses cordages, ses
supports bourdonnaient et vibraient comme autant de cordes de
harpe ; j’étais pourtant émerveillé de voir, comment, malgré les
coups et les secousses qui lui étaient assénés, il poursuivait son
entreprise de domination du ciel. Il faut qu’il y ait quelque chose
de divin dans l’homme pour qu’il s’élève ainsi au-dessus des
limites que le Créateur a paru lui assigner, et pour qu’il s’élève
grâce à cette continuité désintéressée, héroïque, dont témoigne
la conquête de l’air. On parle de dégénérescence humaine !
Quand donc une histoire comparable a-t-elle été écrite dans les
annales de notre race ?
– 13 –
« C’est avec ces idées en tête que je poussais toujours plus
haut mon avion ; tantôt le vent me lacérait la figure, tantôt il
sifflait derrière mes oreilles ; la plaine de nuages au-dessous de
moi avait pris ses distances ; ses replis, ses boursouflures
d’argent s’étaient fondus dans une platitude éblouissante. Mais
tout à coup j’ai été victime d’un avatar sans précédent. Certes je
savais déjà ce qu’il en coûtait de se trouver dans ce que nos voisins
d’Outre-Manche appellent un tourbillon ; mais à une
échelle pareille je n’en avais jamais vu. Ce formidable fleuve de
vent qui balaie tout contient, semble-t-il, des remous en son
sein qui sont aussi terrifiants que lui-même. Sans le moindre
avertissement, j’ai été happé brutalement par l’un d’eux. Pendant
une ou deux minutes j’ai tourné en rond à une vitesse telle
que j’ai failli perdre connaissance, puis je suis tombé, l’aile gauche
la première, dans le trou de la cheminée centrale. Le vide
m’a entraîné en chute libre, comme une pierre, pendant près de
trois cents mètres. Je ne suis demeuré sur mon siège que grâce à
ma ceinture : la secousse m’avait coupé le souffle et déporté à
demi évanoui par-dessus le bord du fuselage. Mais (et c’est là
mon grand mérite d’aviateur) je suis toujours capable de fournir
l’effort suprême. J’ai pris conscience que ma chute se ralentissait.
En fait le tourbillon était plutôt un cône qu’une cheminée
cylindrique, et je me rapprochais du sommet de ce cône. Au prix
d’une terrible torsion, en jetant tout mon poids d’un côté, j’ai
remis mes ailes d’aplomb et j’ai repris le contrôle de l’avion pour
sortir des remous. Brisé mais victorieux, j’ai à nouveau tiré sur
le manche et j’ai recommencé à grimper. Vers treize heures je
me trouvais à sept mille mètres au-dessus du niveau de la mer.
À ma grande satisfaction j’étais arrivé au-dessus de la tempête ;
plus je montais, plus l’air se faisait calme ; par contre il était très
froid, et je commençais à éprouver la nausée particulière qui
accompagne la raréfaction de l’air : alors j’ai dévissé la capsule
de ma vessie d’oxygène et j’ai aspiré à intervalles réguliers ce
gaz miraculeux. Je le sentais couler comme un cordial dans mes
– 14 –
veines, et j’étais émoustillé, au bord de l’ivresse. Je criais, je
chantais tout en dessinant mes orbes dans le ciel glacé.
« Je suis sûr que la défaillance dont ont été victimes Glaisher
et, à un degré moindre, Coxwell quand en 1862 ils atteignirent
en ballon l’altitude de dix mille mètres a été provoquée par
la rapidité extrême avec laquelle s’accomplit une ascension perpendiculaire
en ballon. Quand on monte selon un angle modéré
et que l’on s’accoutume lentement à la diminution de la pression
atmosphérique, on évite ce genre de troubles. Moi, à altitude
égale, je me suis aperçu que, même sans mon inhalateur
d’oxygène, je pouvais respirer sans malaise intolérable. Le froid
devenait diablement vif, cependant, et mon thermomètre marquait
-18° centigrades. À treize heures trente, j’étais presque à
onze mille mètres au-dessus de la surface du globe et je continuais
à grimper régulièrement. Toutefois l’air raréfié soutenait
moins bien mes ailes, et mon angle d’ascension s’était considérablement
réduit. J’ai compris que, même avec un appareil aussi
léger et un moteur ultra-robuste, je ne tarderais pas à atteindre
mon plafond. Comble de malchance : une bougie s’étant
déréglée, mon moteur s’est mis à tousser.
« Au moment où je redoutais un échec un incident tout à
fait extraordinaire est survenu. Un objet m’a dépassé en vrombissant
et en dégageant de la fumée à sa suite, puis a explosé
dans un grand sifflement au milieu d’un nuage de vapeur. Sur le
moment je suis resté interloqué. Et puis je me suis rappelé que
la terre était continuellement bombardée par des pierres météoriques,
et qu’elle serait difficilement habitable si presque tous
ces météorites ne se transformaient pas en vapeur au contact
des couches supérieures de l’atmosphère. Voilà bien un nouveau
danger pour l’amateur du plein ciel, car deux autres météorites
sont passés près de moi quand j’ai approché des douze mille
mètres ! Aux confins de l’enveloppe terrestre, le risque doit être
très grand et très réel.
L’aiguille de mon barographe marquait douze mille trois
cents mètres quand je me suis rendu compte que je ne pourrais
pas monter plus haut. Physiquement j’aurais pu supporter un
effort supplémentaire, mais ma machine avait atteint sa limite.
L’air raréfié ne soutenait plus suffisamment mes ailes : à la
moindre inclinaison l’appareil glissait sur l’aile, et n’obéissait
plus aux commandes. Peut-être, si le moteur n’avait pas cafouillé,
aurais-je grignoté trois ou quatre cents mètres de plus ; mais
les ratés se faisaient de plus en plus nombreux, et deux cylindres
sur dix me paraissaient en panne. Si je ne me trouvais pas
déjà dans la zone que je recherchais, il me serait impossible de
l’atteindre à présent ! Mais n’y avais-je pas pénétré ? Dessinant
des cercles et planant comme un gigantesque faucon à l’altitude
de douze mille trois cents mètres, j’ai laissé le monoplan se diriger
tout seul ; et avec mes jumelles, j’ai soigneusement inspecté
les alentours. Le ciel était d’une clarté parfaite. Rien ne laissait
prévoir l’existence des dangers que je soupçonnais.
« J’ai dit que je planais en dessinant des cercles. J’ai réfléchi
que je ferais beaucoup mieux de prospecter une zone plus
étendue. Un chasseur qui se rend dans l’une des jungles de la
terre ne la traverse-t-il pas d’un bout à l’autre dans l’espoir de
découvrir son gibier ? Or, selon mes déductions, la jungle de
l’air que je visais devait se situer quelque part au-dessus du
Wiltshire, c’est-à-dire sur mon sud-ouest. J’ai effectué un relèvement
d’après le soleil, puisque le compas était hors d’usage et
que je ne distinguais plus la terre, et j’ai foncé dans la direction
voulue. Tout droit, parce que j’avais calculé qu’il ne me restait
plus d’essence que pour une heure. Mais je pouvais m’offrir le
luxe de l’épuiser jusqu’à la dernière goutte, car un magnifique
vol plané me ramènerait sans encombre au sol.
« Soudain, j’ai senti quelque chose de neuf. Devant moi
l’air avait perdu sa limpidité de cristal. Il contenait de longues
formes tordues d’une matière que je ne pouvais comparer qu’à
de la très fine fumée de cigarette. Leurs guirlandes, leurs cou–
16 –
ronnes roulaient lentement dans la lumière du soleil. Quand le
monoplan a traversé cette matière inconnue, j’ai eu sur les lèvres
un vague goût d’huile et la charpente de mon appareil s’est
recouverte d’une écume graisseuse. Une matière organique infiniment
subtile semblait être en suspension dans l’atmosphère.
Était-ce de la vie ? Cette matière inconsistante, rudimentaire,
s’étirait sur plusieurs hectares puis s’effrangeait dans le vide.
Non, ce n’était pas de la vie ! Mais peut-être des vestiges de vie ?
Quelque chose comme une pâture de vie, la pâture d’une vie
monstrueuse ? La modeste graisse de l’océan est bien la pâture
de la puissante baleine ! J’étais en train d’y réfléchir quand, levant
les yeux, j’ai été gratifié d’une vision absolument unique.
Puis-je espérer vous la rapporter telle qu’elle m’est apparue
mardi dernier ?
« Imaginez une méduse telle qu’on en trouve dans les mers
tropicales, en forme de cloche mais d’une taille énorme : beaucoup
plus grosse, selon moi, que le dôme de l’église Saint-Paul.
D’une couleur rose tendre veinée d’un vert délicat, elle avait une
essence si subtile qu’elle n’était qu’une configuration féerique
sur le ciel bleu foncé. Elle vibrait à une cadence paisible et régulière.
Deux longues tentacules vertes, tombantes, qui se balançaient
lentement d’avant en arrière et d’arrière en avant, la
complétaient. Cette splendide vision est passée au-dessus de ma
tête avec une dignité silencieuse ; légère et fragile comme une
bulle de savon, elle a poursuivi majestueusement sa route.
« J’avais fait virer mon appareil afin de mieux la contempler,
mais tout à coup je me suis découvert escorté par une escadre
de créatures analogues, de tailles diverses, la première
étant de loin la plus grosse. Certaines me parurent très petites ;
mais la majorité avait la taille d’un ballon de taille moyenne. La
délicatesse de leur contexture et de leurs teintes me rappelait le
verre de Venise. Le rose et le vert pâle étaient les couleurs dominantes,
mais elles s’irisaient quand le soleil jouait avec leurs
formes graciles. Plusieurs centaines sont ainsi passées près de moi.
Leurs formes et leur substance s’harmonisaient si parfaitement
avec la pureté de ces altitudes qu’il était impossible de
concevoir rien de plus beau.
« Mais bientôt mon attention a été captivée par un autre
phénomène : les serpents de l’air extérieur. Imaginez de longs
rouleaux minces, fantastiques, d’une matière qui ressemblait à
de la vapeur : ils tournaient et se tordaient à une vitesse incroyable
; l’oeil pouvait à peine suivre leurs évolutions. Certains
de ces animaux fantômatiques pouvaient avoir huit ou dix mètres
de long, mais il était malaisé de chiffrer leur diamètre, tant
leur contour était brumeux et semblait se fondre dans l’air. Ces
serpents de l’air, d’un gris très clair, étaient striés à l’intérieur de
lignes plus foncées qui donnaient l’impression d’un organisme
réel. L’un d’entre eux m’a frôlé le visage : j’ai senti un contact
froid et humide. Ils avaient l’air si peu matériels que je n’ai nullement
pensé à un danger physique possible en les observant
d’aussi près. Leurs formes étaient aussi dépourvues de consistance
que l’écume d’une vague qui se brise.
« Une expérience plus terrible m’était réservée. Descendant
d’une grande altitude, une tache de vapeur de pourpre m’a
d’abord paru petite, mais elle a grossi rapidement en se rapprochant
de moi. Bien que constituée par une sorte de substance
transparente qui ressemblait à de la gelée, elle n’en avait pas
moins un contour bien précis et une consistance plus solide que
ce que j’avais vu jusqu’ici. J’ai relevé également des traces plus
nettes d’un organisme physique : en particulier deux plaques
rondes, assez larges, ombreuses, de chaque côté, qui pouvaient
être des yeux, et entre eux un objet blanc très solide qui faisait
saillie, et qui était aussi recourbé et paraissait aussi cruel que le
bec d’un vautour.
« L’aspect global de ce monstre était formidable, menaçant.
Il changeait constamment de couleur, virant d’un mauve très
clair à un rouge sombre inquiétant. Je ne pouvais nier sa densité
– 18 –
puisqu’il avait projeté une ombre en s’intercalant entre le soleil
et l’avion. Sur la courbure supérieure de son corps il y avait trois
grosses bosses que je ne saurais mieux décrire qu’en les comparant
à des bulles énormes ; j’ai pensé qu’elles devaient contenir
une sorte de gaz extrêmement léger destiné à soutenir cette
masse informe et demi-solide dans l’air raréfié. Se déplaçant
rapidement, le monstre suivait sans effort la vitesse de mon
monoplan ; pendant une trentaine de kilomètres, il a plané audessus
de moi, tel l’oiseau de proie qui se prépare à fondre sur
sa victime. Pour progresser, sa méthode consistait à lancer devant
lui quelque chose comme un long serpentin glutineux qui à
son tour semblait tirer le reste du corps ; il était si élastique, si
gélatineux, qu’il ne conservait jamais la même forme pendant
deux minutes consécutives ; mais chaque modification le rendait
plus menaçant, plus affreux.
« Je savais qu’il était mon ennemi. Chaque élément de son
corps tout rouge proclamait son hostilité. Ses gros yeux imprécis
ne me quittaient pas : ils étaient froids, impitoyables, animés
d’une haine viscérale. J’ai baissé le nez de l’avion pour descendre
et le fuir. Aussitôt, rapide comme l’éclair, une longue tentacule
a jailli de cette masse flottante, et elle s’est abattue comme
un coup de fouet sur le devant de mon appareil. Au contact du
moteur brûlant j’ai entendu un sifflement aigu, et la tentacule a
remonté dans l’air tandis que le corps du monstre se recroquevillait
comme sous l’emprise d’une douleur subite. J’ai voulu
plonger en piqué, mais à nouveau une tentacule est tombée sur
l’avion : l’hélice l’a arrachée avec la même facilité que si elle
avait fendu un tortillon de fumée. Un long rouleau gluant, poisseux,
s’est alors posé derrière moi, s’est enroulé autour de ma
taille pour me tirer hors du fuselage. Mes doigts se sont enfoncés
dans une surface lisse comme de la glu, l’ont déchirée, et je
me suis libéré un instant ; mais immédiatement un autre rouleau
m’a enlacé la jambe avec une brutalité telle que je suis
presque tombé en arrière.
– 19 –
« Devant cette attaque, j’ai déchargé les deux canons de
mon fusil. Certes je devais ressembler à un chasseur d’éléphants
attaquant son gibier avec une petite sarbacane de poche ; comment
pouvais-je espérer qu’une arme humaine paralyserait une
masse aussi monstrueuse ? J’ai tout de même été bien inspiré
car, dans un grand fracas, l’une des grosses bosses de la bête a
explosé sous la décharge de mes plombs. J’avais deviné juste :
ces bosses étaient bien gonflées de gaz. En effet mon ennemi a
roulé sur le côté en se tordant désespérément pour retrouver
son équilibre ; le bec blanc s’entrouvrait et claquait de rage.
Mais déjà j’avais entamé le piqué le plus audacieux que je pouvais
me permettre, à pleins gaz ; autrement dit, j’ai chu littéralement
comme un aérolithe. Loin derrière moi une tache rouge
terne se rapetissait rapidement, s’est fondue enfin dans le bleu
du ciel. Ouf ! J’étais sorti sain et sauf de cette terrible jungle de
l’air extérieur.
« Une fois hors de danger, j’ai coupé les gaz, car rien
n’abîme plus une machine que de piquer avec toute la puissance
du moteur. Depuis une altitude voisine de douze mille mètres
j’ai exécuté un merveilleux vol plané en spirales, d’abord jusqu’à
la couche nuageuse argentée, puis jusqu’aux nuages orageux du
dessous, et enfin, à travers une pluie battante, jusqu’au sol. En
émergeant des nuages j’ai vu la Manche au-dessous de moi ;
comme il me restait encore un peu d’essence j’ai franchi une
trentaine de kilomètres à l’intérieur des terres et j’ai atterri dans
un champ, à un demi-kilomètre du village d’Ashcombe où je
suis allé acheter trois bidons. À six heures dix du soir je me posais
sur mon terrain de Devizes après un voyage que nul mortel
sur la terre avant moi n’avait mené à bonne fin pour en faire le
récit. J’ai vu la beauté et l’horreur du plein ciel : beauté et horreur
qui dépassent tout ce que l’homme en connaît sur la terre.
« Mon plan est maintenant de remonter encore une fois
avant de communiquer mes résultats au monde. Il le faut. Il faut
que je ramène une sorte de preuve avant d’accabler mes compariotes d’une pareille histoire !
Naturellement, d’autres aviateurs
confirmeront bientôt mes dires ; mais je voudrais emporter du
premier coup la conviction du public. Ces jolies bulles d’air irisées
devraient se laisser capturer ; elles vont lentement leur
chemin ; un monoplan rapide pourrait les intercepter. Il est
vraisemblable qu’elles se dissoudront dans les couches plus
lourdes de l’atmosphère, et que je ne ramènerai au sol qu’un
petit tas de gelée amorphe. N’importe : j’aurai au moins quelque
chose qui authentifiera mon récit. Oui, je remonterai, même si
je cours les plus grands risques ! Ces monstres rouges n’ont pas
l’air nombreux. Je n’en verrai sans doute pas un seul. Si j’en
aperçois un, je piquerai immédiatement. Au besoin je me servirai
de mon fusil et de ma connaissance de… »
Ici manque malheureusement une page du manuscrit. À la
page suivante, ces mots étaient griffonnés :
« Treize mille cents mètres. Je ne reverrai plus jamais la
terre. Ils sont trois au-dessous de moi. Que Dieu m’aide : mourir
ainsi est atroce ! »
Voilà donc, intégralement, le récit de Joyce-Armstrong. Du
pilote, on n’a plus jamais rien appris. Des débris de son monoplan
fracassé ont été identifiés dans la réserve de chasse de
Monsieur Budd-Lushington, sur la frontière du Kent et du Sussex,
à quelques kilomètres du lieu où le carnet de notes a été
découvert. Si la théorie du malheureux aviateur est exacte, si
cette jungle de l’air, comme il l’appelle, existe seulement audessus
du sud-ouest de l’Angleterre, il a dû chercher à s’enfuir à
tire d’ailes, mais il a été rattrapé et dévoré par ces horribles
monstres au-dessus de l’endroit où l’avion s’est abattu. L’image
de ce monoplan dévalant le plein ciel, avec ces Terreurs innommables
lui barrant la route de la terre et refermant progressivement
le cercle sur leur victime, est de celles sur lesquelles un
homme qui tient à son équilibre mental préfère ne pas
s’éterniser. Je sais que des sceptiques ricaneront devant l’exposé des faits ; mais enfin ils devront bien admettre la disparition de
Joyce-Armstrong ! Je leur recommande de méditer sur ses deux
phrases : « Ce carnet de notes attestera ce que j’essaie de faire,
et comment j’aurai perdu la vie en essayant. Mais de grâce, pas
de radotages sur un « accident » ou un « mystère ! »
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Message par RTA_Carryboo Lun 2 Nov 2009 - 21:07

twop long la flème ! L’Horreur du plein ciel Icon_rr
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Message par RTA_Oscarbob Lun 2 Nov 2009 - 21:16

Sérieux Carryb ? Tu crains !
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Message par 615sqn_Yoyo Lun 2 Nov 2009 - 21:17

J'ai tout lu avec intérêt, c'est très enrichissant surtout lorsque la fille va dans la cuisine et voit le mec, j'vous passe les détails... lisez.
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Message par RTA_Carryboo Lun 2 Nov 2009 - 22:24

suceur de boules Yoyo !!!
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Message par RTA_Redfox Lun 2 Nov 2009 - 22:45

Je l'imprimerai demain au boulot pour le lire plus tard
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Message par RTA_Mc givré Mar 3 Nov 2009 - 12:10

Jolie histoire, j'aime le gars qui embarque son fusil de chasse quand il part voler ^^
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